feulement la Géographie & la Cofmographie, mais encore la Naviga«
tion, l’Aflronomie & d’autres Arts & Sciences, fut ce qui donna lieu
à notre entreprife. Qui auroit cru que ces Pays nouvellement décou«
verts , feraient le moyen par lequel on parviendroit à la: parfaite comtois*
fance de l’ancien Monde, & que H le premier avoit été découvert par celui
ci, il le récompenferoit à fon tour par la découverte de fa véritable fi-
gure julqu’à-préfent ignorée ou: controverfee? Qui, dis-je, auroit penfé
que les S'dences trouveraient, dans ce Pays-là des tréfors non moinsefti-
mables que l’or des Mines qu’ils renferment, & qui ont tant enrichi les
autres Contrées? Que de difficultés ne s’eft-ü pas rencontré, que d’obfta-
clés n’a-t-il pas falu vaincre dans des opérations li longues? l’intempérie
des Climats & des lieux où il les faloit faire, enfin la nature même de l’en-
treprife, comme on le voit en partie dans le Livre déjà cité, & comme
on le verra dans celui-ci. Toutes ces circonftances relèvent infiniment
la gloire du Monarque par la proteflüon duquel l’entreprife a été heureu-
fèment exécutée. Ce fuccès étoit réfervé à ce fiécle, & aux deux Mo-
narques Efpagnels, Philippe V. défunt & Ferdinand VI. notre Souverain*
Le premier a fait exécuter l’entreprife, le fécond Fa honorée de fa pro-
teélion,& en a fait publier la relation, non feulement pour que les Sujets
profitaient des lumières qui y font répandues, mais auffi afin que les au*
très Nations en recueilliffent le même avantage, comme a ’y étant pas
moins intéreffées. Et afin de rendre cette relation plus inftru&ive nous
parlerons des circonftances particulières qui ont donné lieu à notre Voyage,
& qui ont été comme la bafe 8c le fondement des autres entreprifes
dont nous forons mention dans la fuite, chacune félon fong rang.
L ’Académie des-Sciences de Paris, toujours attentive aux progrès de*
Connôiffancès humaines,& toujours empreffée à faifir les moyens propres
a ies étendre, në voyait pas tranquillement l’incertitude où l’on étoit touchant
la véritable figure 8c grandeur de la Terre, objet qui occupoit depuis
plufieurs années les premiers génies de l'Europe. Cette célèbre Compagnie
repréfenta à fon Souverain la néceffité de terminer une dispute,
dont la décifion feroit extrêmement avantageufe à la Géographie &
à la Navigation. Le moyen qu’elle propofa pour y parvenir , fut
de imefurer quelques degrés du Méridien dans le voifinage de l’Equateur,
& dé les comparer avec ceux qu’on avoit mefurés en.'France, ou
(comme on fit encore avec plus de juftefïe après notre départ) avec
d’autre? degrés pris & vérifiés ibus le Cercle Polaire, afin qu’on pût
'juger
Juger des différentes parties de-fa circonférence parleur égalité ou leur
inégalité, & par cette connoiflance déterminer fa figure 8c fa grandeur..
La province de Quito dans FAmérique Méridionale parut la plus propre
au fuccès de Fentreprife; Les autres Pays par où pafle laLigne Equinoxiale
tant en Afièçpl en Afrique étoieht où habités par. des Barbares, ou d’une
trop-petite étendue pour ces fortes d’opérations ; 8c toute réflexion faite,
celui de Quito fut jugé le feul convenable au plan projette.
Le Roi Très-Chrétien Louis XV. le Protefteur des Arts & des
Sciences, fit folliciter par fes Miniftres le Roi Philippe V. de vouloir
bien“ permettre que quelques Membres de Sa Royale Académie le
tranfportâffent à Quito pour y faire les ôbfervations projettées , : lui faifant
en même-tems infinuer quel en étoit le but & l’utilité : objets funples
& fort éloignés de tout ce qui peut infpirer cette méfiance politique qu’on
nomme raifom d’Etat.- Sa Majefté, perfuadée de la fincérité de ces inftan-
ces, 8c voulant concourir à un fi beau defTein, fans préjudicier à fa. Couronne
ni à fts Sujets, demanda l’avis du Confeil des Indes. Ce Tribunal
ayant examiné l’affaire, & donné une réponfe favorable, la permiffion
fut accordée avec toutes les recommandations néceffaires, & les affurances
de laproteéHon Royale aux perfonnes qui dévoient paffer dans ces Pays
pour ee fujet.1 Les Patentes qui leur furent expédiées le 14. & zq. Août
1734. çontenoierit les ordres les plus précis aux Vicerois, Gouvefneurs &
autres Officiers dejuftice, ainfi qU’ùtoüs les Tribunaux, de les favorifer,
aider & fecourir dans tous les lieux par où ils pafferoïent,léur facilitant les
tranfports, de forte que perfonne ne pût leur faire payer plus que ceux du
Pays n’étoient obligés de payer; ajoûtantd’ailleurs toutes les preuves ima-
^oxablçsr-^té fa munificence Royale, & de fon èmpreffementà-coatribuer
aux progrès des Sdencés, & à Feftimé de ceux qui en font profeffion.
~ A dette attention générale Sa Majefté èn ajoûta de particulières pour
Fhonneur de la Nation Efpagmle, &pour entretenir parmi fes Sujets le
goût .des. Sciences. Elle deftina deux Officiers de fes Armées , habiles
dans les Mathématiques, pour concourir aux obfèrvatiohs qui fe dévoient
faire', &pour leur donner plus de relief & en étendre -Futilité, ne voulant
'pas que les Efpagnols fuflent redevables à d’autres qu’à eux-mêmes du fruit
qu’on s’en promettoit. D’ailleurs Sa Majefté confidéroit que les Académiciens
François voyageant en compagnie de ces Officiers feraient plus confédérés
& refpeélés par les naturels du Pays, & n e donneraient aucun ombrage
dans les Lieux par où ils dévoient paffer, aux perfonnes qui n’étoient
pas