A.*r X.
Frimaire
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revenant sans cesse sur nos traces. Plusieurs
fois je tentai de prendre le crayon pour saisir
la scène dont nous étions les tristes acteurs ;
mais la pluie ne me permit pas un instant d’ouvrir
le cahier où. étaient contenus mes papiers
et mes crayons ; d’ailleurs , j’avais les doigts
tout engourdis.
C’est pendant notre promenade que nous
distinguâmes enfin entre les brumes, Guichard
et Cochinard portant tour-à-tour Alexandre
qu’ils avaient tiré du plus mauvais pas. Tout
dégouttans d’eau , ils ouvrirent la marche ,
ajoutant un troisième groupe au tableau.
Le Gentil poussant un grand soupir en quittant
la savane où nous nous étions ainsi promenés
, la nomma savane des inquiétudes.
C ’est une heure environ après en être partis
dans l’état le plus alarmant, que, malgré les
brouillards épais qui semblaient ne devoir pas
permettre à Guichard de se reconnaître dans
un lieu où il n’y avait pas de sentier tracé,
nous arrivâmes à la grotte où nous devions
nous arrêter. Cette grotte est située au revers
d’une côte si rapide, qu’il nous fallut une
demi-heure pour la descendre , tant elle était
glissante.
Le bon feu que nous trouvâmes, l’eau-de-
Vie dont nous fîmes frotter les noirs saisis de — — *
, _ . A l ÀS X.
froid, leur rendirent bientôt le sentiment. _ '
Chacun se sécha du mieux qu’il put, e t , maire.?
cédant à la fatigue, s’endormit du plus profond
sommeil.
Les brumes , loin de se dissiper, augmentaient
autour de nous. Vers le milieu de la nuit,
j’avais eu l’espoir d’un plus beau jour; au lever
de l’aurore , on distinguait dans le nord-ouest
la cime du piton des Neiges qui était le but de
notre pénible voyage : mais bientôt de nouveaux;
nuages s’accumulant de toutes parts comme
pour nous emprisonner dans notre grotte, nous
contraignirent à ne pas sortir de tout le 5.
Heureusement que les moindres espaces 9
dans des lieux si peu connus des naturalistes,
sont encore' pour le voyageur, des carrières
fécondes. Les parois seules de la caverne me
présentaient des choses rares : j’y découvris
trois belles plantes qui n’étoient pas décrites ;
c ’étaient un derostique à feuilles entières , que
j ’avais déjà remarqué à la plaine des Chicots (i)*-
(1) Acrostichum ( hybridum ) frohdibus sterilibus,
ovato-oblongis, mürgiûibus nërvùriique crinitis, om~>
hibus longissirnè pedunculalis. N.
Cette espèce a les plus grands rapports avec cinq où
six, autres plantes du «terne genre qui ont, comme elle,