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imprécations, et le hennissement des animaux
amoureux1, firent sortir une foule d’habitan3
de plusieurs cases qu’à peine j ’avais distinguées;
ce qui me mit le plus en colère, c’est que pas
un de ces personnages ne s’inquiéta de nous
secourir : ils étaient tout bonnement à l’ombre
de leur maisonnette , comme pour assister à
une course divertissante. E n fin , après bien des
tours et détours qu’avait faits mon cheval pour
joindre les jumens qui semblaient bientôt disposées
à se rendre, il vint comme furieux se
précipiter vers l ’une de ces cases*, contre le coin
de laquelle il se fût infailliblement brisé, si un
jeune homme qui me considérait tranquille—*
ment, ayant vu qu’il allait y avoir du danger
pour lu i, ne l’eût saisi très-à-propos par une
des branches du mors et ne l’eût arrêté. Je' descendis
aussitôt, et dès que je fus à bas , Jôüvan-
court parvint enfin à réduire sa monture , et
fut aussi hors de risques. .iifl
L e jeune homme qui me tira d’embarras, et
que je -n e reconnus pas d’abord , tant j ’étais
p réo c cu p é , était un monsieur avec lequel je
m’étais trouvé, je c ro is , chez M, Déjean où
chez M. Nérac. J’avoue que, loin de lui savoir
bon gré du service qu’il me* rendait , je fus au
moment de lui dire mon opinion sur sa eoniduite
et sur celle de tous ses voisins ; mais j ’eus
encore assez de présence d’esprit pour sentir
qu’après avoir eu affaire à des chevaux , il ne
fallait pas se mettre les créoles aux trousses ;
et j ’acceptai au contraire avec empressement,
pour mon camarade et pour m o i, des limonades
au m ie l, que nous prîmes en nous remettant
en selle.
Nous ne marchâmes pas long-tems, et toujours
sur un sol dépouillé, sans traverser le lit
d’une ravine considérable, et sans rencontrer
quelques maisons autour d’une église ; cette
église était celle de Saint-Louis-du-Gaul. D ’ici
à la ravine des A virons, le pays va nous offrir
un aspect bien différent de tout ce que nous
avons déjà vu : c ’est une suite de dunes de sable
mouvant, semblables pour leur disposition à
celles qui bordent nos côtes depuis la Zélande
jusqu’à Calais, et depuis la Saintonge jusqu’à
Baïonne.
Jusqu’à la ravine des Avirons, qui est assez
profondément encaissée, et en poursuivant le
grand chemin , nous aurons à droite des monts
rapides , déchirés par une grande quantité
de torrens, couverts de végétation par-tout
où la pente le permet, et semés de petites habitations
d’un aspect agreste et pittoresque. Le
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