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x>‘ Les raisons pour lesquelles, j ’avais été dê-
' F barqué étaient légitimes : j ’étais sûr qu’on ne
maire, pouvait pas me faire le moindre reproche si la
vérité était connue. Mais pouvait-elle l’être?
C ’est ce doute qui me tourmentait. J’avais les
plus fortes raisons. de croire que nul de ceux
qui avaient quitté M. Baudin , n’avait été
plus calomnié que mpi près du gouvernement
Je craignais de ne plus être employé à mod
retour. Il est si difficile d’être replacé, etuneré*
forme arrive si promptement,! Je regrettais déjà
mon tems perdu aux armées. Pour surcroît d©
chagrin, j ’appris que la guerre avait recommencé,
et que l’arinée française avait effacé
l ’éclat dé ses anciennes victoires , par celui de
victoires nouvelles.
Craignant que la carrière des armes ne me
fut ferméè , ce fut à mon goût pour l ’histoire
naturelle que je dus de ne pas m’abandonner
au plus noir chagrin , et je résolus d’entreprendre
quelque grand voyage pour ip’instruire
et pour me consoler. Je voulais d’abord parcourir
Madagascar, visiter ensuite l ’Inde avec les
. îles de l ’A s ie , et ne revenir en Europe que par
l ’Afrique , dans le centre de laquelle j ’aurais
péri ou pénétré. Tels étaient mes projets; tels
peut-être- ils seront encore, quand la France
atfra
aura forcé ses ennemis à lui accorder une longue
et glorieuse paix.
Un rayon d’espoir vint , après dix-huit mois
de chagrin, luire à mon coe u r , et réveiller en
moi le désir de revoir ma patrie. L e général
Magallon de la Morlière, qui avait eu tpnt de
bontés pour moi, et sur-tout celle de ip ’employer
à son état-major ; le général Magallon,
d is -je , m’écrivit à la Béunion, et l ’enveloppe
de M. Capmartin contenait sa dépêche.
L e gouverneur m’annonçait dans sa lettre ,
la capture du Pr ince, etle projetqu’il avait d’envoyer
ce navire en Europe. Il m’offrait d’y être
passager, me flattait de l ’espoir que quelque
combat glorieux signalerait notre traversée, et
me promettait de rendre au gouvernement un
compte avantageux de ma conduite. « Ne désespérez
pas s me disait-il , mon cher Saint—
Vincent ; le gouvernement actuel sait rendre
justice a chacun, et un brave homme ne renonce
jamais a l’etat que vous avez ».
A peme eus-je lu la missive du général, qUe
je ne songeai plus qu’à partir ; toutes mes idées
se tournèrent vers la France, avec d’autant pl«s
d ’impétuosité, que depuis le tems où je parcourais
les régions sauvages et inconnues de nos
îles d’Afrique, je n’en avais conservé qae
A s X.
F rimaire.