A k X.
Frimaire.
descendre alternativement jusqu’à Saint-Denis.
Il n’y a sûrement nulle part dans le monde,
un chemin mieux entendu dans de pareils site
s , et malgré ce la , c’est le plus pénible et
le plus fatigant de tous.
Qu’on imagine un pays presqu’ entièrement
dépouillé d’arbres, et privé d’ombrages.
Des ravines énormes, dont les bords ont
jusqu’à cent toises d’escarpement, le coupent
à chaque p a s , et semblent rendre toute communication
impossible d’un côte à l’autre.
L a ravine que nous traversâmes d’abord *
est la ravine à Malheur. Ce nom sinistre rappelle
le premier crime qui fut commis dans
le pays. On raconte qu’un prêtre et un particulier
nommé Marqués , s’étant pris de quere
lle , pour un noir que chacun disoit lui appartenir,
l ’ecclésiastique, homme violent, précipita
l’esclave dans le torrent, en disant à
Marqués : «Puisque je ne puis l ’avoir, tu ne l ’au-
5) ras pas. » Marqués, chasseur de profession ,
ne marchait jamais sans un fusil. Le prêtre n ’avait
pas imaginé qu’il osât en faire usage contre
sa personne, réputée sainte et sacrée chez
les créoles simples et gross'ers de ce tems j
mais indigné de l ’acte de violence qui venait
de se commettre sous ses y e u x , le chasseur
n’hésita pas à punir, et tua sur la place l ’abo- An
minable curé. Il se sauva ensuite dans les soli- Fri_
tudes voisines , et y vécut long — tems cache maire*
vers les sources du torrent qui porte encore
son nom, et que nous avons traversé tout a
l ’heure.
Vient ensuite la petite Chaloupe; la ravine
à Malheur m’avait paru effrayante, mais là
petite ravine l ’était encore bien davantage. Je
n ’imaginais pas qu’on pût en trouver une plus
profonde, et dont les bords fussent plus rapides
; bientôt la grande Chaloupe me prouva
le contraire. Il faut au moins trois quarts d’heure
pour traverser cette dernière.
L a ravine à Jacques, et la grande ravine se
présentent à leur tour ; après cette dernière,
qui est la plus cruelle, le chemin devient moins
fatigant, et l ’on trouve enfin un pays cu ltivé
, agréable, fertile, et animé par de jolies
habitations distribuées à sa surface.
En descendant et en montant sur les parois
des torrens que nous avons traversés depuis la
Possession, à l ’aide des sinuosités qui multiplient
si fort la longueur du chemin > on observera
que toutes ces parois sont formées
de couches de laves. L a lave basaltique y est
la plus fréquente, mais elle affecte souvent une