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^ '2 " militaires. J’avais dîné, conséquemment je me
, refusai de manger.
Floréal. 0 a i .
Bientôt arriva l’instant ou l’on leva la nappe
pour servir le dessert , et découvrir une superbe
table de l’acajou le plus poli. C ’est l ’usage
qu’alors les dames .quittent la partie, et vont
s’ennuyer dans leurs appartemens en prenant
du th é , tandis que les hbmmes s’égayent en
s’enivrant.
Nous avions à table deux demoiselles; elles
étaient filles du gouverneur, qui en avait encore
deux autres à la campagne. Ces demoiselles
me parurent d’autant mieux, que je venais
de descendre d’un bord où nous n’avions pa8
d e jolies femmes. L ’une avait tout au plus
vingt ans : ses beaux cheveux noirs, relevés
élégamment avec un peigne d’écaille, contrastaient
avec la blancheur de son teint et avec
sa parure simple toute blanche. L ’autre pouvait
avoir deux ans de plus : un chapeau - capote
de velours noir, doublé de cramoisi, et surmonté
d’une plume noire, formait sa coiffure ; elle était
mise d’une manière gracieuse, quoique pas à
la française.
Je ne savais si je devais me plaindre ou me
louer de voir partir ces demoiselles ; à peine-
avais-je eu le tems de les bien regarder, mais
aussi
( BoS )
aussi mes convives allaient être à l’aise, et j ’a i- ^ w ^ '
lais pouvoir juger de Ce que c’est que la gaîté Floréal<.
anglaise.
Deux cents bouteilles ou carafes de beau
cristal circulèrent bientôt sur la table : c’était
du vin de Madère, de Porto ou de Clairet. Ce
Vin de Clairet, que les Anglais s’imaginent être
d’excellent Bordeaux, est effectivement du Bordeaux
, mais c’est un mélange de blanc et de
ro u g e , qui est fort mal-sain, et que les vrais
connaisseurs n’aiment pas du tout.
.Je ne conçois pas comment, dans cette fameuse
journée, je pus conserver mon sang-
froid; c a r , malgré le grand nombre de toasts
que j ’é v ita i, je fus forcé de boire une quantité
prodigieuse de tous ces vins mêlés ; il me tardait
que le dessert cessât, tant pour ne pas
m’exposer à me g r is e r , que pour revoir les
filles du gouverneur. Enfin, à huit heures,
quand tout le monde criait bien fo r t , on se
leva de tab le , et quelques-uns des convives
passèrent dans une autre p iè c e , où étaient des
dames.
Comme il circula à table que j’étais un officier
de l’état-major du général Magallon , deux
grands messieurs m’approchèrent, et l’un d’eux,
colonel de génie , qui parlait passablement le
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