
beaucoup ont été abandonnées aux Arabes en toute
propriété, et parmi celles-ci des forêts de chênes-
liège, dont l’écorce est très riche en tanin. L’Arabe
ne se donne pas la peine d’exploiter son liège, il vend
ses arbres à bas prix à des industriels qui les coupent
pour faire du tan et rasent ainsi les forêts. Cette
opération accomplie, l’Arabe amène ses chèvres, qui
ont bientôt achevé l’oeuvre de destruction. Beaucoup
de montagnes ont été totalement déboisées : Dréat,
Dira, Ouach, Meghris; etc.; chez d’autres : Aurès,
Mahdids, etc., l’oeuvre de destruction marche rapidement.
Les résultats toujours fâcheux; du déboisement ne
sont pas les mômes partout. Sur certaines montagnes
gréseuses, un tapis de Graminées ne tarde pas
à s’établir et protège le sol contre l’action érosive
des eaux, ou du moins la ralentit considérablement.
Ailleurs au contraire, la terre végétale est rapidement
enlevée, le rocher se dénude, et la ruine devient
complète.
Même sur les montagnes qui gazonnent, comme le
Dréat, le Dira, le Meghris, l’Ouach,il ne faudrait pas
croire que le déboisement soit sans inconvénients.
Il pousse beaucoup moins d’herbe sur le sol dénudé
qu’à l’ombre des forêts. Là où la forêt existe encore,
la végétation herbacée devient luxuriante; là où
l’arbre a disparu, il n ’y a plus qu’un gazon ras, sauf
près des sources où l’herbe est un peu plus élevée.
Rien de plus frappant que de voir sur nos montagnes
un arbre resté seul sur un terrain déboisé. A sa
base, sur un espace aussi large que sa ramure, l’herbe
croît haute et touffue, tranchant sur le gazon ras du
voisinage. L’arbre agit de plusieurs manières : par
l’humus qu’il produit, par son ombre qui tempère la
chaleur du soleil et diminue l’évaporation, en maintenant
plus longtemps la neige et peut-être par des
causes moins connues. Ce qui est certain, c’est qu’avee
les déboisements,la sécheresse et l’aridité augmentent,
même lorsque la terre n’est pas entraînée par les
eaux pluviales, et le climat se détériore.
Rien de plus variable que les forêts algériennes.
Tantôt ce sont de maigres broussailles d’où émergent
çà et là quelques arbres malingres ; ici des pins assez
vigoureux n ’ayant au-dessous d’eux que des schistes
nus ou peuplés de quelques rares herbes ou arbustes,
comme dans les Bibans ; ailleurs des boisements plantureux
et touffus couvrant une flore herbacée et
des sous-bois luxuriants ; quelquefois de vraies forêts
vierges entremêlées de lianes et impénétrables. Tantôt
une essence unique domine, tantôt c’est un
pêle-mêle d’arbres de toute nature.
C’est surtout dans le Tell inférieur que les essences
sont le plus mélangées. Les forêts, en général assez
maigres, n’y occupent plus guère que de mauvais
terrains. C’est là d’ailleurs que la forêt a le moins
de raison d’être. Pourtant quelque essence finit par
dominer, comme le pin dans la forêt de Marengo,le
chêne-liège à la Reghaïa et à Bou Sfer. Sur bien des
points cependant la forêt pourrait peut-être constituer
une culture rémunératrice, par exemple dans la
plaine du Chélif, où la sécheresse rend les récoltes si
aléatoires. La culture de l’oliviep, du caroubier et
des arbres à tanin pourrait y être pratiquée avec
beaucoup d’avantages. Le climat aujourd’hui insupportable
s’améliorerait beaucoup. Lorsque la forêt
occupe de bons terrains, dans nos plaines du Tell