Cabinet du Roy étoit affez abondant pour fournir à l’un
& à l’autre de ces arrangemens, ainfi dans chacun des
genres qui en étoit fufceptible, j’ai commencé par choi-
fir une fuite d ’efjpèces <Sc même de plufieurs individus
de chaque efpèce, pour faire voir les variétés, auffi-bien
que les efpèces confiantes, & je les ai rangez méthodiquement
par genres & par claffes; le flirplus de chaque
colleélion a été diftribué dans les endroits qui ont paru
le plus favorables pour en faire un enfemble agréable à
l’oeil & varié par la différence des formes & dés cour
leurs. C ’eft-là que les objets les plus importans de l’Hif-
toire Naturelle font préfentez à leur avantage : on peut
les juger fans être contraint par l’ordre méthodique,
parce qu’au moyen de cet arrangement on ne s’occupe
que des qualités réelles de l ’individu fans avoir égard aux
caraétères arbitraires du genre & de l’efpèce.
Si on avoit toujours fous les yeux des fuites rangées
méthodiquement, il ferait à craindre qu’on ne fe laiffât
.prévenir par la méthode, & qu’on ne vînt à négliger l’étude
de la Nature pour fe livrer à des conventions auxquelles
elle n'a fou vent que très peu de part. T o u t ce que
l’on peut raffembler de fes produélions dans un Cabinet
d ’Hiftoire Naturelle, devrait y être diflribué dans l’ordre
qui approcherait le plus de celui qu’elle fuit lorfqu’elle
eft en liberté. Quoique contrainte on pourrait encore
l’y reconnoître, après avoir raffemblé dans un petit efpàce
des produélions qui font difperfées au loin fur la terre ;
mais pour peu que ces objets foient nombreux, ou fe
croit'obligé d ’en faire des claffes, des genres & des efpèces
pour faciliter l’étude de leur hifioire. Ces principes
arbitraires font fautifs pour la plupart, ainfi il ne faut les
fuivre dans les fuites rangées méthodiquement que comme
des indices qui conduifent à obferver la Nature dans les
colleétions où elle paraît fans aucuns autres apprêts que
ceux qui peuvent la rendre agréable aux yeux. Les plus
grands Cabinets ne fufhroient pas fi on vouloit imiter
les difpofitions & les progreffions naturelles ; on eft donc
obligé, afin d ’éviter la confufion, d ’employer un peu d ’art
pour faire de la fÿmmétrie ou du contrafte.
Tant que l’on augmente un Cabinet d ’Hiftoire Naturelle
, on n ’y peut maintenir l’ordre qu’en déplaçant
continuellement tout ce qui y eft ; par exemple, lorfqu’on
veut faire entrer dans une fuite une efpèce qui y manque,
fi cette efpèce appartient au premier genre, il faut que
tout le refte de la fuite foit déplacé pour que la nouvelle
efpèce foit mife en fon lieu. Comme le Cabinet du Roy
a été confidérablement augmenté depuis quelques années,
on conçoit aifément que l’arrangement en a été changé
plufieurs fois, & je fouhaite avec empreffement d'être
fbuvent dans le même cas, c ’eft la preuve la plus évidente
des progrès que fait cet étabiiffement : quoique
ce genre d ’occupation demande de l’attention & qu’il
emporte toûjours beaucoup de temps, ceux qui font des
colleétions d ’Hiftoire Naturelle ne doivent point le négliger;
on ne le trouvera point ennuyeux, ni même
infructueux, fi l’on joint au travail de la main j ’efprit