préfervatrice, fans pouvoir parvenir à en favoir la compofition.
M. Ruyfch penfoit-il donc quefes pièces d ’anatomie
euffent perdu de leur valeur, fi le public eût été
inftruit de la façon dont il les confervoit ï n’étoit-ce pas
déjà trop du fecret qu’il faifoit du procédé de fies injections
ï cependant la liqueur préfervatrice ne fut connue
qu’après fa m o rt, on en donna en 1731 la recette à l’Académie
royale des Sciences, qui chargea M. Geoffroy
d ’en faire la compofition : voici le rapport qu’il fit de
fon opération , qui contenoit le détail de la recette & le
réfultat de la compofition.
On pulvérifera groffièrement une once fix gros de poivre
noir, une demi-once de petit cardamome mondé, 8c
égale quantité de girofle, on jettera ces matières dans une
cucurbite de verre avec douze livres d ’efprit de vin ; on
fufpendra au milieu de la liqueur un nouet, dans lequel
feront contenues deux onces de camphre, on diftillera le
tout au bain-marie jufqu’à ficcité. M. Geoffroy ayant fuivi
ce procédé, eut onze livres trois onces de liqueur diftiliée ;
il reconnut dans la fuite qu’il falloit y ajoûter un tiers d ’eau
filtrée pour l’adoucir, parce qu’elle étoit trop forte.
On n’a pas fait grand cas de cette liqueur préfervatrice
dès qu elle a été connue : l’expérience n’a pas prouvé que
les drogues que M. Ruyfch mêloit à l’efprit de vin le
rendiffent plus propre à l’effet que l ’on defiroit, il paraît
même qu’il ne comptoit pas trop fur ce mélange, puif-
qu’il ne parla que du poivre dans le mémoire qu’il donna
au Czar Pierre Ier, & que j’ai déjà cjté à la page 139.
Il dit expreffément dans cet endroit que fa liqueur n ’efl
autre chofe que de l’efprit de vin & de l’efprit de dr'eche,
auquel on ajoutera feulement dans la diftillation une poignée
de poivre blanc, afin que cet efprit puiffe pénétrer
plus facilement dans les parties mufculeufes ; 8c lorfqu’il
s ’agiffoit d ’une partie du corps humain dont il vouloir
conferver toute la beauté, il diftilloit lui-même l’efprit clc
vin dans un alambic étamé fur un feu fort foible ; l’alkool
commun , c’efl-à-dire, l’efprit de vin qu’il achetoit dans
les boutiques, fuffifoit pour les pièces les moins délicates
, telles que les oifeaux, les poiffons, les quadrupèdes,
8cc. Cet efprit de vin , quoique fait fans foin , ne
pouvoit altérer les pièces délicates que par le verd de
gris qui ferait venu des-vaiffeaux de cuivre, car M. Ruyfch
ajoûte qu’il y mêloit de l’eau pure; ainfi la liqueur n ’étoit
pas trop forte ; il ne faut donc pas employer indifféremment
tout efprit de vin fans favoir s’il a été difîillé dans-
des vaiffeaux convenables , lorfqu’on a des pièces délicates
à conferver. Notre auteur recommande de ne pas-
rendre les efprits trop fubtils, de peur, d i t - i l , qu’ils ne
s’évaporent dans les vaiffeaux ; je me fers donc , continue
t-il, d ’efprit reéfifié, fur lequel je mêle une troifiè-
me partie d eau, 8c je ne trouve point de mélange préférable
à celui-là. M. Ruyfch devoir avoir fou vent éprouvé
que l’efprit de vin bien déphlegmé fait un mauvais effet
fur les chairs, comme je l’ai déjà dit ; c ’eft plûtôt pour
cette raifon qu’on doit y mêler de l ’eau , que pour retarder
l’évaporation.