plus réiolus, les plus capricieux & les plus fujets à fe dé-
fe/pérer, & que les Nègres créoles, de quelque nation
qu’ils tirent leur origine, ne tiennent de leurs pères &
mères que l’efprit de fervitude & la couleur , qu’ils font
plus Ipirituels, plus raifonnables, plus adroits, mais plus
fainéans & plus libertins que ceux qui font venus d ’Afrique.
Il ajoute que tous les Nègres de Guinée ont l’elprit
extrêmement borné | qu’il y en a même plufieurs qui pa-
roilfent être to u t-à -fa it llupides, qu’on en voit qui ne
peuvent jamais compter au delà de trois , que d’eux-
mêmes ils ne penfent à rien , qu’ils n’ont point de mémoire
, que le palfé leur ell auffi inconnu que l ’avenir ;
que ceux qui ont de l’efprit font d ’alfez bonnes plailàn-
teries «St faifilfent alfez bien le ridicule ; qu’au relie ils
font très - dilîimulez «St qu’ils mourraient plutôt que de
dire leur fe c re t, qu’ils ont communément le naturel fort
doux, qu’ils font humains, dociles , fimples, crédules &
même fuperllitieux ; qu’ils font alfez fidèles, alfezbraves ,
& que ft on vouloit les difcipliner & les conduire , on en
ferait d ’alfez bons foldats *.
^Quoique les Nègres aient peu d ’efprit, ils ne lailTent
pas d ’avoir beaucoup de fentiment, ils font gais ou mélancoliques
, laborieux ou fainéans, amis ou ennemis,
félon la manière dont on les traite ; lorfqu’on les nourrit
bien <3t qu’on ne les maltraite pas, ils font contens,, joyeux,
prêts à tout faire; «St lafàtisfaélion de leur ame elt peinte
* Voyez I’hiltoire de S‘. Domingue, p a rie P. CharleYoix. Parti»
1 7 3 <r.
fur leur vifage ; mais quand on les traite mal, ils prennent
le chagrin fort à coeur & périlïènt quelquefois de mélancolie
: ils font donc fort fenhbles aux bienfaits & aux
outrages, «St ils portent une haine mortelle contre ceux
qui les ont maltraitez ; lorfqu au contraire ils s afleélion-
nent à un maître, il n ’y a rien qu ils ne fulfent capables
de faire pour lui marquer leur zèle «St leur dévouement.
Ils font naturellement compatiffans «St meme tendres pour
leurs enfans, pour leurs amis, pour leurs compatriotes * ,
ils partagent volontiers le peu qu ils ont avec ceux qu ils'
voient dans le befoin, fans même les connoître autrement
que par leur indigence. Ils ont donc, comme 1 on v o it,
le coeur excellent, ils ont le germe de toutes les v ertu s,
je ne puis écrire leur hilloire fans m attendrir for leur état,
ne font-ils pas alfez malheureux d ’être réduits à la fervitude
, d ’être obligez de toûjours travailler làns pouvoir
jamais rien acquérir! faut-il encore les exceder, les frapper
, & les traiter comme des animaux ! l’humanité fe
révolte contre ces traitemens odieux que l ’avidité du gain
3 mis. en ufage, & qu’elle renouvellerait p eu t-être tous
les jours, ft nos ioix n ’avoient pas mis un frein à la brutalité
des maîtres,. & relferré les limites de la misere de
leurs efclaves. On les force de travail, on leur épargne
la nourriture, même la plus commune, ils fupportent, dit-
o n , très-aifément la faim; pour vivre trois, jours il ne leur
faut que la portion d ’un Européen pour un repas ; quelque
peu qu’ils mangent & qu’ils dorment , ils font toujours.
* Voyez l’Hiftoire des Antilles, page 4 83 jufqu’à 3 33 .
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