à midi, on n’apercevra pas cette lumière à plus de dix ou
douze mille fois la longueur de fon diamètre, c’elt-à- dire,
à plus de deux cens toifes, fi nous la fuppofons éclairée
aulfi-bien que nos yeux par la lumière du foleil. Il en eft de
même d ’un objet brillant fur lequel la lumière du foleil fe
réfléchit avec vivacité, on peut l’apercevoirpendant le jour
à une diftance trois ou quatre fois plus grande quelesautres
objets, mais fi cet objet étoit éclairé pendant la nuit de la
même lumière dont il féto it pendant le jour, nous l’apercevrions
à une diftance infiniment plus grande que nous
n ’apercevons les autres objets ; on doit donc conclurreque
la portée de nos yeux eft beaucoup plus grande que nous
ne l’avons fuppofée d ’ab o rd , & que ce qui empêche que
nous: ne diftinguions les objets éloignez, eft moins le
défaut de lumière, ou la petitefTe de l’angle fous lequel ils
fe peignent dans notre oe il, que l’abondance de cette
lumière dans les objets intermédiaires & dans ceux qui
font les plus voifins de notre oe il, qui caufent une fenfa-
tion plus vive & empêchent que nous nous apercevions
delafenfàtion plus foible que caufent en même temps les
objets éloignez. L e fond de l’oeil eft comme une toile fur
laquelle fe peignent les objets, ce tableau a des parties
plus brillantes, plus lumineufes, plus colorées que les autres
parties ; quand les objets font fort éloignez, ils ne peuvent
fe repréfenter que par des nuances très-foibles qui difpa-
roiffent lorfqu’elles font environnées de la vive lumière
avec laquelle fe peignent les objets voifins ; cette foible
nuance eft donc infenfible & difparoît dans le tableau,
niais fi les objets voifins & intermédiaires n ’envoient
qu’une lumière plus foible que celle de l’objet éloigné,
comme cela arrive dans l’obfcurité lorfqu’on regarde
une lumière, alors la nuance de l’objet éloigné étant plus
vive que celle des objets voifins, elle eftfenfible & paraît
dans le tableau, quand même elle ferait réellement beaucoup
plus foible qu’auparavant. De-là il fuit qu’en fe mettant
dans l’obfcurité, on peut avec un long tuyau noirci faire
une lunette d ’approche fans verre , dont 1 effet ne laifi-
feroit pas que d’être fort confidérable pendant le jour ,
c ’eft auffi par cette raifon que du fond d ’un puits ou d ’une
cave profonde on peut voir les étoiles en plein midi ,
ce qui étoit connu des A nciens, comme il paraît par ce
paflage d ’Ariftote : Manu enirn admotâ aut per jiftulam
longitis cernet. Quidam ex foveis puteifque interdum ftelias
confpiciunt.
On peut donc avancer que notre oeil a affez de fenfî-
bilité pour pouvoir être ébranlé & afl’eété d’une manière
fenfible par des objets qui ne formeraient un angle que
d ’une fécondé, & moins d ’une fécondé, quand ces objets
ne réfléchiraient ou n ’enverroient à foeil qu’autant de
lumière qu’ils en réfléchiffoient lorfqu’ils étoient aperçus
fous un angle d ’une minute, & que par conféquent la
puiflance de cet organe eft bien plus grande qu’elle ne
paroît d ’abord ; mais fi ces objets, fans former un plus
grand angle, avoient une plus grande intenfité de lumière,
nous les apercevrions encore de beaucoup plus loin.
Une petite lumière fort v i v e , comme celle d ’une étoile
S f ü j