Si donc l’on frappe un corps incapable de vibrations avec
une malle double, il produira un fon qui fera double, c’eft-
à-dire, à l’octave en bas du premier, car c’eftla même chofe
que fi l’on frappoit le même corps avec deux maffes égales,
au lieu de ne le frapper qu’avec une feule , ce qui ne
peut manquer de donner au fon une fois plus d ’intenfité,
Suppofons donc qu’on frappe deux corps incapables de
vibrations ,1’un avec unefeule malfe, & l’autre avec deux
maffes chacune égale à la première, le premier de ces
corps produira un fon dont l ’intenfité ne fera que la moitié
de Celle du fon que produira le fécond , mais fi l ’on
frappe l’un de ces corps avec deux maffes & l'autre avec
trois, alors ce premier corps produira un fon dont l’inten-
fité fera moindre d ’un tiers que Celle du fon que prodtrira
le fécond corps , & de même fi l’on frappe l’un de ces
corps avec trois maffes égales & l’autre avec quatre, le premier
produira un fon dont l’intenfité fera moindre d ’un
quart que celle du fon produit par le fécond : or de toutes
les comparaifons poffibles de nombre à n om b re , celles
que nous faifons leplus facilement,font celles d ’un à deux,
d ’un à tro is, d’un à quatre, &c. & de tous les rapports compris
entre le fimple & le do u b le, ceux que nous apercevons
leplus aifément.font ceux de deux contre un , de
trois contre deux, de quatre contre trois, &c. ainfi nous
ne pouvons pas manquer en jugeant les fons, de trouver
que l’oéfave eft le fon qui convient ou qui s’accorde le
mieux avec le premier, & qu’errfuite ce qui s’accorde le
mieux eft la quinte & la quarte, parce que ces tons font en
effet dans cette proportion ; car fuppofons que les parties
offeufes de l’intérieur des oreilles foient les corps durs &
incapables de vibrations, qui reçoivent les coups frappez
par ces maffes égales, nous rapporterons beaucoup mieux
à une certaine unité de fon produit par une de ces malles,
les autres fons qui feront produits par des maffes dont les
rapports feront à la première maffe comme 1 a 2, ou 233»
ou 3 à 4 , parce que ce font en effet les rapports que l’ame
aperçoit le plus aifément. En confidérant donc le fon
comme fenlation, on peut donner la railon du plaiftr que
font les fons harmoniques, il confifte dans la proportion
du fon fondamental aux autres fons ; fi ces autres fons mefu-
rent exactement & par grandes parties le fon fondamental,
ils feronttofijours harmoniques & agréables ; fi au contraire
ils font incommenfurables ou feulement commenfurables
par petites parties, ils feront difcordans & défàgréables.
On pourrait me dire qu’on ne conçoit pas trop comment
une proportion peut caufer du plaifir, & qu’on ne
voit pas pourquoi tel rapport, parce qu’il eft exaét, eft
plus agréable que tel autre qui ne peut pas fe mefurer
exaétement. Je répondrai que c’eft cependant dans cette
iufteffe de proportion que confifte la caule du plaifir,
puifque toutes les fois que nos fens font ébranlez de cette
façon, il en réfulte un fentiment agréable, & qu’au contraire
ils font toujours affeétez défagréablement par la
difproportion : on peut fe fouvenir de ce que nous avons
dit au lùjet de l’aveugle-né auquel M. Chefelden donna la
vue en lui abattant la cataracte ; les objets qui lui étoient
V u iij