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jouiffent d ’une bonne fanté : dans la fuite les os fe courbent
, & plus ils croiflent, plus ils fe déforment.
Il n’y a que deux cens ans que cette maladie efl
connue; elle a commencé en Angleterre , & de-là elle
a paffé en France, en Hollande, en Allemagne, St dans
tous les pays de l’Europe feptentrionale. D e célèbres Médecins
ont cru que le rachitis pouvoit être caufé par un
air froid & nébuleux, chargé de vapeurs & d ’exhalaifons ;
ainfi les peuples des pays feptentrionaux, ceux qui habitent
les lieux marécageux & les bords des grandes rivières
, ceux qui vivent dans les villes où on brûle beaucoup
de charbon de te rre , doivent être fujets à cette maladie :
ce ferait donc par cette raifon qu’il y aurait tant de
rachitiques à Londres , mais on en voit aulïï beaucoup
à Paris, cependant on n’y brûle point de charbon de
terre : ne pourroit-on pas croire que cette maladie n efl
û fréquente dans ces grandes villes, que parce qu’elle^
font trop peuplées 1 la plûpart de leurs habitans font
logez à l’étroit, & on y refpire toûjours un air chargé de
toutes fortes de vapeurs.
La mauvaife qualité des ahmens & des digeflions n ’eft
pas moins capable que l’air mal-fain de produire le rachitis,
car le chyle n’étant pas fuffifàmment élaboré, le fang St
les fucs nourriciers en font viciez , par conféquent les
parties charnues du corps doivent perdre de leur con-
fiftance, & les os n ’acquièrent pas affez de folidité dans
le temps de leur accroilfement ; les plus poreux, comme
'les vertèbres , s’amollilfent St s’affaifTent, la-mobile de
l’épine
l ’épine St les nerfs qui en fo rte n t, font comprimez par
ce dérangement, de-là vient l’amaigriffement du corps
tandis que la tête grolfit St que le vifage a l’apparence
de la meilleure fanté , parce que les nerfs qui prennent
immédiatement leur origine dans le cerveau, ne font pas
comprimez par les os du c rân e , qui ne font pas aulîi
poreux que les vertèbres ; ces nerfs font d ’autant plus
aétifs que ceux de la moelle épinière font plus affaiblis,
par conféquent les organes des fens en font d ’autant
mieux difpofez : fi la pénétration de l ’efprit dépend de
la perfeétion des fen s, on concevra aifément pourquoi
les enfans rachitiques font plus intelligens que les autres ,
comme l’alfurent plufieurs Médecins. Quelques-uns ont
prétendu que le rachitis n’étoit fouvent dans les enfans
qüe l’effet du mal vénérien qu’avoient eu les pères , les
mères, ou les nourrices : les époques de ces deux maladies
femblent favorifer cette o p in io n , car le mal vénérien
n ’a pas devancé d’un fiècle entier le rachitis ; d ’ailleurs
cette maladie règne dans les pays feptentrionaux où le
mal vénérien efl beaucoup plus violent St plus durable
que dans les pays méridionaux ; on croit fur-tout recon-
noître les traces de ce mal dans les os des rachitiques
lorfqu’ils font cariez.
Les fentimens font partagez fur la caufe immédiate de
la courbure des os , les uns prétendent qu’ils fe courbent
en prenant plus d ’accroiffement d’un côté que de l’autre ,
les autres croient que c’eft parce qu’ils font attirez pas
les mufcles ; les premiers ne s’accordent pas même entre
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