HISTOIRE NATURELLE
D E L’H OM M E .
Des Sens en général.
LE corps animal eft compofé de piufieurs matières
différentes dont les unes, comme les o s, la graille,
le fang , la lymphe, &c. font infenfibles, & dont les autres,
comme les membranes & les nerfs, parodient être des matières
aétives defquelles dépendent le jeu de toutes les
parties & l’a&ion de tous les membres ; les nerfs fur-
tout font l’organe immédiat du fentiment qui fe diverfi-
fie & change, pour ainfi dire, de nature fuivant leur différente
difpofition , en forte que félon leur pofition, leur
arrangement, leur qualité,ils tranfmettent à lam e d esef-
pèces différentes de fentiment, qu’on a diflinguées par le
nom de fenfations, qui femblent en effet n’avoir rien de
femblable entre elles. Cependant fi l’on fait attention que
tous ces fens externes ont un fujet commun, & qu’ils ne
font tous que des membranes nerveufes différemment dif-
pofées & placées , que les nerfs font l’organe général du
fentiment, que dans le corps animal nulle autre matière
que les nerfs n’a cette propriété de produire le fentiment,
on fera porté à croire que les fens ayant tous un principe
commun, & n ’étant que des formes variées de la même
fubflance,
fubflance, n’étant en un mot que des nerfs différemment
ordonnez & difpofez, les fenfations qui en réfultent ne
font pas auffi effentiellement différentes entre elles quelles
le paroiffent.
L ’oeil doit être regardé comme une expanfion du nerf
optique, ou plutôt l’oeil lui-mcme n ’efl que l ’épanouiffe-
ment d ’un faifceau de nerfs, qui étant expofé à l’extérieur
plus qu’aucun autre nerf, eft auffi celui qui a le fentiment
le plus vif & le plus délicat ; il fera donc ébranlé par les
plus petites parties de la matière, telles que font Celles de
la lumière, & il nous donnera par conféquent une fenfà-
tion de toutes les fubftances les plus éloignées, pourvu
qu’elles foien.t capables de produire ou de réfléchir ces
petites particules de matière. L ’oreille qui n’efl pas un organe
auffi extérieur que l’oe il, & dans lequel il n ’y a pas un
auffi grand épanouiffement de nerfs, n ’aura pas le même
degré de fenfibilité & ne pourra pas être affeétée par des
parties de matière auffi petites que celles de la lumière,
mais elle le fera par des parties plus groffes qui font celles
qui forment le fon , & nous donnera encore une fen-
fàtion des chofes éloignées qui pourront mettre en mouvement
ces parties de matière ; comme elles font beaucoup
plus groffes que celles de la lumière, & qu’elles ont
moins de vîteffe , elles ne pourront s’étendre qu’à de
petites diftances, & par conféquent l’oreille ne nous donnera
la fenfation que de chofes beaucoup moins éloignées
que celles dont l’oeil nous donne la fenfation. La
membrane qui eft le fiège de l’odorat étant encore moins
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