Maures font affez petits, maigres 6c de mauvaife mine
avec de l ’efprit 6c de la fineffe; les Nègres au contraire
font grands, gros, bien faits, mais niais 6c fans génie;
enfin le pays habité par les Maures n ’eft que du fable fi
ftérile qu’on n ’y trouve de la verdure qu’en très-peu
d ’endroits, au lieu que le pays des Nègres eft gras, fécond
en pâturages, en millet 6c en arbres toûjours verds, qui à
la vérité ne portent prefque aucun fruit bon à manger.
O n trouve en quelques endroits, au nord & au midi
du fleuve, une elpèce d ’hommes qu’on appelle Foules,
<jui fomblent faire la nuance entre lesMaures 6c les Nègres,
& qui pourraient bien n o tre que des Mulâtres produits par
le mélange des deux nations; ces Foules ne font pas tout-
à-fait noirs comme les Nègres, mais ils font bien plus
bruns que les Maures 6c tiennent le milieu entre les deux,
ils font auffi plus civilifez que les Nègres , ils fuivent la
loi de Mahomet comme les Maures , 6c reçoivent affez
bien les étrangers *.
Les ifles du Cap-verd font de même toutes peuplées
de Mulâtres venus des premiers Portugais qui s’y établire
n t, 6c des Nègres qu’ils y trouvèrent, on les appelle
Nègres couleur de cuivre, parce qu’en effet, quoiqu’ils
reffemblent affez aux Nègres par les traits, ils font cependant
moins noirs, ou plutôt ifs font jaunâtres; au refte ils
font bien faits 6c fpirituels, mais fort pareffeux ; ils ne
* Voyez le voyage du fleur Je Maire fous M. Daricourt. Paris1.
1 69 5 , page y y . Voyez auffi l’Afrique de MarmoJ, Tome I , page
I F
vivent,
vivent, pour ainfi dire, que de chaffe 6c de p ech e, ils
dreffént leurs chiens à chaffer 6c à prendre les chèvres
fauvages, ils font part de leurs femmes 6c de leurs filles
aux étrangers, pour peu qu’ils veuillent les payer, ils donnent
auffi pour des épingles ou d ’autres chofes de pareille
valeur, de fort beaux perroquets tres-faciles a apprivoifer,
de belles coquilles, appellées Porcelaines, 6c meme de
l’ambre-gris, &c. *
LespremiersNègres qu’on trouve, font donc ceux qui
habitent le bord méridional du Sénégal; ces peuples, auffi-
bien que ceux qui occupent toutes les terres comprifes
entre cette rivière 6c celle de Gambie, s appellent Jalofes,
ils font tous fort noirs, bien proportionnez, 6c d ’une taille
affez avantageufe, les traits de leur vifage font moins durs
que ceux des autres Nègres ; il y en a , fur-tout des femmes,
qui ont les traits fort réguliers, ils ont auffi les mêmes
idées que nous de la beaute, car ils veulent de beaux
yeux, une petite b o u ch e, des lèvres proportionnées, 6c
un nez bien fait, il n ’y a que fur le fond du tableau qu ils
penfont différemment, il faut que la couleur foit tres-noire
6c très-luifante, ils ont auffi la peau très-fine 6c tres-douce,
6c il y a parmi eux d ’auffi belles femmes, a la couleur près,
que dans aucun autre pays du monde, elles font ordinairement
très-bien faites, très-gaies, très-vives 6c très-portées
à l’amour, elles ont du goût pour tous les hommes, 6c
* Voyez les voyages de Roberts, page 3 8 7 , ceux de Jean Struys,
Tome 1, page / / . & ceux d’innigo de Biervillas, page 1 j ,
Tome II I. M m m