avoir une entière connoiffance de cet a rt, on a feulement
fii par tradition une partie du procédé. Après avoir tiré
les entrailles, ils lavoient le corps plufieurs fois de fuite
avec une leffive d ’é corce de pin féchée au foleil pendant
l’été, ou dans une étuve pendant l’hiver, enfuite on l ’oi-
gnoit avec du beurre ou de la graiffe d ’ours que l’on avoit
fait bouillir avec des herbes odoriférantes qui étoient des
efpèces de lav en d e , de fau g e , &c. Après cette onétion
on laiffoit fécher le c o rp s , & on la réitérait autant de
fois qu’il le falloit pour que le cadavre en fût entièrement
pénétré. L o rfq u ’il étoit devenu fort léger , c ’étoit
une preuve q u ’il avoit été bien préparé : alors on l’enve-
loppoit dans des peaux de chèvres palfées , on y laiffoit
même le poil lorfqu’on vouloit épargner la dépenfe a.
Purchas b dit qu’il a vû deux de Ces momies à L o n d
re s, & il cite le Chevalier Scory pour en avoir vû
plufieurs à T é n é r if f e , qui exiftoient depuis plus de 2 0 0 0
ans , mais on n ’a aucune preuve de cette antiquité. Si
les Guanches o n t été originaires d ’Afrique , ils auraient
pû avoir appris des E gyptiens l’art des embaumemensc.
L e Père Acofta & Garcilaffo d e la Vega d n’ont pas
d outé que les Péruviens n ’euffent connu l’art de conferver
les corps pendant très - long temps : ces deux auteurs *
* Hiftoire de la Société royale par Sprat, page 2 0 9 ù " Jûiv.
,l> Purchas his pilgrimes, page y S y .
* Hiftoire générale des voyages, Tome I I , page 2 6 1 Ùf JùtV,
d Hiftoire des Incas Rois du Pérou, trad. de I’eipagnol, Tome I ,
page 1 8 1 à “ fuiv•
affurent
affurent avoir vû ceux de quelques Incas & de quelques
Marnas qui étoient parfaitement confervez ; ils a voient
tous leurs cheveux & leurs fourcils , mais on leur avoit
mis des yeux d’or , ils étoient vêtus de leurs habits ordinaires
, & affis à la façon des Indiens les bras croifez fur
l’eftomac. Garcilaffo toucha un doigt de la main, qui lui
parut auffi dur que du bois, le corps entier n’étoit pas affez
pefant pour furcharger un homme foible qui aurait voulu
le porter. Acofta préfume que ces corps avoient été embaumez
avec un bitume dont les Indiens connoiffent la
propriété. Garcilaffo dit qu’il ne s’étoit pas aperçu en les
voyant, qu’il y eut de bitume, mais il avoue qu’il ne les
avoit pas obfervez exactement, & il regrette de ne s’être
pas informé des moyens que l’on avoit employez pour les
conferver, il ajoute qu’étant Péruvien les gens de fa nation
ne lui auraient pas caché le fecret, comme aux Efpagnols,
au cas que cet art eût encore été connu au Pérou.
Garcilaffo ne fachant rien de certain fur les embaumemens
des Péruviens, tâche d’en découvrir les moyens
par quelques induétions ; il prétend que l’air eft fi fec & fi
froid à Cufco, que la chair s’y deffèche comme du bois
fans fe corrompre, & il croit que l’on faifoit deffécher
les corps dans la neige, avant que d’y appliquer le bitume
dont parle le P. Acofta; il ajoûte que du temps des Incas
on expofoit à l’air les viandes qui étoient deftinées pour
les provifions de guerre, & que lorfqu’elles avoient perdu
leur humidité, on pouvoit les garder fans les faler & fans
aucune autre préparation.
T om e I I I . O o