pièces d ’anatomie qu’ils veulent conferver à peu de frais,
mais l’aétion des feis réduit les parties en mucilage ;
quelque peu chargées que foient les diffolutions, elles
altèrent les parties les plus délicates, & changent au moins
leur couleur, d'ailleurs moins il y a de fel, plus la liqueur
eft prompte à le geler par le froid, c’eft pour éviter tous
ces inconvéniens que l’on préfère les liqueurs fpiritueufes:
on choifit ordinairement l’efprit de vin , peut-être feulement
parce qu’il eft plus commun, car je crois que l’efprit
que l’on tireroit de toute autre liqueur fermentée, ferait
également bon. Les animaux que l’on envoie des ifîes
au Cabinet du R o y , font dans une eau de vie de fucre
que les Américains appellent Tafia, cette liqueur les
conferve très-bien; fi elle prend une mauvaife odeur,
c’eft parce qu’on met une trop grande quantité de chair
à proportion de la quantité de liqueur, car j’ai vu fouvent
de l’eau de vie de vin qui avoit pris la même o d e u r,
parce qu’on y avoit mis une trop grande quantité d’animaux.
O n pourroit donc prendre de l’eau de vie ou de
l ’efprit de bière, de cidre, de poiré, de grain, de ris,
de genièvre, &c. dans les différens pays où l’une de ces
liqueurs ferait plus abondante ou moins coüteufè que
l’eau de vie ou l’efprit de vin.
Il n’eft pas néceffaire, pour conferver les chairs, d’avoir
des liqueurs bien déphlegmées , il fuffit qu’elles foient
affez fortes & afTez fpiritueufes pour réfifter à la gelée &
à la corruption, fi elles étoient plus fortes elles pourroient
être nuifibies, parce qu’elles corroderaient les chairs,
les durciraient, & par conféquent les racorniraient, &
d’ailleurs elles effaceraient les couleurs ; c ’eft pourquoi fi
l’efprit eft alkoolifé, il faut l’affbiblir en y mêlant un tiers
d ’eau, ce mélange le rend laiteux fi l’eau n ’eft pas p u re ,
ainfi on eft obligé pour prévenir cet inconvénient, de la
diftiller ; il eft donc bien plus commode & moins coûteux
de n ’employer que de l’eau de vie feulement affez diftillée
pour que fa couleur foit b lan ch e, car fi elle avoit une
teinte de jaune , la tranfparence en ferait moins n e tte ,
& par conféquent l’objet qu’elle environnerait, ferait
moins apparent.
M. Monro, que nous avons déjà cité page 140, mêle
une liqueur acide minérale avec une liqueur fifiritueufe,
pour corriger l’une par l’autre ; il emploie l’acide du
vitriol ou du nitre avec l ’efprit de vin ou de grain : la
quantité de liqueur acide doit varier félon les circonftan-
ces, par exemple * fi l’on veut donner de la confiftance
à des parties molles, il faudra deux gros d ’efprit de nitre
fur une livre d ’efprit de vin reétifié; s’il ne s’agit que de
conferver les chairs fans les durcir, il fuffira de quarante
ou trente gouttes d ’efprit acide, ou même moins, s’il y a
des o s , car le même acide qui coagule les humeurs &
qui durcit les chairs, amollit les o s, Sc même les diffout.
M. Ruyfch qui préparoit avec tant d ’art les pièces
d ’anatomie, comme je l’ai rapporté page 139, avoit auffi
celui de les conferver dans des liqueurs. Tous ceux qui
voyoient fon cabinet, où les pièces les plus délicates fè
maintenoient fans altération, vantoient l’effet de fa liqueur