( z 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
même caufe qui nous brunit lorfque nous nous expofons
au granit air & aux ardeurs du foleil, cette caufe qui fait
que les Efpagnols font plus bruns que tes François» & tes.
Maures plus que les Efpagnols, fait auffi que les Nègres te
font plus que les Maures : d ’ailleurs nous ne voûtons pas
chercher ici comment cette caufe a g it, mais feulement
nous affurer qu’elle agit, & que fes effets font d autant plus
grands & plus fenfibles, qu’elle agit plus fortement & plus
long-temps.
L a chaleur du climat eft la principale caufe de fa couleur
noire : lorfque cette chaleur efl exceflive, comme au
Sénégal & en Guinée, les hommes font tout-à-fait noirs;
lorfqu’elle efl un peu moins fo rte , comme fur les côtes,
orientales de l’Afrique , les hommes font moins noirs ;
lorfqu’elle commence à devenir un peu plus tempérée ,
tom me en Barbarie , au M o g o l, en Arabie , &c. les:
hommes ne font que bruns ; & enfin lorfqu’elle efl tout-
à-fait tempérée , comme en Europe & en Afie les
hommes font blancs, on y remarque feulement quelques
variétés qui ne viennent que de la manière de v iv re,
par exemple , tous les Tartares font bafanez, tandis que
les peuples d’Europe qui font fous la même latitude font
blancs: on d o it,c e me femble, attribuer cette différence
à ce que les Tartares font toujours expofez à l’air, qu’ils
n ’ont ni villes ni demeures fixes , qu’ils couchent fur la
terre , qu’ils vivent d’une manière dure & fauvage, cela
feul fuffit pour qu’ils foient moins blancs que les peuples
de l’Europe auxquels il ne manque rien de tout ce qui
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peut rendre la vie douce : pourquoi les Chinois font-ils
plus blancs que les Tartares, auxquels ils refferablent d ’ailleurs
par tous les traits du vifage ! c ’eft parce qu’ils habitent
dans des villes, parce qu’ils fo n tp o licez, parce qu ils
ont tous les moyens de fe garantir des injures de l’air &
de la terre , & que les Tartares y font perpétuellement
expofez.
Mais lorfque le froid devient extreme, il produit quelques
effets femblables à ceux de la chaleur exceffive, les
Samoïedes , les Lappons , les Groenlandois font fort
bafanez ; on affure m êm e, comme nous l’avons d it, qu’il
fe trouve parmi les Groenlandois des hommes auffi noirs
que ceux de l’Afrique : les deux extrêmes, comme l’on
yoit, le rapprochent encore ici, un froid tres-vif & une
chaleur brûlante produifent le meme effet fur la peau ,
parce que l’une & l’autre de ces deux caufes agiffent par
une qualité qui leur efl commune, cette qualité efl la
féchereffe q u i, dansun air très-froid, peut etre auffi grande
que dans un air chaud, le froid comme le chaud doit deffe-
cher la peau , l’altérer & lui donner cette couleur bafanee
que l’on trouve dans les Lappons. L e froid refferre, rape-
tiffe & réduit à un moindre volume toutes les p ro d u iro n s
d e la Nature , auffi les Lappons qui font perpétuellement
expofez à la rigueur du plus grand froid , font les plus
petits de, tous les hommes. Rien ne prouve mieux 1 influence
du climat que cette race Lapponne qui fe trouve
placée tout le long du cercle polaire dans une très-longue
zone » dont la largeur efl bornée par celle d un climat