6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
prefque tous les Caraïbes ont les yeux noirs & allez petits,
mais la difpofition de leur front & de leur vifage les fait
paraître allez gros ; ils ont les dents belles , blanches &
bien rangées, les cheveux longs & lïffes, & tous les ont
n o irs, on n’en a jamais vu un feul avec des cheveux
blonds ; ils ont la peau bafanée ou couleur d ’olive, &
même le blanc des yeux en tient un peu ; cette couleur
bafanée leur elt naturelle & ne provient pas uniquement,
comme quelques Auteurs l’ont avancé, du rocou dont ils
f© frottent continuellement, puifque l’on a remarqué que
les enfàns de ces Sauvages qu’on a élevez parmi les Européens
& qui ne fe frottoient jamais de ces couleurs ,
ne lailîbient pas d ’être bafanez & olivâtres comme leurs
pères & mères ; tous ces Sauvages ont l’air rêveur, quoiqu’ils
ne penfent à rien, ils ont auffi le vifage trille & ils
paroiffent êtres mélancoliques ; ils font naturellement doux
& compatiffans, quoique très - cruels à leurs ennemis ; ils
prennent affez indifféremment pour femmes leurs parentes
ou des étrangères ; leurs coufines germaines leur appartiennent
de droit, & on en a vu plufieurs qui avoient en
même temps les deux foeurs ou la mère & la fille, &
même leur propre fille ; ceux qui ont plufieurs femmes
les voient tour à tour chacune pendant un mois, ou un
nombre de jours égal, & cela fiiffit pour que ces femmes
n ’aient aucune jaloufie ; ils pardonnent affez volontiers
l ’adultère à leurs femmes, mais jamais à celui qui les a
débauchées. Ils fe nourriffent de burgaux , de crabes,
ffe tortues, de lézards, de ferpens & de poiffons qu’ils
affaifonnent
d e l ’ H o m m e . 4 9 7
affaifonnent avec du piment & de la farine de manioc *.
Comme ils font extrêmement pareffeux & accoutumez à la
plus grande indépendance, ils détellent lafervitude, & on
n ’a jamais pu s’en fervir comme on fe fert desNègres; il n’y
a rien qu’ils ne foient capables de faire pour fe remettre
en liberté, & lorfqu’ils voient que cela leur elt impoffibie,
ils aiment mieux fe laiffer mourir de faim & de mélancolie
que de vivre pour travailler : on s’elt quelquefois
fervi des Arrouagues qui font plus doux que les Caraïbes
, mais ce n ’ell que pour la chaffe & pour la peche ,
exercices qu’ils aiment, & auxquels ils font accoutumez
dans leur pays; & encore faut-il, fi l’on veut conferver ces
efclaves fauvages, les traiter avec autant de douceur au
moins que nous traitons nos domeftiques en France, fans
cela ils s’enfuient ou périffent de mélancolie. Il en efl à
peu près de même des efclaves Brefiliens, quoique ce
l'oient de tous les fauvages ceux qui paroiffent être les
moins Itupides, les moins mélancoliques & les moins
pareffeux; cependant on peut en les traitant avec bonté
les engager à tout faire, f i c e n ’eft de travailler a fa te rre ,
parce qu’ils s’imaginent que la culture de la terre elt ce
qui caraétérife l’efclavage.
Les femmes fauvages font toutes plus petites que les
hommes . celles des Caraïbes font graffes & affez bien
faites, elles ont les yeux & les cheveux no irs, le tour du
* Voyez l’Hift. gen. des Antilles, par le P. du Tertre, Tome I I , page
4 5 3 jufqu'à^.82. Voyez auffi les nouveaux voyages aux Ifles. Paris,
1 7 . 2-2-Tome III• R r r