Ces peuples que nous venons de décrire, ne font pas
les fouis habitans naturels de i’Ifthme, on trouve parmi
eux des hommes tout différens, & quoiqu’ils foient en
très-p etit nombre-, ils méritent d ’être remarquez: ces
hommes font blancs, mais ce blanc n ’eft pas celui des
Européens, c’eft plutôt un blanc de lait, qui approche
beaucoup de la couleur du poil d ’un cheval blanc; leur
peau eft auffi toute couverte, plus ou moins, d ’une efpèce
de duvet court & blancheâtre, mais qui n’elt pas fi épais
fur les joues & fur le front, qu’on ne puilfe aifément distinguer
la peau ; leurs fourcils font d ’un blanc de lait,
auffi-bien que leurs cheveux qui font , très -beaux, de la
longueur de fept à huit pouces-& à demi-frifez. Ces Indiens,
hommes & femmes, ne font pas fi grands que les
autres, &ce qu’ils ont encore de très-fingulier, c’elt que
leurs paupières font d ’une figure oblongue, ouplûtôt en
forme de croiflant dont les pointes tournent en bas; ils
ont les yeux fi foibles qu’ils ne voient prefque pas en
plein jour, ils ne peuvent fupporter la lumière du foleil,
& ne voient bien qu’à celle de la lune: ils font d ’une
complexion fort délicate en comparaifon des autres Indiens,
ils craignent les exercices pénibles, ils dorment
pendant le jour & ne fortent que la nuit ; & lorfque la lune
luit, ils courent dans les endroits les plus fombres des
forêts auffi vite que les autres le peuvent faire de jour, à
cela près qu’ils ne font ni auffi robuftes ni auffi vigoureux.
A u relie ces hommes ne forment pas une race particulière
& diftincte, mais il arrive quelquefois qu’un père &
d e l’ H o m m e.
une mère qui font tous deux couleur de cuivre jaune ,
ont un enfant tel que nous venons de le décrire. Wafer
qui rapporte ces faits, dit qu’il a vu lui-même un de ces
enfans qui n’avoit pas encore un an *.
Si cela eft, cette couleur & cette habitude fingulière
du corps de ces Indiens blancs, ne feraient qu’une efpèce
de maladie qu’ils tiendraient de leurs pères & mères;
mais en fuppofant que ce dernier fait ne fut pas bien
avéré, c’eft-à-dire, qu’au lieu de venir des Indiens jaunes
ils fiflent une race à part, alors ils reffembleroient aux
Chacrelas de Java, & auxBedas de Ceylan, dont nous
avons parlé ; ou fi ce fait eft bien vrai, & que ces blancs
naiffent en effet de pères & mères crauleur de cuivre, on
pourra croire que les Chacrelas & les Bedas viennent
auffi de pères & mères bafanez , & que tous ces hommes
blancs qu’on trouve à de fi grandes diftances les uns des
autres, font des individus qui ont dégénéré de leur race
par quelque caufe accidentelle.
J ’avoue que cette dernière opinion me paraît la plus
vrai-femblable, &que fi les "voyageurs nous euffent donné
des deferiptions auffi exactes des Bedas & des Chacrelas
que Wafer l’a fait des Dariens, nous euffions peut-
être reconnu qu’ils ne pouvoient pas plus que c eu x -c i,
être d ’origine Européenne. Ce qui me paraît appuyer
beaucoup cette manière de penfer , c’eft que parmi les
Nègres il naît auffi des blancs de pères & mères noirs ;
on trouve la defeription de deux de ces Nègres blancs
* Voyez les voyages de Dampier, Tome 4, page 252.
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