fimples les objets qui leur paroiflent doubles . cette erreur
de la v u e , auffi-bien que la première, eft dans la fuite fi
bien rectifiée par la vérité du toucher, que quoique nous
voyions en effet tous les objets doubles & renverfez, nous
nous imaginons cependant les voir réellement fimples &
droits, & que nous nous perfuadons que cette fenfàtion
par laquelle nous voyons les objets fimples & droits, qui
n ’eft qu’un jugement de notre ame occafionné par le touc
h e r, eft une appréhenfion réelle produite par le fens de
la vue : fi nous étions privez du toucher, les yeux nous
tromperoient donc non feulement fur la pofition , mais
auffi fur le nombre des objets.
La première erreur eft une fuite de la conformation
de l’oe i l , fur le fond duquel les objets fe peignent dans
une fituation renverfée, parce que les rayons lumineux
qui forment les images de ces mêmes objets, ne peuvent
entrer dans l’oeil qu’en fe croifant dans la petite ouverture
de la pupille : on aura une idée bien claire de la manière
dont fe fait ce renverfement des images, fi l’on fait un
petit trou dans un lieu fort obfcur, on verra que les objets
du dehors fe peindront fur la muraille de cette chambré
obfcure dans une fituation renverfée, parce que tous les
rayons qui partent des différens points de l’o b je t, ne
peuvent pas paffer par le petit trou dans la pofition &
dans l’étendue qu’ils ont en partant de l’objet, puifqu’il
faudroit alors que le trou fût auffi grand que l’objet même;
mais comme chaque partie, chaque point de l’objet renvoie
des images de tous côtés, & que les rayons qui forment
ces images, partent de tous les points de l ’objet comme
d ’autant de centres, il ne peut paffer par le petit trou que
ceux qui arrivent dans des direétions différentes; le petit
trou devient un centre pour l’objet entier, auquel les rayons
de la partie d’en haut arrivent auffi-bien que ceux de la
partie d ’en b a s , fous des direétions convergentes, par
conféquent ils fe croifent dans ce centre, & peignent
enfuite les objets dans une fituation renverfée.
Il eft auffi fort aifé de fe convaincre que nous voyons réellement
tous les objets doubles, quoique nous les jugions
fimples; il ne faut pour cela que regarder le même objet,
d ’abord avec l’oeil droit, on le verra correfpondre à quelque
point d ’une muraille ou d ’un plan que nous fuppofons au
• delà de l’objet, enfuite en le regardant avec l’oeil gauche',
on verra qu’il correfpond à un autre point de la muraille, &
enfin en le regardant des deux yeux on le verra dans le
milieu entre les deux points auxquels il correfpondoit
auparavant; ainfi il fe forme une image dans chacun de
nos yeux, nous voyons l’objet double, c ’eft-à-dire, nôns
voyons une image de cet objet à droite & une image à
gauche, & nous le jugeons fimpie& dans le milieu, parce
que nous avons reélifié parle fens du toucher cette erreur
de la vue. D e même fi l’on regarde des deux yeux deux
objets qui foient à peu près dans la même direction par
rapport à nous, en fixant fes yeux fur le premier, qui eft
le plus voifin, on le verra fimple , mais en même temps
on verra double celui qui eft le plus éloigné, & au contraire
fi l’on fixe fes yeux fur celui-ci qui eft le plus éloigné
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