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vêtemens font de toile de coton , & les plus riches en
ont de foie , leurs maifons font'baffes & mal bâties, leurs
terres font fort mal cultivées, parce que les nobles mépri-
fent, maltraitent & dépouillent, autant qu’ils le peuvent,
les bourgeois 8c- les gens du peuple ; ils demeurent cependant
féparément les uns des autres dans des bourgades
ou des hameaux différens, la noblelfe dans les uns , la
bourgeoifie dans les autres, 8c les gens du peuple encore
dans d’autres endroits. Ils manquent de fel & ils Tachettent
au poids de l’or, ils aiment allez la viande crue, 8c dans
les feffins le fécond fervice, qu’ils regardent comme le
plus délicat, elt en effet de viandes crues ; ils ne boivent
point de vin , quoiqu’ils aient des vignes, leur boiffon
ordinaire elt faite avec des Tamarins & a un goût aigrelet.
Ils fe fervent de chevaux pour voyager & de mulets pour
porter leurs marchandifes ; ils ont très-peu de connoif-
lance des fciences 8c des arts, car leur langue n’a aucune
règle, & leur manière d’écrire eft très-peu perfectionnée,
il leur faut plufieurs jours pour écrire une lettre, quoique
leurs caractères foient plus beaux que ceux des Arabes
Ils ont une manière fingulière de faluer , ils fe prennent la
main droite les uns aux autres & fe la portent mutuellement
à la bouche , ils prennent aulfi l’écharpe de celui qu’ils fà-
luent 8c ils fe l’attachent autour du corps , de forte que
ceux qu’on falue demeurent à moitié nûds, car la plupart
ne portent que cette écharpe avec un caleçon de coton b.
a V. le recueil des voyages de laComp. des Indes cleHoïI.Z7, IV,p» 3 4*
h Voyez les Lettres édifiantes. Re cue ilIV, p ag e 3 4 9 *
d e l’ H O m M E. 451
On trouve dans la relation du voyage autour du
monde, de l’Amiral Drack, un fait qui, quoique très-extraordinaire,
ne me paroît pas incroyable ; il y a , dit ce
voyageur, fur les frontières des déferts de l’Ethiopie un
peuple qu’on a appellé Acridophages, ou mangeurs de
fàuterelles, ils font noirs, maigres, très-légers à la courfe
8c plus petits que les autres. Au printemps certains vents
chauds qui viennent de l’occident , leur amènent un
nombre infini de fàuterelles, comme ils n’ont ni bétail
ni poilfon, ils font réduits à vivre de ces fàuterelles qu’ils
ramalfent en grande quantité, ils les fàupoudrent de fel 8c
ils les gardent pourfe nourrir pendant toute l’année ; cette
mauvaife nourriture produit deux effets finguliers , le
premier eft qu’ils vivent à peine jufqu’à l’âge de quarante
ans, & le fécond c’ell que lorfqu’ils approchent de cet
âge il s’engendre dans leur chair des infeéfes aîlez qui
d’abord leur caufent une demangeaifon vive , & fe multiplient
en fi grand nombre qu’en très-peu de temps toute
leur chair en fourmille ; ils commencent par leur manger
le ventre, enfuite la poitrine & les rongent jufqu’aux os ,
en forte que tous ces hommes qui ne fe nourriffent que
d’infeéfes, font.à leur tour mangez par des infe&es. Si
ce fait étoit bien avéré, il fourniroit matière à d’amples
réflexions.
Il y a de vafles déferts de fable en Ethiopie, 8c dans
cette grande pointe de terre qui s’étend jufqu’au Cap-
Gardafu. Ce pays qu’on peut regarder comme la partie
orientafe de l’Ethiopie, eft prefqu’entiérement inhabité; au
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