par la taille à tous les autres h om m e s, & par la couleur
& les cheveux aux autres Américains.
Il n ’y a d o n c , pour ainfi d ire , dans tout le nouveau continent
, qu’une feule & même race d ’hommes, qui tous
font plus ou moins bafanez ; & à l’exception du nord de
l’Amérique, où il fe trouve des hommes femblables aux
Lappons, & aulfi quelques hommes à cheveux blonds,
femblables aux Européens du n o rd , tout le refte de cette
vafte partie du monde ne contient que des hommes parmi
lefquels il n ’y a prefqu’aucune diverfité; au lieu que dans
l’ancien continent nous avons trouvé une prodigieufe
variété dans les différens peuples : il me paraît que la
raifon de cette uniformité dans les hommes de l’Amérique
, vient de ce qu’ils vivent tous de la même façon ;
tous les Américains naturels étoient,ou font encore,fàu-
vages ou prefque fauvages , les Mexiquains & les Péruviens
étoient fi nouvellement policez qu’ils ne doivent
pas faire une exception. Quelle que foit donc l’origine de
ces nations Sauvages, elle paraît leur être commune à
toutes ; tous les Américains fortent d ’une même fouche,
& ils ont confervé jufqu’à préfent les caraélères de leur
race fans grande variation , parce qu’ils font tous demeurez
fàuvages , qu’ils ont tous vécu à peu près de la
même façon , que leur climat n ’eft pas à beaucoup près
aufii inégal pour le froid & pour le chaud que celui de
pagey y; le recueil des voyages qui ont fervi à l’ëtabliffement de la Comp.
de Holl. Tome I , page 6p i } les voyages du Capitaine Wood, cinquième
volume de Dampier, page i y y , & e.
l ’ancien continent, & qu’étant nouvellement établis dans
leur pays, les caufes qui produifent des variétés n ’ont pû
agir alfez long-temps pour opérer des effets bien fenfibles.
Chacune des raifons que je viens d ’avancer , mérite
d ’être confidérée en particulier: les Américains font des
peuples nouveaux, il me femble qu’on n en peut pas
douter lorfqu’on fait attention à leur petit nombre, à leur
ignorance, & au peu de progrès que les plus civilifez
d ’entre eux avoient fait dans les arts ; car quoique les
premières relations de la découverte & des conquêtes de
l’Amérique nous parlent du Mexique, du P é ro u , de
Saint-Domingue, &c. comme de pays très-peuplez, &
qu’elles nous difent que les Efpagnols ont eu à combattre
par-tout des armées très-nombreufes, il efl aifé de voir
que ces faits font fort exagérez, premièrement par le peu
de monumens qui refient de la prétendue grandeur de ces
peuples, fecondement par la nature même de leur pays qui,
quoique peuplé d ’Européens plus induftrieux fans doute
que ne l’étoientles naturels, efl cependant encore fauvage,
inculte, couvert de b o is, & n ’eft d ’ailleurs qu’un grouppe
de montagnes inacceffibles, inhabitables, qui ne laiffent par
conféquent que de petits efpaces propres à être cultivez
& habitez ; troifièmement par la tradition même de ces
peuples fur le temps qu’ils fe font réunis en fociété, les
Péruviens ne comptoient que douze Rois dont le premier
avoit commencé à les civilifer *, ainfi il n’y avoit
-pas trois cens ans qu’ils avoient ceffé d’être, comme les
* Voyez l ’hiftoire des In c a s ,p a r G a r c ila ffo , &c, Paris, iy 44-