P I E C E S D’A N A T O M I E
R E P R E S E N T E E S E N C I R E , E N S O I S , &c.
L a plupart des hommes ont naturellement une fecrette
horreur pour les diffeétions anatomiques : prefque tous
ceux que j’ai vûs entrer pour la première fois dans un
laboratoire d ’anatomie, ont été faifis de cette forte d ’effroi
qu’imprime la vue d’un cadavre enfanglanté & déchiré
par lambeatix; cette image de la mort fembfe exprimer
en même temps la fenfation de la douleur la plus cruelle :
ce n ’eft que par la force de l’habitude que l’on peut voir
de fang froid des objets fi hideux & fi horribles ; auffi
n ’y a-t-il ordinairement que les gens obligez par leur état
à être anatomiftes,qui étudient cette fcience en difféquant
le corps humain, les autres feraient écartez bien loin par
la leule odeur qu’exhale un cadavre lorfqu’ile ft gardé;
cette odeur eft même quelquefois fi pénétrante, que les
Anatomiftes les plus exercez en font affeétez au point
d ’en être incommodez de coliques & d ’autres maladies.
Les difficultés que l’on éprouve pour avoir des fuiets fur
lefquels on puilfe fuivre cette é tude , la rendent autant
difpendieufe que pénible; malgré ces obftacles l’anatomie
a fait de très-grands progrès dans les derniers temps,
quantité d ’auteurs nous ont donné des defcriptions exaétes
& des defteins fideles de toutes les parties du corps; mais
qu’eft-ce que des defcriptions & des defteins en'compa-
raifon des objets réels! c’eft l’ombre au lieu du corps.
Pour éviter ces inconvéniens les Anatomiftes tâchent
de conferver les pièces qu’ils ont une fois difféquées &
préparées ; il y a différens moyens de les préfcrver de la
corruption, chacune félon fon genre : j’ai déjà parlé dè
la façon de préparer les o s , de garder les chairs dans des
liqueurs & d ’injeéter les vaiffeaux, il ne fera ici queftion
cfue du defféchement des pièces qui appartiennent à la
myologie, la fpianchnoiogie, &c. c’eft-à-dire, des mufi-
cles, des vifcères difféquez & defféchez. On fait que les
chairs le racorniffent en fe defféchant, & que la diminution
de leur volume eft confidérable, toutes les précautions
que l’on peut prendre en les tenant à l’ombré
ou à une chaleur égale & modérée, n’empêchent pas que
les différentes pièces ne fe déforment au point de n ’être
plus reffemblantes ; c’eft en vain qu’on les attacherait
fur différens points pour les empêcher de fe retirer, ces
attaches y cauferoient une difformité de plus par les marques
qui en réfulteroient ; la cavité eft rétrécie par le
defféchement dans les vifcères qui font creux, comme
l’eftomac, la veffie, la matrice, &c. & les dimenfions de
leur intérieur changent, quoiqu’on ait le foin de lés remplir
de mercure ou de fablon, de graine de millet ou de
crin, &c. de plus les lotions de liqueursfpiritueufès, falées
ou cauftiques que l’on eft obligé de faire, & les vernis
que l’on applique pour prévenir la corruption ou pour
détruire les infeétes, doivent auffi changer les formes &
altérer l’organifation ; en effet, il n ’eft guère poffible de
bien diftinguer les directions des libres- dans un muféle
D d ij