mentation | pourquoi ne voit-on pas une fois mieux avec
les deux yeux qu’avec un feulî comment fe peut-il que
cette caufe qui efl double, produife un effet fimpie ou
prefque fimple! J ’ai cru qu’on pouvoit donner une réponfe
à cette queftion, en regardant la fenfation comme une ef-
pèce de mouvement communiqué aux nerfs. On fait que
les deux nerfs optiques fe portent au fortir du cerveau
vers la partie antérieure de la tête où ils fe réunifTent, &
qu’enfuite ils s’écartent l’un de l’autre en faifant un angle
obtus avant que d ’arriver aux yeux : le mouvement communiqué
à ces nerfs par l’impreffion de chaque image
formée dans chaque oeil en même temps, ne peut pas fe
propager jufqu’au cerveau où je fuppofe que fe fait le fen-
timent, fans paffer par la partie réunie de ces deux nerfs,
dès lors ces deux mouvemens fe compofent & produifent
le même effet que deux corps en mouvement fur les deux
côtés d ’un quarré produifent fur un troifième corps auquel
ils font parcourir la diagonale ; or fi l’angle avoit environ
cent quinze ou cent feize degrés d ’ouverture, la diagonale
du lozange feroit au côté comme treize à douze,
c ’efl-à-dire, comme la fenfation réfultante des deux yeux
efl à celle qui réfulte d’un feul oeil : les deux nerfs optiques
étant donc écartez l’un de l’autre à peu près de cette quantité,
on peut attribuer à cette pofition la perte de mouvement
ou de fenfation qui fe fait dans la vifion des deux yeux
à la fois, <Sc cette perte doit être d ’autant plus grande que
l’angle formé par les deux nerfs optiques efl plus ouvert.
Il y aplulieurs raifons qui pourraient faire penfer que
les
les perfonnes qui ont la vue courte voient les objets plus
grands que les autres hommes ne les voient; cependant
c ’efl tout le contraire,ils les voient certainement plus petits.
J ’ai la vue courte, & l’oeil gauche plus fort que l’oeil droit;
j’ai mille fois éprouvé qu’en regardant le même o b je t,
comme les lettres d ’un livre, à la même diflance fuccefïï-
vement avec l’un & enfuite avec l’autre oe il, celui dont je
vois le mieux & le plus loin eflauffi celui avec lequel les
objets me paroiffent les plus grands, & en tournant l’un
des yeux pour voir le même objet double, l’image de
l’oeil droit efl plus petite que celle de l ’oeil gauche; ainfi
je ne puis pas douter que plus on a la vue courte, & plus
les objets paroiffent être petits. J ’ai interrogé plufieurs
perfonnes dont la force ou la portée de chacun de leurs
yeux étoit fort inégale, elles m’ont toutes affuré qu’elles
voyoient les objets bien plus grands avec le bon qu’avec
le mauvais oeil. Je crois que comme les gens qui ont la vue
courte font obligez de regarder de très - p rè s, & qu’ils ne
peuvent voir diflinélement qu’un petit efpace ou un petit
objet à (a fois, ils fe font ime unité de grandeur plus petite
que les autres hommes, dont les yeux peuvent embraffer
diflinélement un plus grand efpace à la fo is, & que par
conféquent ils jugent relativement à cette unité tous les
objets plus petits que les autres hommes ne les jugent. On
explique la caufe de la vue courte d ’une manière affez fatis-
faifante par le trop grand renflement des humeurs réfringentes
de l’oeil; mais cette caufe n’efl pas unique, & l’on
a vu des perfonnes devenir tout d ’un coup myopes par
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