« Les princeffes & les clames A rabes, dit un autre voya-
» g eu r, qu’on m’a montrées par le coin d ’une te n te , m’ont
» paru fort belles & bien faites, on peut juger par celles ci &
» par ce qu’on m’en a dit, que les autres ne le font guère
» moins, elles font fort blanches, parce qu’elles font tou-
» jours à couvert du foleil. Lesfemmes du commun font ex-
» trêmementhâlées,outre la couleurbrune&bafànée qu’elles
» ont naturellement ; je les ai trouvées fort laides dans toute
« leur figure , & je n’ai rien vu en elles que les agrémens
» ordinaires qui accompagnent une grande jeuneffe. Ces
» femmes fe piquent les lèvres avec des aiguilles & mettent
« par-delfus de la poudre à canon mêlée avec du fiel de
» boe u f qui pénètre la peau & les rend bleues & livides pour
» tout le refle de leur vie ; elles font des petits points de la
» même façon aux coins de leur bouche, aux côtés du men-
» ton & fur les joues ; elles noircilfent le bord de leurs pau-
» pières d’une poudre noire compofée avec de la tutie, &
« tirent une ligne de ce noir au dehors du coin de l’oeil pour
» le faire paraître plus fendu , car en général la principale
» beauté des femmes de l’Orient eft d ’avoir de grands yeux
» noirs, bien ouverts & relevez à fleur de tête. Les Arabes
» expriment la beauté d ’une femme en difant qu’elle a lesyeux
» d unegazelle : toutes leurs chanfons amoureufes ne parlent
» que des yeux noirs & des yeux de gazelle, & c’eft à cet ani-
» mal qu’ils comparent toujours leurs maîtrefles ; effeélive-
» ment il n’y a rien défi joli que ces gazelles, on voit fur-
» tout en elles une certaine crainte innocente qui reflemble
» fort à la pudeur & à la timidité d ’une jeune fille. Les dames
& les nouvelles mariée? noircilfent leurs fourcils & les font«
joindre fur le milieu du front, elles fe piquent auflî les bras «
& les mains, formant piufieurs fortes de figures d ’animaux, «
de fleurs, &c. elfes fe peignent les ongles d ’une couleur«
rougeâtre, & les hommes peignent auflf de la même cou- «
leur les crins & la queue de leurs chevaux; elles ont les «
oreilles percées en piufieurs endroits avec autant de petites «
boucles & d ’anneaux ; elles portent des braflelets aux bras «
& aux jambes. » Voyez le voyagefait par ordre du Roy dans
la Palejlinepar M . D. L. R.page 2 do.
Au relie tous les Arabes font jaloux de leurs femmes,
& quoiqu’ils les achettent ou qu’ils les enlèvent, ils les traitent
avec douceur , & même avec quelque reljaeél.
Les E gyptiens qui font fi voifins des A rab e s, qui ont
la même religion, & qui font comme eux fournis à la d o mination
des T u rc s , ont cependant des coutumes fort
différentes de celles des Arabes ; par exemple, dans toutes
les villes & villages le long du Nil on trouve des filles defti-
nées aux plaifirs des voyageurs, fans qu’ils foient obligez
de les payer; c ’eft l’ufage d ’avoir des maifons d ’hofpita-
lité toujours remplies de ces filles, & les gens riches fe font
en mourant un devoir de piété de fonder ces maifons
& de les peupler de filles qu’ils font acheter dans cette
vue charitable : lorfqu’elies accouchent d ’un garçon , elles
font obligées de l’élever jufqu’à l’âge de trois ou quatre
a n s, après quoi elles le portent au patron de la maifon ou à
fes héritiers qui font obligez de recevoir l’enfant, & qui
s’en fervent dans la fuite comme d ’un efclave ; mais les
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