être méprifé. Ils fe baignent nucls & tous enfemble, filles
& garçons, mère & fils, frères & foeurs, Sc ne craignent
point qu’on les voie dans cet état ; en fortant de ces bains
extrêmement chauds, ils vont fe jeter dans une'rivière
très-froide. Ils offrent aux étrangers leurs femmes & leurs
filles, & tiennent à grand honneur qu’on veuille bien coucher
avec elles ; cette coutume eft également établie chez
les Samoïedes, les Borandiens, les Lappons Sc les Groên-
landois. Les Lapponnes font habillées l’hiver de peaux de
rennes, Sc l ’é té de peaux d ’oifeaux qu’elles ont éco rch ez,
f’ufage du linge leur eft inconnu. Les Zembliennes ont
le nez Sc les oreilles percées pour porter des pendans de
pierre bleue; elles fe font auffi des raies bleues au front
Sc au menton ; leurs maria le coupent la barbe en ro n d ,
& ne portent point de cheveux. Les Groenlandoifes s’habillent
de peaux de chien de mer ; elles fe peignent auffi
le vifage de bleu & de jaune, Sc portent des pendans d’oreilles.
Tous vivent fous terre ou dans des cabanes pref-
qu’entièrement enterrées & couvertes d ’écorces d ’arbres
ou d ’os depoiffon : quelques-uns font des tranchées foû-
terraines pour communiquer de cabane en cabane chez
leurs voifins pendant l’hiver. Une nuit de plufieurs mois
les oblige à conferver de la lumière dans ce féjour par
des efpèces de lampes qu’ils entretiennent avec la même
huile de baleine qui leur fert de boiflbn. L ’été ils ne font
guère plus à leur aife que l’hiver, car ils font obligez de
vivre .continuellement dans une épailfe fumée, c ’eft le
feui moyen qu’ils aient imaginé pour fe garentir de la
piqûre
piqûre des moucherons, plus abondans peut-être dans ce
climat glacé qu’ils ne le font dans les pays les plus chauds.
Avec cette manière de vivre fi dure Sc fi trifte, ils ne font
prefque jamais malades, Sc ils parviennent tous à une
vieillelfe extrême : les vieillards font même fi vigoureux
qu’on a peine a ie s diflinguer d ’avec les jeunes, la feule
incommodité à laquelle ils foient fujets Sc qui eft fort
commune parmi eux, eft la coecité ; comme ils font continuellement
éblouis par l’éclat de la neige pendant l’hiver
, l’automne Sc le printemps, Sc toujours aveuglez par la
fumée pendant l’été, la plûpart perdent les yeux en avançant
en âge.
Les Samoïedes, les Zembliens, les Borandiens , les
■Lappons, les Groenlandois Sc les Sauvages du Nord au-
deflus des Efquimaux , font donc tous des hommes de
même efpèce, puifqu’ils fe reffemblent par la forme, par
la taille, parla couleur, par les moeurs, & même par la bizarrerie
des coûtumes ; celle d ’offrir aux étrangers leurs
femmes, Sc d’être fort flattez qu’on veuille bien en faire
ufàge, peut venir de ce qu’ils connoiffent leur propre difformité
Sc la laideur de leurs femmes, ils trouvent apparemment
moins laides celles que les étrangers n’ont pas
dédaignées : ce qu’il y a de certain , c ’eft que cet ufàge eft
général chez tous ces peuples, qui font cependantfort éloignez
les uns des autres, & même féparez par une grande
m e r,& qu’on le retrouve chez les Tartares de Crim ée,
chez les Calmuques, Sc plufieurs autres peuples de Sibérie
Sc de Tartarie, qui font prefqu’auffi laids que ces peuples
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