On fait que les liqueurs fpiritueufes s’évaporent en
peu de temps lorfqu’elles font expofées à l’a ir, & que la
quantité de l’évaporation elt relative au degré de la rectification
de ces liqueurs ; quoique l’efprit de vin dont
il s’agit ici, loin d’être parfaitement déphlegmé, foit au
contraire mêlé avec un tiers d ’eau, il s'évaporerait cependant
en grande partie & allez promptement, fi on ne fer-
moit pas avec foin les vailfeaux qui le contiennent, ayant
perdu fes efprits il fe corromprait bien-tôt avec les animaux
qui y feraient plongez : on peut à la vérité prévenir
cet accident en verfant de l’efprit de vin pur fur la
liqueur affoiblie, mais ce moyen elt difpendieux, car on
feroit fouvent obligé de remplir les vailfeaux ; il vaut
mieux prendre alfez de précautions pour les bien fermer,
tout ce qui peut y contribuer, elt fi nécelfaire pour l’entretien
des cabinets d ’Hiftoire Naturelle , que je ne
craindrai pas d’étendre cet article & de préfenter ce fujet
dans le plus grand détail.
Lorfque l’ouverture des vailfeaux n’a qu’un petit diamètre
, comme celle de nos bouteilles ordinaires, urt
fimple bouchon de liège choifi fuffit pour arrêter l’évaporation
lorfqu’il eft bien ferré & bien enfoncé dans
l ’ouverture de la bouteille, on garde ainfi l’eau de vie
pendant plufieurs années fans qu’il y ait une grande diminution
, mais lorfque les vafes ont une large ouverture
, comme ceux que nous appelions des bocaux ,
dont l’ouverture a prefque autant de diamètre que le
corps du vafe, le liège n’eft qu’une foible relfource
contre
contre l’évaporation de la liqueur dont ils font remplis;
cependant j’ai éprouvé que de l’efprit de vin mêlé avec un
tiers d ’eau n’a pas diminué plus de la hauteur d ’un doigt
en deux ou trois ans dans de grands bocaux dont l’ouverture
avoit quatre pouces de diamètre & n’étoit fermée
qu’avec du liège recouvert d ’un parchemin , mais
pour cela il faut avoir du liège bien fain & l’adapterbien
exactement aux bords du vaiffeau, malgré ces précautions
on ne feroit pas fûr que de cinquante vailfeaux que
l’on fermerait ainfi, il en réulfît deux, ainfi il faut employer
des moyens plus certains.
Les Diftiliateurs gardent leurs liqueurs dans des bouteilles
fermées avec du liège, fur lequel ils mettent une
couche de blanc de T ro ie , délayé dans une pâte de
farine, qu’ils revêtent d ’un parchemin ; ce moyen m’a
fouvent alfez bien réulfi fur des bocaux dont l’ouverture
étoitfort large, j’en ai couvert d ’autres avec une couche
de plâtre gâché, j’ai même employé une pâte de farine
mêlée d’une teinture d ’aloès pour écarter les infectes; il
falloit n’appliquer que des couches fort minces & en mettre
fuccelfivement plufieurs les unes fur les autres à mefure
qu’elles fe féchoient pour remplir les gerçures qui s’y for-
moientpar le delféchement, on appliquoit par delfus un
parchemin mouillé que l’on lioit fortement autour du b o cal.
On ne doit pas elpérer d ’empêcher abfolument l’évaporation
par toutes ces pratiques, tout ce que l’on peut
faire par-là, elt de la retarder & d’en diminuer la quantité
; en deux ou trois années la liqueur baifle d ’un doigt
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