parler toutes les langues des autres fauvages, qu’il ne
l’eft à un homme d ’une nation policée d ’apprendre celle
d ’une autre nation également policée.
Autant il eft donc inutile de fe trop étendre fur les
coutumes & les moeurs de ces prétendues nations, autant
il feroit peut-être néceflaire d ’examiner la nature de l’individu
; l’homme fauvage eft en effet de tous les animaux
le plus fingulier , le moins connu , & le plus difficile à
décrire , mais nous diftinguons fi peu ce que la Nature
feule nous a donné de ce que l’éducation , l’imitation ,
l ’art & l’exemple nous ont communiqué, ou nous le co n fondons
fi bien , qu’il ne feroit pas étonnant que nous
nous méconnuffions totalement au portrait d ’un fauvage,
s’il nous étoit préfenté avec les vraies couleurs,& les feuls
traits naturels qui doivent en faire le caraétère.
. Un fauvage abfolument fauvage, tel que l’enfant élevé
avec les o u rs, dont parle Conor le jeune homme
trouvé dans les forêts d ’H an ow e r, ou la petite fille
trouvée dans les bois en France, feroient un fpeétacle
curieux pour un philofophe , il pourrait en obfervant
fon fauvage, évaluer au jufte la force des appétits de la
N a tu r e i l y verrait l’ame à découvert, il en diftingueroit
tous_ les mouvemens naturels, & peut - être y recon-
noîtroit - il plus de douceur, de tranquillité & de calme
que dans la fienne, peut-être verroit-il clairement que la
vertu appartient à l ’homme làuvage plus qu’à l’homme
Evang. Med, page 1 3 3 , ifc ..
civilile, & que le vice n ’a pris naiflance que dans la fociété.
Mais revenons à notre principal objet: fi l’on n’a rencontré
dans toute l’Amérique feptentrionale que des fauvages
, on a trouvé au Mexique & au Pérou des hommes
civilifez, des peuples policez, fournis à des loix & gouvernez
par des Rois, ils avoient de l’induftrie, des arts &
une efpèce de religion, ils habitoient dans des villes ou
l ’ordre & la police étoient maintenus par l ’autorité du
Souverain : ces peuples, qui d ailleurs etoient affez nombreux,
ne peuvent pas être regardez comme des nations
nouvelles ou des hommes provenus de quelques individus
échappez des peuples de 1 Europe ou de 1 Afie, dont ils
font fi éloignez ; d ’ailleurs f f les fauvages de l’Amérique
feptentrionale reflemblent aux Tartares parce qu’ils font
fituez fous la même latitude, ceux-ci qui font, comme les
Nègres, fous la zone torrjde, ne leur reflemblent point,
quelle eft donc l’origine de ces peuples, & quelle eft auffi
la vraie caufede la différence de couleur dans les hommes,
puifque celle de l’influence du climat fe trouve ici tout-àr-
fait démentie !
Avant que de fatisfaire, autant que je le pourrai, à ces
queftions, il faut continuer notre examen , & donner la
defcription de ces hommes qui paroi fient en effet fi dif-
férens de ce qu’ils devraient être,fi la diftance du pôle
étoit la caufe principale de la variété qui fe trouve dans
l’efpèce humaine ; nous avons déjà donné celle des fauvages
du nord & des fauvages du Canada *, ceux de la
* Voyez à ce fujet les voyages du Baron de ia.Hontan.. L a Hnye»
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