
Ce ne fut qu’ en 1774, c’efl-j-dire , plus de cinquante
ans après, que Rozier parvint à faire cafter
un arrêtaum ridicule, & à obtenir la.fabrication
& la vente de l’huile pure de pavot. On peut en
voir les détails curieux dans fon Dictionnaire et Agriculture
: on y verra en même tems de quelle importance
il feroit pour la France, que fa culture du
pavot pût s’établir avec plus d’étendue.
Cette plante aime les terrains qui ont du fonds,
& dont la terre a été foulevée jufqu’ à une certaine
profondeur. La végétation de la plante eft rapide,
dès qu’elle'commence à être animée par la chaleur.
Au moment de la récolte , le propriétaire arrive
fur fon champ , fuivi de tous les valets, femmes
& enfans de la métairie , qui apportent avec eux
des draps en nombre proportionné à celui des pavots.
Commençant par un bout du champ, on
'étend un drap au pied des plantes j on les incline,
on les fecoue fur ce drap, afin de faire tomber
deflus toute la graine qui elf mûre.
Après cette p-emière opération , un valet arrache
la plante de terre ^ & il obferve de la tenir
toujours très-droite, afin qu’il ne tombe aucune
graine. De plufieurs plantes réunies il en forme,
des faifeeaux & les place droits fur le champ , appuyés
k s uns fur les autres; Deux ou trois jours
après la récolte entière, on étend de nouveau des
draps aux pieds des faifeeaux accumulés , & fur
ces dnps on fecoue de nouveau les têtes & on
brife les capfules, enfin, la métairie fuffifamment
fournie de bois pour le chauffage, de bois pour le
fervice du four , on met le feu aux faifcéaux.
Quelques propriétaires, afin de hâter la récolte,
inclinent les tiges fur les draps, en coupent les
fommités , & les emportent à la métairie. Les tiges
reftent fur le champ , & le feu les réduit bientôt
en cendres, fi on n’a;me mieux les arracher & les
conferver pour la litière du bétail.
De quelque manière qu’on faffe la récolte, le
point effentiel eft d’empêcher qu’il ne refte aucuns .
débris de la capfule mêlés avec la graine , parce
que , portés au moulin , ils abforberoient en pure
perte une quantité d’huile affez confidérable. Afin
de prévenir cet inconvénient, on fe fert de cribles
percés de petits trous qui permettent à la graine
de paffer , & les débris reftent dans Je crible. On
porte ces graines au moulin dès qu’elles font fè-
ches.
Tandis que les femences des pavots nous offrent
des reffources fi avantageufes pour les ufages économiques,
la capfule qui les renferme diftille un
fuc réfineux connu fous le nom d'opium,. & dont
on fait un très-grand ufage, particuliérement dans
le Levant. Tournefort,. dans fon voyage aux îles
de l ’Archipel & du Levant, nous apprend qu’ auffi-
tôt que les têtes de pavots paroiffent,, on y fait
»ne légère incifîon, & qu’il en découle quelques
gouttes d’ une liqueur laiteufe , qu’on laiffe figer,
& que l’on recueille enfuite. C ’ eft ce qui forme
Y opium'. On l’obtient encore par la contufion &
l’expreflion de ces mêmes têtes. Belon &Kempfer,
qui diftinguent trois fortes d'opium, tirées feulement
par l’incifion, difent que dans la Perfe on
fait des plaies en fautoir à la fuperficie des têtes
qui font près d’être mûres. Le couteau qui fert à
cettempération-, a cinq pointes, & d'un feul coup
il fait cinq ouvertures longues, parallèles. Le lendemain
on recueille avec des fpatules le fuc qui
découle de ces petites plaies, & on le renferme
dans un petit vafe attaché à la ceinture j enfuite
on fait la même opération de l’autre côté des
têtes. La larme qui découle la première fe nomme
gobaar, C ’eft la plus chère. Elle paffe pour la plus
convenable à calmer le cerveau. Sa couleur eft
d’un jaune pâle, enfuite rouffâtre.
Après que l’on a ainfi recueilli l’opium, on lui
donne une préparation avec un peu d’eau & de
miel. On remue long-tèms ce mélange dans une
affiette de bois plate, avec une forte fpatule, jufqu’à
ce qu’ il ait acquis la confiftance de la poix^
On manie enfuite cet opium, & l’on en fait de
petites boules .cylindriques que l’on met en vente
dans le pays. Cette manière de préparer l’opium
eft le travail perpétuel des revendeurs mercenaires
qui font dans les carrefours.
Mais ce n’eft pas la feule manière de préparer
le fuc de pavot :-fouvent on le charge d’une fi
grande quantité de miel, pour tempérer fon amertume
, qu’on l’empêche de fe fécher. L’opération
la plus remarquable eft celle qui.fe fait en mêlant
exactement avec ce fuc , de la mufeade, du cardamone
, du fafran, de la canelle & du macis ,
réduits en poudre fine. Outre cet opium, donc
on ne fait ufage qu’ en pilules, les Perfes Sont une
liqueur d’opium fort célèbre, fous le nom de
cocanarf, & dont ils boivent en abondance par
intervalle s mais ces fortes d’opiutn ne font guère
connues en Europe.
L'opium ou méconium des boutiques eft une
fubftance réfino-gommeufe , compacte , dure
d’un roux noirâtre, d’une odeur narcotique défa-
gréable, d’ un goût amer, âcre, formée en gâteaux
arrondis , aplatis, & enveloppés dans des
feuilles de pavots. On nous envoie ce fuc concret
de la Natolie * de l’Égypte & des Indes. Il eft
formé en l'exprimant des capfules , après les
avoir arrofées d’eau, qu’on laiffe enfuite évaporer.
On lui faic fubir, pour l’employer, différentes
préparations, dans lesquelles il eft ou purifié, ou
affocié aveG plufîèurs autres médicamens qu’on a
cru propres à corriger fes mauvaifes qualités^ On
foupçonne que la caufë des effets de l’opium ne
confifte que dans le principe volatil qui y eft
contenu.
Rozier prétend que les pavots blancs de 004
jardins fourniroient un opium aufii parfait que
celui d’Égypte î mais comme la température du
climat eft trop peu élevée pour en faire découler
le fuc naturellement comme dans les climats plus
chauds, il faut, pour l’obtenir, un procédé différent.
On enlève toute la graine des têtes > on pile le s ,
capfules jufqu’à ce qu’elles foient réduites en poudre
très-fine.' On prend une once de cette poudre
qu’on laiffe inftrfer à froid pendant deux jours
dans deux pintes d’eau > après cela on exprime
l’eau contenue dans les têtes, & on paffe le tout
par le filtré. On fait enfuite évaporer au bain-
marie, jufqu’ à ce que la liqueur foit réduite à un
demi-fetier. Après l’avoir filtrée de nouveau, on
la verfe fur des affiettes de faïence, où elle refte
en évaporation jufqu’à ficcité : enfin l’opium collé
fortement aux affiettes, & qui en eft détaché, eft
mis dans une bouteille bien bouchée. Il fert aux
mêmes ufages que celui dés Turcs, & il eft moins
dangereux. Une fermentation de quelques heures
ou d’un jour fait perdre à l ’opium fa qualité narcotique.
Ses effets font affez bien connus. En petites
dofes, il provoque au fomvneil j en dofe plus forte
il caufe l’ivreffe & la mort. Les Orientaux en font
un grand ufage. On en diftribue aux foldats turcs
pour les animer au combat. 11 produit en eux ce
dévouement ftupide qui , joint à la croyance ridicule
de la prédeftination, leur fait braver la
mort la plus certaine. Les meilleurs remèdes contre
l’opium pris à trop forte dofe, font d’abord :
l ’émétique, & enfuite les acides, tels que le vinaigre
, le fuc de citron, &c.
8. Pa v o t d’Orient. Papaver orientale. Linn.
Papaver capfulis glabris y caulibus unifloris , fea-
bris 3 folio fis'} foliis pinnatis, ferratis. Linn. Spëc.
Plant. 727. — Hort. upf. 136. — Mill. Diét. n°. 7.
— Knorr. Del. t. R. 14. A .
Papaver foliis pinnatis 3fruftu globofo. Roy. Lugd.
Bat. 279.
Papaver orientale , hirfutijfimum y fiore magno.
Tournef. Cor. 17. — Id. Iter. 3. p. 127. tab. 127.
— Commel. Rar. 34. tab. 34.
Cette efpèce approche beaucoup par fon p ort,
du papaverfomni/erum. Il arrive, comme lu i, à
une grande hauteur, & fe fait remarquer par la
grandeur & la beauté de fes fleurs} mais il en diffère
par fes feuilles pinnatifides, & par les poils
nombreux qui hériffent toutes fes parties, excepté
fes capfules & fes pétales.
Sa tige eft droite, fimple, uniflore , haute de
quatre à fix pieds, hériffée dans toute fa longueur
de poils rudes, abondans, très-ferrés contre la
tige, blanchâtres, garnie de feuilles alternes, pétioîées,
affez grandes*, lancéolées, dont les divi-
fions font li profondes, qu’elles les rendent pref-
qu’ailées} elles font chargées de poils nombreux,
fèmblablcs à ceux des tiges. Les pinnules ou di-
vifions font dentées, aiguës, terminées, furtout
la dernière , par un poil roide, fpinuliforme 5 les
pétioles font larges , aplatis , garnis dans plufieu's
feuilles , particuliérement dans les lupérieures , dé
folioles prefque jufqu’à leur bafe.
Les fleurs font folitaires, terminales, compo-
fées d’ un calice à deux folioles concaves, très-
hifpides & obtufes. Les pétales font très-grands ,
rougeâtres, mais variables par la culture, étendus,
tachés à leur bafe, de forme ovale , prefqu’ar-
rondie. Le ftigmate en écuffon eft divifé en feize
rayons environ. Le fruit eft une capfule glabre,
prefque globuleux. Cette plante croît naturellement
dans l’Orient,. Elle eft cultivée au Jardin des
Plantes de Paris. {V . v.)
Tournefort nous apprend que, dans le Levant,
les Turcs mangent les têtes vertes de ce pavot,
malgré leur amertume & leur âcreté.
9. Pa v o t jaune. Papaver càmbricum. Linn.
Papaver capfulis glabris » oblongis ; caule multi-
florà 3 Uvi y foliis pinnatis , incifis. Linn. Spec. PI.
tom. 2. p. 727. — Mill. Didh n°. ƒ .—>Hudf. Angî.
203. — Lam. Fl. fr. vol- 3. pv 173. n°. 777.'VIL
Papayer foliis pinnatis, fruftu acuminato. Hort.
Cliff. 201. — Roy. Lugd. Bat. 479.
, Papaver càmbricum 3 perenm; flore fulphureo. DHL
Eltham. 360. tab. 223. fig. 290.
Papaver errâticum3 pyrenaicum; floreflavo. Toufn.
Inft. R. H. 239. — Bauh. Pin. 171. — Id. Prodr,
92. — Burf. II. 45.
Argemoné cambro-britannica3 luteay capite longiore,
glabro. Morif. Oxon. Hift. 2..p. 297. ff. 3. tab. 14»
-fig. 12.
Cette plante a des tiges hautes d’environ un
pied , droites , légèrement velues, garnies de
feuilles dans leur moitié inférieure y la fupérieure
eft nue. Les feuilles font affez amples, ailées, d’un
vert glauque en deffous, prefque glabres, portées
fur des pétioles velus , compofées de folioles in-
cifées , affez larges, pinnatifides & un peu décut-
tenteS fur le pétiole commun. Les fleurs font au
nombre de deux ou trois, terminales , affez grandes
, d’un jaune tirant fur la couleur du foufre. Il
leur fuccède des capfules ovales, aîongées , rétrécies
vers leur bafe, glabres, à quatre côtes
blanches & longitudinales , recouvertes par un
ftigmate en forme de bouton , divifé en cinq ou
fix rayons. Cette plante croît dans les Alpes, les-
Pyrénées, & dans les bois au Puy-de-Dôrae. %■
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