
il en entretient la falubrité, & répare cette déperdition
habituelle de l’air v ita l, abforbé continuellement
par la refpiration des animaux & par
les corps en combuftion : d’où l’on a conclu ,
d’après beaucoup d'obfervations, que l’air étoit
beaucoup plus fain dans les lieux couverts d’une
belle végétation , que dans ceux qui en font abfo-
lument privés.
j Citer ici le feu élémentaire & la l u m i è r e ,
c’ eft rappeler deux autres agens très-puiffans &
nécefiaires à l’exiftence des végétaux. Quoique le
mode de leur a&ion nous foit inconnu 3 elle n’en
elt pas moins certaine. Jamais la végétation n’ eft
plus vigoureufe que lorfque la chaleur * unie à une
humidité convenable , pénètre dans les organes
des plantes. Cet élément igné, principe de vie &
de fécondité, n’agit pas feulement comme excitateur,
mais tout nous porte à croire que, changeant
de nature, il fe fixe dans les corps qu’il
pénètre, s’ unit à d’autres principes, & fe conv
e r tit, ainfi que l’air & l’eau, en fubftance végétale.
Une portion de ce fluide elt rendue à la
liberté par la combuftion > une'autre portion refte
combinée avec les fubftances falines & terreufes,
réfultantes de cette opération. Je préfenterai ailleurs
mes conjeéluies fur ce grand phénomène : il
m’entraîner oit ici dans des détails qui m’écarte-
roient trop de mon objet. C ’eft par la même raifon
que je ne dirai que deux mots de la lumière. C ’eft
elle qui produit ces vives & brillantes couleurs
dont nos yeux font fi agréablement réjouis. Plus
elle eft forte & durable , plus les plantes ont
d’ éclat : qu’on compare le luxe impofant de ces
belles fleurs des Indes, fur lefquelles le foleil a répandu
des flots de lumière, avec les végétaux de
ces triftes contrées du nord, qu’ il n’éclaire que
quelques inftans, & l’on verra combien la lumière
influe fur la végétation. Nous avons vu les plantes
diriger leurs racines vers les lieux les plus humides;
nous les voyons également tourner leurs corolles
éclatantes vers lès rayons de l’aftre du jour, en-
tr ’ouyrir leurs calices pour en recevoir les douces
influences, & s’abreuver pouf ainfi dire de lumière
& de chaleur. Comme la nature eft belle !
Comme ces fleurs font riches en couleurs , lorf-
qu’après s’être baignées dans la rofée, elles fe re-
dreflent fur leur pédoncule , & développent de
nouveau leurs pétales dès que le foleil a lancé
du fond de l’orient fes premières gerbes lumi-
neufes 1
Sans doute d’autres fluides, d’autres élémens
concourent également à la formation, au développement
des plantes ; mais trop fubtils pour être
faifis par nos fens, trop peu connus pour fervir
de bafe à des conjectures raifonnables , nous bornerons
ces réflexions aux feuls principes élémentaires
dont l ’exiftence nous eft affurée. Paffons
maintenant à d’autres confidérations.
S. IV. De la vie végétative. .
Nous venons de voir quelques-uns des principes
qui conftituent l’exiftence des plantes, lefquels,
à l’aide des forces vitales, forment, parleur com-
binaifon entr’eux & avec d’autres principes qui
nous font encore inconnus, les diverfes fubftances
que nous trouvons dans les végétaux. Mais fi l ’on
demande qu’ eft-ce que les forces vitales, ou , ce
qui eft la même chofe, qu’eft-ce que la v i e ? je
demanderai à mon tour quel eft l’être allez téméraire
pour ofer entreprendre de la définir? La vie
eft de tous les myftères de la nature le plus incom-
préhenfible; de toutes les merveilles, la plus fu-
blime. La vie ! elle circule dans toutes nos veines,
elle coule dans tous les organes des végétaux, elle
anime la nature entière. Nous la fentons en nous-
mêmes, nous la retrouvons dans tous les êtres qui
nous environnent j nous la fentons, mais nous ne
pouvons la comprendre. Raifonneurs phlegmati-
ques 1 n’allez-vous pas nous dire que la vie con-
fifte dans la faculté qu’ont les êtres organiques de
développer leurs organes par le moyen de la nutrition,
de convertir en leur propre fubftahce les
alimens qu’ils reçoivent, ou enfin que la vie exifte
dans la libre circulation des liquides au milieu de
cette foule innombrable de canaux diftribués dans
toute l’étendue des corps vivans, & dans l ’exécution
des diverfes fondions qu’ ils ont à remplir? Je ne
vois là que mouvement, combinaifon de matière,
changement de fubftances, déperditions, réparations
; tout cela ne me donne aucune idée de la
vie. Je refte froid au milieu d’ une des plus grandes
merveilles de la création. Mais quand mes yeux fe
portent fur ces vaftes campagnes couvertes de
prairies & de moilfons, ou fur les fleurs d’un beau
parterre que j’ai moi-même enfemencé, mon regard
m’en a plus appris que les plus favantes dif-
fertations. Mon coe u r , pour fentir, pour être
ému, n’a pas befoin du fecours de la fcience >
j ’éprouve un plaifir de fentiment, d’admiration
profonde au deflus de toute définition. Si cependant,
fans pouvoir me dire à moi-même ce que
c’eft que la v ie , je peux découvrir les caufes Amples
, admirables, qui en développent les principes
dans les êtres organiques, mon efprit n’en
fera que plus frappé d’étonnement ; mais ce profond
myftère de l’exiftence dts êtres n’en reftera
pas moins impénétrable.
Quelle qu’ ait pu être l’origine première dès
chofes, quels qu’aient été les moyens employés
par le grand maître de l’Univers pour opérer la
création des premiers êtres organiques , il eft cei-
tain qu’aujourd’hui nous ne connoifîons point de
génération fpontanée. L’exiftence d’un animal,
d’ une plante , n’a lieu que par le moyen.des germes,
c’eft-à-dire, par les femences qui renferment
très en petit les premiers linéamens du nouvel
être qu’elles doivent produire. Je ne parle ici que
des plantes, dont les parties fexuelles nous font
connues. C ’eft à la nature, c’eft aux élémens que
le développement en eft confié; & quoique cette
opération fe paffe prefque fous nos yeux, ce que
l’obfervation nous en a fait connoître eft encore
bien au delfous de ce qu’ elle nous laiffe ignorer.
Il faut, pour que la femence puifle végéter,
deux conditions elfentielles, qu’elle ait été fécondée,
& qu’elle rencontre une matrice propre à
fon développement Si la nature, dans certaines
efpèces, paroît s’ écarter de ces lois, c ’eft qu’elle
emploie d’autres moyens qui y font analogues , &
que nous n’avons pas encore obfervés. Il a été'
queftion de la fécondation des plantes aux articles
Et am in e s , Fé co n d a t io n . V o y e z encore les
mots Pis t il , Semences.
« La germination, dit Lamarck, eft le premier
a<51e de la végétation , c’eft-à-dire, le premier inf-
tant de la vie d’une plante contenue, en raccourci
& fans développement, dans la graine qui germe;
.& l ’inftant qui fuccède, c’ eft-à-dire, celui où le
nouvel être fe débarrafle des enveloppes dans lefquelles
il a été formé, eft l’inftant même de fa
nailfance.
*> Jufqu’au moment de la germination, toutes
les parties d’une femence qui fe trouve féparée de
la plante-mère qui l’a produite, font en quelque
forte dans un repos complet: les fucs qu’elle renferme
y font en quantité médiocre, fans aétion,
fans mouvement;*& l’on peut conjecturer qu’ il
exifte un équilibre parfait entre l’aêtion & la réaction
des diverfes parties qui la compofent. Alors
la pl an taie ( v o y e z ce mot) ou l’embryon végétal,
qui conftituela partieeflentiellede cette femence,
ne peut être confidéré ni comme joui (Tant de la
v ie, car el'e n’exifte point fans mouvement orga- i
nique, ni comme en étant totalement dépourvue;
car ce qui la conftitue peut être fufpendu, tSc il
l’eft effectivement avant la germination fi toutefois
il exifte. La vie alors n’attend qu’un ftimulus
particulier, & qu’ un premier mouvement communiqué
aux tendres organes de la plantule, pour
jouir d’une exiftence aCtive , & commencer à
opérer les développemens qui réfultent de fon
aCtion.
» Ce repos parfait dont je viens de parler ,, ou
cet équilibre dans l ’aCtion & la réaCtîon des diverfes
parties d’ une femence avant la germination,
peut durer fort long-tems, comme le prouvent
les femences des légumineufes , qui confervent
leur faculté germinative pendant.un grand nombre
d’années, fi, d’une part, la caufe qui produit la
fermentation ne vient pas le détruire, ou fi, de"
l’autre, les circonftances qui amènent l’aCte de la
germination ne fui viennent , & le font cefifer.
Dans le premier cas la femence entière fe pourrit,
fe décompofe, & la plantule alors perd fon exiftence
; au lieu que , dans le fécond cas, la germination,
qui "détruit l ’inaCtion dts parties organiques
dans la femence fans les dénaturer, établit
alors le mouvement viral, commence le s développemens
que fon ?Clion fait produire, & donne
naiffance à l’être organique végétal en qui ce principe
d’aClivité fe manifeftè.
» Voyons maintenant quelles font les circonftances
qui amènent la germination, ou autrement
quelle eft la caufe ou le fiimulus capable de communiquer
le premier mouvement aux organes inactifs
de l’embryon renfermé dans U femence.
» Il me femble que la germination dépend du
concours de trois caufes effentielles; favoir : i° . de
? 1/humidité'qui pénétrera femence, la gonfle, en
dilate les parties, & les rend fouples ; 20. du contact
de l’air qui favorife le déplacement des fluides
en s’ introduifant dans les élémens vafculaires
& les utricuks dilatés ; 30. de l’a&ion d’une douce
chaleur en laquelle réfide le ftimulus principal, qui
occafionne le premier mouvement organique favo-
rifé par les deux autres caufes.
*> Lorfqu’aux approches du printems la température
de l’ air s’eft adoucie, & qu’en quelque
forte un premier degré de chaleur a commencé à
exciter du mouvement dans tous les corps, les
femences confiées à la terre s’imbibent alors plus
profondément de l’humidité qui les environne ;
elles fe gonflent ; leurs parties intérieures , moins
affaiflees , prennent de la foupleffe, acquièrent
une certaine liberté, & bientôt, par les fuites de
la fucceftîon alternative des jours & des nuits, les
effets variés du calorique & de la lumière éta-
bliffent le mouvement organique , & commencent
le développement des parties. La radicule , qui a
participé d’abord à la nourriture fournie par les
lobes ou cotylédons, s’étend, & fort par une petite
ouverture pratiquée à la tunique quides recouvre;
& c’e ft, comme je viens de le dire, cette
première époque du développement de la planre
qu’on nomme la germination.
« Bientôt la dilatation de l’air fait crever la
tunique, & force les lobes de s’écarter. La plantule
monte peu à peu, accompagnée des lobes ou
feulement des feuilles féminales, qui la tiennent
comme empaquetée par fon extrémité. La partie
moyenne eft affez fouvent la première qui fe montre,
& qui paroît fous la forme d’un petit arc^
forme qu’elle avoit déjà lorfqu’elle étoit encore
renfermée entre les lobes :on dit alors que h plante
lève.
»Jufque-là les lobes avoient comme alaité le
jeune fa je t , & lui avoient fait une nourriture légère
& délicate de la fè v e , qui s’étoit épurée &
élaborée en paffant à travers leur fubftance ; mais
à mefure que la plante fe développe & s’élève
ces lobes lui deviennent inutiles, & eeffent eux-
mêmes de recevoir les fucs nourriciers que lai