
rains arrofes fréquemment par les eaux pluviales.
Le fable lui-même n'eft ftérile , en granae partie ,
que] parce qu'il ne peut retenir l'eau des pluies, &
qu'il eft d'une telle mobilité que, pouffé par les
vents , il recouvre fouvent les tendres germes
qu'une humidité favorable y développe. Ce même
fable, fur le bord des rivières peu rapides, fans
ceffe humeété par les eaux, acquiert alors la faculté
de nourrir des végétaux particuliers à cette
efpèce de fol. Il exifte même de grandes forêts
dans des terrains prefqu'entiérement fablonneux;
mais le fol en eft toujours humide, foit parce que
les pluies y font plus abondantes qu'ailleurs, foit
parce que ce f o l , à l'abri de l'aCtion immédiate
du foleil, fe deffèche moins. Mais lorfque la hache
deftruêtive fait difparoître ces forêts, les pluies y
font plus rares*, le fol fablonneux, brûlé par l'aftre
du jour, s’y convertit en plaines ftériles, & la
végétation en eft éloignée pour toujours.
L'avidité des plantes pour l'eau eft fi puiffante,
qu’elles paroiffent, quoiqu'immobiles & fixées,
jouir, dans certains cas, d'un mouvement prefque
fpontané. Celles qui fe trouvent dans un terrain
fe c , peu éloigné d'un autre plus humide, dirigent
leurs racines vers ce dernier; lorfqu'elles font dans
une atmofphère chargée de vapeurs, les feuilles
les attirent à elles avec une telle force, qu’elles
en font toutes humides ; & fi l’on y fait attention,
l ’on remarquera que ce phénomène a lieu par un
principe différent de celui qui occafionne la con-
denfation des vapeurs fur des corps froids. Les
pierres , les cailloux, le fer, oi t certainement une
température très-inférieure à celle des plantes :
les vapeurs devroient donc s'y condenfer de préférence
à d’autres corps moins froids, & cependant
j ’ai bien fouvent remarqué des plantes chargées
d’humidité, tandis que, dans les mêmes lieux,
la furface des corps plus froids étoit parfaitement
fèche. On peut vérfier cette obfervation fur les
plantes qu'on élève fous châflis : fi l'humidité y
règne, elle eft plus abondante fur les plantes que
fur les autres corps ; fi elle eft en moindre quantité
, les plantes feules en font imprégnées. Il faut
donc reconnoître dans les plantes une puiffance,
une force d’attraCtion particulière pour attirer à
elles les molécules aqueufes, fufpendues dans une
atmofphère humide.
Ce phénomène eft encore très-remarquable dans
ees abondantes rofées du matin & du foir, flottantes
dans l'atmofphère à la furface de la terre,
furtdiit pendant les beaux jours de l'été. A peine
font-elks fenfibles dans les plaines arides & fté-
riles, tandis que les plantes en font inondées : elles
fuppléent aux pluies fouvent rares dans cette faifon
fèche & brûlante.
Peut-être même trouverons-nous, dans cette
force particulière d'attraCtion des plantes pour
l’eau > la caufe pour laquelle les nuages fe réuniffent
de préférence fur les grandes forêts, tandis
qu’ils paroiffent fuir les plaines arides. Quelques
phyficiens ont prétendu que l’agitation des arbres
déterminoit la direction des nuages fur les forêts
; mais cette caufe, fi elle a lieu, n'en eft pas
la plus puiffante. Il paroït bien plus naturel de
croire que les milliers de pores abforbaris que ces
grands végétaux tiennent toujours ouverts, forcent
les nuages à s'arrêter au deffus d'eux , & ,
par leur entaflèment, à fe réfoudre en pluies fécondantes.
Lorfque nous environnons des plantes
fanées de linges mouillés, placées à une petite
diftance , je ne doute prefque pas , s'il étoit accordé
à nos yeux de faifir la ténuité des eaux en
vapeurs, que nous n'appercevions les émanations
humides de ces linges fe diriger particuliérement
vers les plantes , comme la fumée fe dirige de
préférence vers le corps embrâfé qui en eft le
plus voifin. Si la plante, à raifon de fa fixité, eft
privée de la faculté d'aller chercher fa nourriture,,
il faut bien qu'elle ait celle de l'attirer. Nous retrouvons
la même faculté dans ces animaux que
la nature a fixés, comme les plantes, à une place
déterminée.
La quantité d'eau que les plantes abforbent eft
fi confidérable, que Haies a trouvé qu'une plante,
qui ne pefcit que trois livres, avoit acquis une
augmentation de deux livres, & qu'elle en pefoit
cinq après être reliée quelque tems plongée dans
l'eau. Cette expérience, jointe à celle: que nous
fournit la rapide diminution de l'eau dans les vafes
où nous avons placé des plantes, peut nous
donner une idée de la grande quantité d’eau que
les végétaux abforbent tous les jours pour leur
nourriture. Nous n’en ferons pas furpris fi, d’un
autre côté, appelantTanalyfe chimique à notre
fecours, nous confidérons que les plantes, dans
cette opération, ne confervent guère que l'hydrogène
de l’eau (comme je le dirai plus bas),,
qui n’en forme qu'environ la feptième partie.
Si donc une plante a befoin, pour fa nourriture
journalière, de cent mefures quelconques de gaz.
hydrogène, il en faudra nëceflairement fëpt cents
d’eau pour les fournir. Ajoutons qu’ il fe fait en outre
une déperdition continuelle dans tous les êtres
vivans ; & quoiqu’ arrivés à leur dernier degré
d'accroiffement, il ne leur eft pas moins néceffaire
de réparer tous les jours,par de nouveaux alimens,
ce qu’ ils perdent par la tranfpiration. Cette réparation
eft très-confidérable quoiqu’elle ait été
fuivie avec plus de détails dans les animaux que
dans les plantes, elle n'eft pas moins néceffaire.
dans ces dernières que dans les autres. *
Pouravoir une idée de l’étonnante confommation;
de l’eau abforbée par les plantes, je fuppofe qu’ il
faille, pendant le tems de là plus forte végétation,
ou pendant cent jours chaque année, environ une
pinte d’eau par jour pour l'entretien d'un arbre*
Si cet arbre vit cinquante, ans il aura confommé,
pendant fa vie, cinq mille pintes d'eau, environ
[’équivalent d’un tonneau de mer. Cette évaluation,
déjà très - confidérable, eft fans doute fort
inférieure à celle qui a lieu réellement.
Si maintenant nous appliquons le même calcul
à toutes les plantes qui exiftent fur la furface du
globe ; fi nous ajoutons à cette idée celle d’üne
végétation exiftante depuis des milliers de Cèdes,
ainfi quve ces forêts immenfes, éternelles, qui recouvrent
encore les contrées inhabitées, & qui
dans le principe ont également recouvert les régions
cultivées aujourd'hui ; fi enfin nous confidérons
que toute la maffe de terre végétale, que
ces tourbes profondes, que ces immenfes couches
de charbon de terre ou de houille font autant
de débris de l'ancienne végétation, quelle
idée n'aurons-nous point de l’énorme quantité
d'eau qu’il a fallu pour la formation de toutes ces
fubftances, & pour l’entretien d'une végétation
aufli abondante & d’une aufli longue durée? N’y
reconnoîtra-t-on pas une des caufes puiffantes
qui ont donné lieu à' la diminution des eaux de
la mer, queftion fur laquelle on a déjà préfenté
tant d’opinions différentes ? Je reviendrai ailleurs
fur ce grand phénomène de la nature.
L’atmofphère eft chargée de fournir aux plantes
leur nourriture habituelle. Pour y fitisfaire elle
enlève continuellement à la furface des mers, des
lacs & des fleuves une très-grande quantité d'eau
qu'elle tient en diffolution ou en état de vapeurs ;
c e lle s -c i, condenféès, rapprochées, converties
en nuages, flottent au milieu de l’air, au gré des
vents, jufqu'à ce que, fixées par l'attraCtion des
forêts, elles s'y précipitent en pluies nutritives.
Les feuilles en font inondées, & la terre les reçoit
dans fon fein. Çette portion d’eau, elle la
tient en réferve pour alimenter les racines, &
fuppléer, dans les tems de féchereffe, au défaut
des pluies.
Les brouillards, les rofées font encore un des
grands moyens que la nature emploie pour que
les plantes reçoivent régulièrement le foutien de j 1
leur exiftence. Mais combien de fois, dans la faifon
brûlânte de Pété, n’ avons-nous pas accufé la
nature de refufer aux plantes la nourriture qu’elle -
leur doit? Ces plaintes font injuftes, comme toutes
les autres accufations que l'homme élève continuellement
contre cette mère bienfaifante. 11 l ’outrage
fouvent faute de la connoître. Perfonne
n’ignore que plus la chaleur du jour a été forte,
plus les rofées font abondantes. A peine le foleil
a-t-il abandonné notre hémifphère, que les plantes
font baignées de vapeurs aqueufes , qui fe con-
denfent en eau fur toutes leurs parties, & qu’elles
abforbent avec d’autant plus d’avidité, qu’elles
font plus altérées. Elles paffent la nuit entière dans
ce bain rafraîchiffant que le foleil ne diflipe que
plufietirs heures après fon lever. On peut dire que
lur tes vingt-quatre heures du jour les. plantes
peuvent, au moins pendant plus de la moitié de
ce tems, abforber autant d'eau qu'il leur en faut
pour leur rafraîchiffement. Elles ont encore dans
le jour un autre avantage, furtout celles dont les
racines s’enfoncent profondément; c'eft de tirer
du fein de la terre, & même de très-loin, une
humidité q u i, malgré la féchereffe extérieure,
exifte fous la couche fupérieure, & tend fans ceffe
à s'élever à fa furface. D’après une fuite de belles
expériences, Haies a prétendu que les rofées étoient
infuffi Tantes pouf la nourriture des plantes ; mais
je ne fais s’il a en même tems calculé ce que pou-
voit leur fournir le fein humide de la terre. La
végétation, i! eft vrai, eft bien moins vigoureufe
quand les féchereffes font de trop longue durée;
& fi l'homme veut avoir des récoltes abondantes,
furtout dans fes jardins potagers, il ne les obtient
qu’à force d’arrofemens. Mais cette richeffe de
végétation n'eft pas le but de la nature : elle tend
à la confervation des efpèces; elle l’affure par la
maturité des femences, Ôc celles-ci ne manquent
jamais.
ec J’ai fouvent obfervé, dit Buffon, que l’humidité
retenue par la glaife eft infiniment favorable
à la végétation. Dans les étés les plus fecs, comme
celui de 1778, les plantes agreftes, & furtout les
arbres, avoientperdu prefque toutes leurs feuilles
dès les premiers jours de leptembre, dans toutes
les contrées dont les terrains font de fable, de
craie, de tuf ou de ces matières mélangées, tandis
tjue dans les pays dont le fond eft de glaife,
ils ont confervé leur verdure & leurs feuilles. Il
n’eft pas même néceffaire que la glaife foit immédiatement
fous la terre végétafe pour qu’elle puiffe
produire ce bon effet ; car dans mon jardin, dont
la terre végétale n’a que trois ou quatre pouces
de profondeur, & fe trouve pofée fur un plateau
de pierre calcaire de cinquante-quatre pieds d'é-
pai fleur, les charmilles élevées de vingt pieds, &
les arbres hauts de quarante, étoient aufli verts
que ceux du vallon après deux mois de féchereffe,
parce que ces rochers, de cinquante-quatre pieds
d'épaiffeur, portant fur la glaife, laiffent paffer
par leurs fentes* perpendiculaires les émanations
humides qui rafraîchiffent continuellement la terre
végétale où ce^arbres font plantés. »
L ’on voit par ces détails intéreffans, de quelle
reffource eft pour les plantes l’humidité fouter-
raine, furtout dans les grandes féchereffes, & par
quelles précautions admirables la nature a pourvu
à la confervation de toutes fes productions. Son
but, fes moyens pour y arriver, tout chez elle eft
lié par un enchaînement qu'il n’eft accordé de
faifir qu'à l'homme qui-en luit les rapports. Etudions
donc la nature au lieu de la calomnier , &
nous apprendrons à ne pas nous méfier de fes ref-
fources. Si dans certaines contrées la terre eft
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