
de la végétation , .elles font encore le point de
départ d<,s êtres végétans. Ce font de toutes les
plantes, celles qui ont l'organifation la pluslimplej
point de racines, point de fleurs, point de femences,
point de feuilles : elles font par confé-
uent privées des organes qui condiment ces différentes
parties.
A partir de ces plantes, les moins compofées
que nous connoilfions, nous voyons celles qui les
fuivent, préfenter infenfiblement une organifa-
tion plus compliquée» elle eft déjà, dans les moi-
fifiures, dans les champignons, plus avancée que
dans les byffus, les conferves, &c. On y obferve
quelques organes particuliers, qui paroiffent contenir
une pouflière ou une liqueur fémiriifère,
furtout dans les moififfures, lefquelles, fembla-
bles i de petits arbres microfcopiques, font munies
d'un tronc, dont le fommet eu couronné par
de belles grapes compofées de petits globules
arrondis, & d'où s'éenappe une pouflière qu'on
regarde comme autant de femences. Dans Us li-
chens, l'organifation végétale commence à nous
offrir quelques filamens affez femblables aux racines
, des expanfions foliacées, mais qui ne font
pas encore de véritables feuilles ; des cupules,
des pores, des cavités de formes différentes, chargées
d'une pouflière qui doit avoir auffi fa defti-
nation, & que l'on prend encore pour des femences
fans en avoir la certitude.
Dans les moufles nous y voyons de véritables
racines, des tiges , des ramifications, des feuilles,
mais encore très-fîmples, petites, à peine veinées,
fans pétiole, fans découpures5 des cupules compofées
de plufieurs pièces, qui contiennent une
pouflière abondante, & d'autres organes qui ont
des rapports avec ceux de la génération, mais
dans un état encore très-imparfait, en les comparant
avec ceux des grands végétaux.
Plus développées dans la famille nombreufe des
fougères, les feuilles y offrent des attributs que
ne nous ont pas encore préfentés les autres plantes.
Ces feuilles font amples, grandes, fimples ou ramifiées,
ailées, dentées} les tiges, dans quelques
efpèces, deviennent ligneufes} mais les organes
de la fructification y font encore peu avancés :
nous ne les connoiflons qu'imparfaite ment ; ce
font des véficules fphériques ou alongées, fouvent
entourées d'un anneau ou d'un cordon en chapelet
, à une feule loge qui s'ouvre tranfverfalement
avec élafticité, & laine échapper de fa cavité des
globules nombreux, affez femblables à une pouf-
fière très-fine , qu'on croît être de véritables femences.
Ces paquets font placés fur le dos des
feuilles, tantôt en tubercules arrondis, tantôt en
forme de lignes fort diverfifiées par leur fituation
& leur figure.
Mais il y a encore loin de la fructification des
fougères à celle de ces plantes parfaites, qui étalent
avec tout le luxe de la plus brillante végétation
leurs corolles magnifiques, décorées des plus
riches couleurs. Nous y arriverons graduellement,
& déjà les graminées, fous les dehors modeftes
de la fimplicité, nous préfentent, dans l’ intérieur
de leurs écailles, le phénomène admirable des
deux fexes exiftans dans les plantes comme dans
les animaux, & fans le concouts defquels la fécondation
des femences ne peut avoir lieu.
Si les graminées n'ont point l ’éclat de beaucoup
d'autres plantes, elles en poffedent du moins toutes
les parties effentielles : les organes de la reproduction
font renfermés dans une double enveloppe
écailleufe, qui remplace les calices & les
corolles de beaucoup d'autres végétaux. Elles font
rarement ramifiées, & leurs tiges font foibles ,
creufes & légères, le u r exiftence ne fe prolonge
guère au-delà d'une année} mais les racines,dans
un grand nombre, produifent de nouvelles tiges,
& viennent au fecouis des femences.
Arrivés à ce point de perfection, nous ne fui-
vrons pas davantage le dévêloppement des êtres
végétans : nous en avons dit affez pour que chacun
,/puiffe concevoir par quelle admirable pro-
grefïion la nature a conduit la végétation, depuis
lé byffus pulvérulent jufqu’aux arbres majeftueux
de nos forêts } comment elle paffe des tiges.herbacées
& fimples aux tiges dures, ligneufes &
branchues} comment les écailles fèches & fans
couleur des graminées font converties dans la rofe
& le lys en pétales d’une beauté parfaite pour les
formes, & d’ un éclat fi féduifant pour la vue.
Paffons maintenant à d’autres confidérations.
§. II. Les plantes en rapport avec les jouijfances de
£homme.
Nous ne pouvons, en traitant des plantes en
général, nous difpenfer de rappeler à l'homme les
jouiffances quelles lui procurent, & de juftifier
par-là ce goût fi univerfellement répandu aujourd'hui,
qui nous porte à les étudier, à les con-
noître. Les hommes ne peuvent mieux apprécier
leurs plaifirs que lorsqu'ils en éprouvent la privation.
C'eft un contraire que la nature elle-même
: met continuellement en ufage pour aiguillonner
nos jouiffances : elle nous fait fentir le befoin avant
de nous accorder les moyens de le fatisfaire.
Que feroit donc la furface du globe fi tout-à-
! coup difparoiffoient de notre vue ces riantes prai-
: r ie s , cette agréable verdure » ces bofquets de
fleurs, ces forêts filencieufes fi favorables à la
méditation ? La terre feroit alors ce qu'elle eft
dans ces déferts abandonnés, dans ces fables arides
& brûlans qu'aucun animal n’ofe aborder, au
milieu de ces roches ftériles & fourcilleufesj elle
feroit enfin ce qu’ elle eft en effet pour nous dans
la plus trifte des faifons, lorfqu’une neige uniforme
en couvre la furface •, ce qu'elle eft pour
certains peuples d'Afrique dans la faifon dévo*
rante de l’été. Dans quel état de langueur nous
jetr. roient cet afpeCt monotone de la nature, cette
uniformité de la furface de la terre s'ils fe prolon-
geoienr, fi nous n'étions foutenus par l'efpoir de
le voir difparoître.
Mais le printems reparoît , & tous les êtres
animés retrouvent une vie nouvelle. Le retour de
la végétation eft un appel à tous les animaux de
fortir de leur obfcure retraite, pour reprendre leurs
jouiffances interrompues & ranimer leur exiftence
au milieu des nouveaux bienfaits de la nature. Avec
quel empreffement l'homme que n'a point dénaturé
la tyrannie des paflions, fe tranfporte au milieu
d$s riantes campagnes ! L’aube-épine eft fleurie :
il va en refpirer la douce odeur, il veut en décorer
fon habitation : la rofe eft épanouie} c'eft à
qui en offrira l’hommage à la beauté dont elle eft
le fymbole : la primevère fait briller fon panache
doré, & déjà entre les mains d'une jeuneffe folâtre
elle devient l’inftrument de fes jeux : avant
elle la précoce violète s'étoit en vain cachée fous
la verdure naiffante, cueillie par la main de la ten-
dreffe, & placée fous le voile de la pudeur, elle
avoit parfumé les charmes qu’il recouvre.
Il n’ eft donc pas une plante qui ne nous rappelle
un plaifîr, & de ces plaifirs goûtés la plupart dans
cet âge heureux de l’enfance. Pouvons-nous voir
avec indifférence cette aigrette légère & argentée
du piffenlit, que nous avons fi fouvent difperfée
de notre foufle & livrée au gré des vents ? cette
brize amourette dont nous examinions avec tant
de joie les épiliets tremblans? ces baies fucculen tes
de la ronce, que fes épines n'ont pu garantir de
nos larcins? ces fraifes aélicieufes cueillies au milieu
des bois ? le bluet, le coquelicot des champs,
dont-nous formions de fi jolis bouquets? ces guirlandes
de chèvre-feuille qui ornoient nos coëffu-
res? ces buiffons , ces bofquets fi fouvent battus
pour y cueillir la.noifette favoureufe? les arbres
de ces forêts , qui nous ont accueillis fous leur
ombre, & ces jeunes hêtrés où nous avons effàyé
nos forces pour parvenir à leur fommet, ainfi que
ces noyers tant de fois attaqués pour en obtenir
les fruits? Toutes .ces plantes enfin font autant
d’êtres intéreffans avec lefquels nous pouvons nous
entretenir de nos plaifirs paffés, en goûter de nouveaux
, & qui nous rappellent chacun une fenfation
particulière. Un buiffon s'offre à nous : c'eft là ,
c'eft à la faveur de fon ombre que des heures dé-
licieufes fe font écoulées pour nous, livrés à un
doux loifir, à des rêveries agréables. Ici fe retrouve
cette tendre peloufe o ù , aflis à côté d’un ami,
nous l'avons rendu le confident de nos fecrets}
plus loin eft ce bofquet où notre coeur, ému pour
la première fois , a reçu un aveu touchant de la
tendre amie qui depuis eft devenue l'heureufe mère
de nos enfans. C ’eft fur ce gazon qu'alors elle fe
repofoitj c'eft à la faveur de cet arbriffeau qu'elle
s’efforçoit de cacher la rougeur, l'aimable rougeur
de l'innocence : c’eft là enfin qu'un mot de fa
'bouche a décidé du bonheur de notre vie. Si ce
tableau paroît déplacé dans un ouvrage de cette
nature, les gens fenfibles me le pardonneront, &
je ferai vengé du founre dédaigneux de l'homme
indifférent. Je reviens à mon objet.
D’un autre c ô té , il n'eft point de fête qui ne
foit ornée de guirlandes} il n'en eft point de plus
belle que celle qui fe célèbre dans la riante faifon
des fleurs : elles font l'emblème de nos fentimens
auprès des perfonnes qui nous font chères. Dès
que l'année ramène le jour de leur naiffance, nous
ne les abordons qu'un bouquet à la main : les fleurs'
ont embelli notre berceau } elles couvriront encore
notre tombe, comme fi leurs brillantes couleurs
dévoient mafquer aux regards de la tendreffe
l’horreur de notre deftruCtion. Quel intérêt n'a
point pour nous l’ arbre que nous avons planté de
notre main le jour heureux de notre hyménée , le
jour plus heureux encore de la naiffance d'un filsï
Ces arbres s'identifient pour ainfi dire avec nous}
& fi la cruelle mort vient à moiffonner, dans le
bel âge de la v ie , un enfant chéri, combien nous
aimerons à nourrir notre douleur au pied de cet
arbre , qui eft né , qui a crû avec lui l C ’eft le témoin
dé notre bonheur trop tôt évanoui : nous
lui adrefïons nos plaintes, nous l'arrofons de nos
larmes. A la vue de ce faule pleureur qui recouvre
de fes ranaeaux plians la tombe de notre ain i, à
l'afpeCt de ces funeftes cyprès qui l'entourent, de
quelle tendre fenfibilité notre coeur n’e f t - il pas
pénétré ! Gens du monde 1 que font vos plaifirs en
comparaifon de cette affeCtion douloureufe? Ainfi
les plantes, compagnes inféparables de notre exiftence
, fe prêtent en quelque forte à toutes nos
affections} elles embeliiffent lès plus beaux jours
de notre v ie , adouciffent, flattent notre douleur
dans les circonftances les plus malheureufes} elles
reçoivent fous leur ombrage & dérobent aux dif-
tra&ions du monde l'infortuné à qui il ne refté
d'autre confolation que de verfer des larmes dans
le filence & la retraite.
Telle eft la caufe de ce charme fecret & puiffant
qui nous arrache à nos foyers, je dis plus, x l’éclat,
à la fymmétrie monotone de nos parterres , pour
nous tranfporter dans la folitude des campagnes}
tels font les rapports qui exiftent entre l'homme
& les plantes.
Il en eft encore beaucoup d'autres qui nous les
rendent intéreffantes. Elles nous fourniffent des
alimens précieux , deviennent la matière première
de nos vêtemens 5 elles fuppléent à la chaleur que
le foleil va porter dans d’autres climats } c’eft par
elles que nos maifons s’élèvent, s'embelliffent :
nous leur fommes redevables d'un grand nombre
de meubles, d'inftrumens agréables & commodes :
fous ces rapports elles nous font chères fans doute,