
frappée d’aridité , fi elle paroît fermer Ton fein à
fabondance , c’eft que l’homme l’ a cruellement
déchirée ; c’ eft qu’ il a voulu obtenir plus qu’elle
ne pouvoit lui donner} c’ eft q u e , réformateur
inepte des lois facrées de là nature , il a prétendu
mieux faire qu’e lle , la corriger; qu’il a abattu
des forêts pour en convertir le fol en moiffons,
qu’il a porté la hache dans cés bois qui couron-
noient les montagnes, & dont les cimes élevées,
en fixant les nuages , procuroient la fécondité des
plaines. Homme injufte, tu accufes la nature quand
toi-même tu viens troubler fes lo is , & lui ôter
les moyens de fertilifer tes champs ! Tu arraches
lé gazon épais & tenace dont elle a recouvert la
pente des coteaux ; & lorfque les pluies ont enlevé
une terre que rien ne peut plus retenir, tu
ofes te plaindre de ce que le fol de ta patrie ne
t’ offre pins que des rochers arides & brulans. Ah !
plutôt mérite les faveurs de la nature en fécondant
fes efforts; porte l’arbre fur les hauteurs}
établis des forêts dans les fols arides ; fillonne parle
foc de la charrue le terrain argileux & gras j
laiffe paître tes moutons fur les revers des collines
, & permets à la vigne de croître fur fes coteaux
pierreux ; n’exige point de doubles récoltes
d’un fol fertile , fi tu ne veux en peu d’années
le frapper de ftérilité } .fois moins avide } apprends
à être modéré pour jouir plus long-tems.
T u exiges à coups de fouet un travail forcé du
cheval, compagnon de tes travaux; il t’obéit &
meurt.
ïl eft donc bien évident que les plantes, de telle
nature qu’elles foient, ne peuvent exifter fans eau.
Cette vérité eft & a été reconnue de tout tems.
Je ne m’y fuis arrêté que pour faire fentir davantage
des réfultats auxquels on n’a donné qu’une
trop légère attention. Avant d'abandonner cet élément
nous devons encore le fuivre dans les plante
s , & rechercher ce qu’il y devient.
.Nous avons vu plus haut une plante pefant trois
livres, abforber en très-peu d’Keures environ deux
livres d'eau. Il eft bien certain que cette eau ne
peut y refter long-tems dans fon état naturel, fi
toutefois elle l’ a confervé en y pénétrant , ni s’y
maintenir en même quantité, puifque peu de tems
après, fi cette plante ne reçoit pas de nouvelle eau,
elle fe fane, fe deffèche & périt. La raifon en eft
que l’eau abforbée par les plantes devient un des
principes de leur nutrition, & par conféquentde
leur accroiffement. Sous ce rapport, une fois reçue
dans leurs organes , elle y éprouve le même fort
que les alimens dans l’eftomac des animaux ; elle
s'y digère, s’unit, fe cômbine avec d’autres fubf- •
tances* & s’ affimile aux autres parties déjà exif-
tantes des végétaux. Quoiqu’ il foit difficile de dire
comment & par quels moyens , nous n’en avons
pas moins la preuve par les effets qui en réfultent,
puifque c’ eft par cette opération myftérieufe &
fublime que fe développent fucceflivement les différentes
parties des plantes, opération fur laquelle
la chimie moderne a commencé déjà à jeter quelque
jour.
II eft vrai qu’une certaine portion de l’eau abforbée
par les plantes s ’y-retrouve en nature ,
tantôt fans mélange, comme dans la jève , qui n eft
fouvent qu’ une eau ptefque pure & limpi ie ; tantôt
tenant en diflblution quelques autres fubftances ,
confine 1 efuc propre , qui v rie ielon la nature de
chaque végétal; enfin, nous retrouvons de l'eau
dans toutes les parties des plantes en plus ou moins
grande quantité : mais fi une portion d’eau refte
pure ou fert de diffolvant, une autre portion beaucoup
plus abondante fe décompofe réellement ,
ainfi que la fève & le fuc propre lui-même , & fe
convertit , à l'aide des forces vitales, en lafubf-
tance folide des végétaux , comme ceux - ci fe
changent en chair après avoir paffé dans l’eftomac
des animaux.
L’hydrogène eft un des principes de l ’eau. Nous
le retrouvons dans les huiles, combiné avec le carbone
: nous le retrouvons en état de gaz dans la
décompofition des plantes. L ’expérience nous a
encore démontré que les feuilles , frappées par le
fo le il, avoient une force route - puiffanre pour
s’emparer de l’hydrogène de l’eau , & qu’elles en
verfoient l'oxigène dans l’atmofphère. Enfin ,
quelque doute que l’on élève fur ces opérations ,
ii reftera toujours confiant , dentelle manière
qu’ elles s’opèrent, que l’eau entre réellement dans
les plantes comme aliment, 8e qu’elle ne peut remplir
cette fonction qu’en ceffant d’être de l'eau ,
ou , ce qui eft la même èhofe , en perdant fon état!
naturel par la combinai Ion.
Dira-t-on que l ’eau abforbée par les plantes
s’échappe en état de vapeurs par les fécrétions ?
Aucune des nombreufes expériences faites fur la
tranfpiration des plantes ne peut le faire foupçon-
ner. On fait qu’elles ne rendent de leurs différentes
parties, que des fluides él. ftiques , tels que de
î’oxigène, de l’âcide carbonique , de l’azote , 8c
même un peu d’hydrogène 3 félon les circonftancesr
d’où je conclus que l’eau abforbée par les plantes
eft autant de perdu pour le réfervoir commun ,
qu'elle n’y rentre plus, ou qu’elle n’y rentre qu’en
bien moindre quantité ; qu’elle ne doit pas être
aflfmilée à celle qui fe vaporife continuellement
dans l'atmofphère, d’ où elle fe précipiteen forme
de brouillards & de pluies, pour fe réunir de nouveau
à la maffe commune j qu’enfin l’eau abforbée
par les plantes n’y entre , en très-grande partie,
que pour y former, par un de fes principes-,, de
nouvelles com.binaifons, 8c fe convertir en la fubf-
tance même des végétaux.
Le but ainfi que les bornes de cet ouvrage
ne me permettent pas de développer avec une plus
grande étendue toutes les conféquences que me
préfente cette idée intéreffantè de l ’abforption ,
de la perte de-l’eau dans les végétaux; cependant
je ne peux m’empêcher d’en faire fentir les réfultats
les plus importans.
ne peux donner ici. Je reviens à mon objet, dont
on me reprochera peut-être dé m écarter trop
fouvent.
J'en conclurrai d’abord que la végétation, jointe
aux animaux, eft une des grandes caufes de la diminution
des eaux de la mer , que des milliers de
faits nous démontrent avoir été bien plus abondantes
autrefois qu’ elles ne le font aujourd’ hui 5
diminution qui ne s'eft opérée que lentement, 8c
pour laquelle la nature a employé des fiècles in-
calculables.
J'en conclurai encore qu’il faut renoncer à un
principe trop généralement adopté , 8c qui femble
avoir été une barrière placée pour arrêter nos pas
dans la recherche de la vérité, & dont on a fait
un axiome que chacun a répété 8c adopté fans trop
y réfléchir , que contredirent les faits que nous
avons continuellement fous les yeux. Il confilte à
dire que les corps , par leur décompofition , rendent
aux élémens tout ce qu'ils en ont reçu, j principe évidemment
faux, puifqu’ il faudroit pour cela qu’il
ne reftât d’un corps en décompofition aucun ré-
fidu , ou plutôt qu’ il ne fe formât de cette décompofition
aucune autre fubftance, mais que chaque
élément allât fe réunir en totalité à la maffe commune
à laquelle il appartient. O r , ce n'eft certainement
pas ce qui arrive quand une plante , en
ceffant d’être plante, nous fournit de la tourbe ,
de la houille , de la terre végétale, &c. A-t-elle
enlevé à notre globe ces différentes fubftances
toutes formées? Non certainement, 8c nous l’avons
prouvé plus haut : d’ ailleurs, c’ eft aujourd’ hui un
fait bien reconnu. Avec quoi donc cette plante
formera-t-elle de la houille, du terreau , finon
avec les principes qui ont fervi primitivement à fa
propre exiftence ? De même quand l’ animal forme
de la terre calcaire , foit de fon, vivant pour la
charpente offeufe de fon corps, ou dans quelques-
uns pour fe bâtir une demeure, foit après fa mort
en la dépofant à la furface du globe, cette fubftance
calcaire n’eft-elle point le réfultat de fes
alimens & de l ’aâion des forces vitales ?
Tous les faits ne nous démontrent-ils pas qu’il
n’exifte de terre végétale & calcaire qu’autant
qu’elle a paffé par la filière des végétaux & des
animaux ; qu’eux feuls peuvent nous la fournir, 8c
que les principes qui la compofent, doivent avoir
été préparés par les êtres organiques. De cette
fuite d’opérations il réfultera que les fluides élaf-
feiques, foit connus ou inconnus, ne formeront
jamais d’eux-mêmes aucunes fubftances minérales;
qu’ils doivent, pour en venir là , éprouver une
première combinaifon dans les organes des êtres
vivans, & que c’eft de la deftruétion de ceux-ci
que fe formeront ces maffes inertes de fubftances
brutes 8c inorganiques. Je le répète : ces idées,
dpnt quelques-unes ont déjà été préfentées par
dautres, exigeroient un développement que je
L ’ a i r nous offre, dans l’aéte de la végétation,
à peu près lès. mêmes phénomènes que l’eau nous
a présentés-. U fuffit, pour fe convaincre de fa
• néceffné, d'obferver l’etat des plantes lorfqu elles
! en font privées. Partout où il ne circule pas avec
.facilite, lés plantes languiffent & meurent; les
femences ne peuvent germer, ou fi elles y parviennent,
trop-faibles dès leur naiffance , elles
périffent en peu de tems. C ’ eft ainfi que nous
voyons dans nos forêps le fol dépouillé de verdure
. partout où les grands végétaux, preffés 8c nombreux,
s’oppofent à la libre circulation de l'air.
Dans nos moiffons, les plantes céréales qui s’élèvent
au deffus des autres, 8c pouffent avec rapidité,
étouffent toutes celles dont la germination
plus tardive n’a lieu que lorfque déjà ces intéref-
fantes graminées fe font élevées fur leurs chaumes
nombreux.
Je ne m’arrêterai pas davantage fur un fait dont
la certitude n’éprouve aujourd’hui aucun douter
mais ce fait établi, il nous refte à examiner de?
quelle manière l'air Je comporte d l'égard des plantes.
Il paroît qu’on peut appliquer à l’air, du moins
en partie, ce que nous avons dit de l ’eau, relativement
à fes ronétions dans l’aéte de la végétation.
Bien certainement nous retrouvons l’air en
nature dans la; décompofition des plantes, 8* cependant
une force particulière & qui nous eft inconnue
, l’y retient enchaîné. Dans cet état fon:
élafticité naturelle ne peut lui rendre fa liberté. I l
faut, pour le dégager, un agent très-puiffant,tel
que le feu. L’expérieace nous apprend qu’ alors,
acquérant par la dilatation une force fupérieure,
il brife fes entraves, & fort de fa prifon avec im-
pétuofité. Ses effluves nous deviennent fenfibles.
toutes les fois que nous foumettons à l’aétion du
feu les différentes parties des végétaux, furtout
les bois verts 8c les fruits. La même chofe a lieu,
mais lentement & fans efforts, à mefure que les
plantes fe décompofent. Il ne paroît pas que cette
portion de l’air ait fubi un état de décompofition
ou de combinaifon parfaite. Il abonde particufTé-
remertt dans les trachées ou vaiffeaux aériens, 8c
paroît circuler ou du moins faciliter la circulation
de la lève.
Mais il paroît certain, d’après les belles expériences
d’inghenoufe 8c de plufieurs autres, que
ce même fluide, compofé de deux principes, l’oxi-
gène & l’a zo te, eft auffi décompofe par les forces
vitales, & que les végétaux retiennent particuliérement
l’azote, lequel, combiné avec les autres
élémens de la végétation, corftirue l’état folide
des plantes. L’oxigène eft en partie rendu à l’atmofphère.
Rentré dans la maffe commune de l’air,