Quand les plantes fe décompofent , elles pro- \
duifenrde la terre végétale > voilà donc une refti-
tution faite au fol dans lequel elles font nées & qui
les a nourries , comme une mère nourrit fon enfant
du lait de fes mamelles.
Lorfqu'un terrain a fervi pendant un certain
nombre d'années à la végétation , il s'épuife s fe
deffèche j ce n'eft plus qu'une terre pulvérulente
fans principes fubftantiels , & où les plantes ne
croiflent qu’avec peine : ce fol ne doit donc fa fté-
rilité qu’aux plantes qui l'ont, épuifé.
Pour rétablir fa fécondité, on emploie des engrais.
Les meilleurs font ceux que fourniffent les
matières animales & végétales en putréfaction. Ces
engrais contiennent abondamment des fubftances
grades, huileufes, alcalefcentes j des particules ni-
treufes, falines, &c. Nous retrouvons dans les
plantes les mê nés principes, .des huiles , des al-
ca’is , de la potafie, du nitre, &c. Il n'eft donc
plus étonnant que les fumiers foient fi favorables
a la végétation, puifque les plantes y trouvent,
tout formé, les principes de leur conftitution.
Ces principes, atténués par l’eau , mis en activité
par la chaleur fécondante du foleil 3 par l ’air qui
en facilite la circulation dans les canaux de la fève,
fe convertiffenr en plantes au moyen des forces
vitales.
Il paroît difficile , au premier afpeét 3 de fe re-
fufer à l'évidence de ces obfervations : l’analyfe
chymique la plus rigoureufe n’infpireroit guère
plus decoufiance. Telle que le phoenix de la fable,
la plante va donc renaître de fa propre deftruétion :
c ’eft la terre végétale qui l’a nourrie j c’eft cetre
même terre qu’elle reftitue après fa mort, pour le
développement des nouvelles femences. Je m’arrête
avec d’autant plus d'intérêt fur les preuves
qui femb’oient devoir fixer à jamais les vrais principes
de la végétation , qu'elles nous prouveront
Boyle ayant fait fécher au four une certaine
quantité de terre, il la pefa, &: fema dedans de la
graine de courge. Quoique cette terre n'eût été
arrofée que d’eau de pluie ou de fource, elle pro-
duifit, dans fa première expérience, une plante
qui pefoit près de trois livres j & dans la fécondé,
elle en produifit une autre qui pefoit plus de quatorze
combien nous devons être réfervés lorfqu'il s'agit
d’élever un fyftème fur des obfervations que nous
regardons fouvent comme inattaquables , mais
qu'une découverte inattendue fait évanouir comme .
une brillante chimère, ainfi que nous allons le voir
pour la végétation.
L’attrait attaché aux charmes de la végétation
nous porte à orner les tablettes de nos cheminées
de narciffes, de jacinthes, de tubéreufes, & c . qui
croiflent parfaitement bien dans des caraffes pleines
d’eau. Voilà des plantes qui fourniffent, comme
toutes les autres, de la terre végétale, des huiles,
des Tels, & c . & cependant elles-n’ont végété que
dans l'eau;
Gette obfervation a fait naître des doutes fur
l’abforption de la terre végétale par les plantes,
& plufleurs phyficiens ont cherche, par des expé-
riencesrelatives, à s'aflurer de la vérité. Duhamel,
dans fon excellent Traité de la phyfiqne des arbres , 1
en citeun grand nombre. Voici les plus frappantes ; 3
livres j cependant, dans l’une & l’autre expérience
, la terre defféchée & pefée de nouveau,
n’avoit pas perdu fenfiblement de fon premier
poids.
Vanhelmont, après avoir pefc cent livres de
terre, y avoit planté un faule pefant cinquante
livres. 11 avoit arrofé cette terre avec de l'eau dif-
tillée ou de l'eau de pluie, & l’avoit couverte
d’un couvercle d’étaiu percé de plufleurs trous ,
pour empêcher qu'aucune terre ne pût s'y mêler.
Cinq ans après , ayant tiré cet arbre de la terre,
pour le pefer avec toutes fes feuilles, il fe trouva
peler cent foixante-nèuf livres trois onces, quoique
la terre n'eût perdu que deux onces de fon
premier poids.
Enfin , Bonnet & plufieurs autres ont répété des
expériences faites à Berlin fur la végétation. Elles
confiftoient à élever différentes plantes dans de la
moufle, fans la moindre portion de terre végétale.
Bonnet en a obtenu des pois , des haricots , de
l'orge, de l'avoine ,.qui fructifièrent très - bien j
des oeillets dont les fleurs étoient fort odorantes,
des renoncules, des anémones , des tubéreufes,
toutes plus vigoureufes qu’ en pleine terre : il a recueilli
d'excellens fruits fur aes aibres élevés de
la même manière, entr'autres du raifin blanc, des
prunes de reine-claude, &c. Ces fruits étoierit
aufli beaux & d'auflî bon goût que ceux des arbres
plantés dans la meilleure terre.
D’autres ont été plus loin : ils fe font fervis de
coton , de laine , d'éponges mouillées , de fable
bien la v é , de verre pilé. Ces expériences ont
toutes fort bien réufliî cependant aucun de ces
moyens n'a produit une auffi belle végétation que
la moufle. Lesdifférensfels quefonafaicdiffouare
dans les eaux d’arrofement, ainfi que celles avec
lefquelles on avoit leffivé des fumiers, n’ont produit
aucun avantage } elle$ font même quelquefois
devenues nuiubles lorfqu'apparemment elles
étoient trop chargées de particules falines.
D’après de fèmblables expériences il n’eft plus
poffible de douter que la terre végétale produite
par les plantes lie doive fa formation à toute autre
caufe qu’à celle à laquelle on l'a rapportée pendant
long - tems. 11 faut néceffairement reconnoître
qu'elle n’eft pas fournie par le fol oû croiflent les
plantes j elle ne peut donc être que le réfultat de
la combinai fon des élémens qui entrent dans la
végétation.
Une opinion qu'on s'obftinoit à'îejeter, & qui
feule
feule cependant pouvoit ramener dans le chemin
de la vérité , étoit celle appuyée fur l’idée que les
fluides les plus fubtils peuvent fe changer en corps
folides. Comment concevoir , en e ffet, que les
troncs durs & ligneux des arbres, que les terres,
les fels qui en réfultent, aient été formés uniquement
de fluides éthérés, à peine fenfibles à nos
organes? On admettoit bien l’eau, l’air, le feu
comme principes élémentaires des plantes & de la
plupart des autres corps de la nature > mais la
partie folide, terreufe devoit être néceffairement
produite par l ’élément terreux, qu’on n’avoit jamais
pu ni connoître ni définir, & qui n'eft qu'un
être de rai fon.
Puifqu'il eft prouvé que les plantes croiflent
très-bien fans le fecours de la terre végétale, il
faut donc néceffairement chercher ailleurs les principes
de leur accroiffement. Les nouvelles découvertes
de la chimie, les nombreufes expériences
faites fur la tranfpiration, fur la nutrition des végétaux,
ont enfin jeté quelque jour fur cette opération
myftérieufe.
Les plantes ont toutes leurs parties chargées
extérieurement de pores abforbans d’ une petiteffe
extrême $ ces pores ne font que l'extrémité de vaif-
feaux qui fe ramifient, & fe diftribuent dans le
corps du végétal, à peu près comme les veines
dans les animaux > mais dans ces derniers les vaif-
feaux abforbans rempliffent leurs principales fonc-
'tions à l’intérieur, parce qu’èn effet c’eft dans leur
intérieur que fe préparent, à l’aide de la digeftion,
les alimens qui doivent les nourrir. Il n’en eft pas
de même des plantes. Privées des organes internes
qui compofent l’eftomac dans les animaux, ces
pores intérieurs & abforbans qui lé tapiflènt, les
plantes les ont à l’extérieur. Il faut donc que leur
nourriture leur foit préfentéepcur ainfi dire toute
digérée, & qu’elle fe trouve, foit dans l’atmof-
phère qui les entoure, foit dans le fein de la terre,
où s'étendent leurs racines. Les fluides élaftiques
rempliffent parfaitement bien ce but, & les fubftances
que nous trouvons toutes formées dans les
plantes nous prouvent en outre qu'elles en font
réellement compofé^s. Nous ne pouvons donc plus
douter que ces fluides ne contribuent prefque feuls
à la formation des végétaux. L’expérience nous a
fait découvrir une partie de leurs fondions & leurs
combinaifons les plus effentielles, ainfi que nous
allons le voir en nous arrêtant à ceux qui nous ont
paru remplir dans la végétation les fondions lès
plus importantes.
L 'eau eft un des grands moyens que la nature a
employés pour le développement de la végétation.
Ce fluide ,t à la vérité, n'eft élaftique que Iqrfqu'il
eft réduit à l’état de vapeurs ; mais auffi eft-ce fous
cette forme qu'ij favorife davantage l’accroiffement
dts plantes > & quoique celles-ci végètent. avec I
force au milieu de l’eau en malle , il eft plus que pro- !
Botanique. Tome ffî.
bable qu’ en l’abforbant ils la divifent, la réduis
fen t, à mefure qu’elles s’en emparent , à l ’état de
vapeurs , & que nous ne les voyons jamais plu-
vigoureufes que Iorfqu’ elles font entourées d’ une
atmofphère humide. Une expérience met ce fait
en évidence pour ceux en qui il refteroit quelque
doute. Des'branches d’arbres, des plantes fanées,
placées dans un lieu humide ou entre des linges
mouillés qui les environnent fans les toucher,
reprennent en très-peu de tems toute leurvigueur;
effet qui ne peut avoir lieu que parce que l’eau
en vapeurs a pénétré dans les vaiffeaux de ces
plantes par les pores abforbans des jeunes tiges Sc
des feuilles.
Tout nous prouve que les plantes n’exiftent 8c
ne peuvent exifler que par l’eau, qu’elle en ell le
principal aliment. Quoique cette vérité foit a fiez
généralement reconnue , elle donne lieu à des
obfervations fi effentielles, que je.crois devoir
la préfenter avec quelques développemens particuliers.
Je ne m’arrêterai d'abord ni aux arbres de
nos forêts ni aux plantes des prairies, des vergers
& des parterres : perfonne n'ignore qu'elles pérjf-
fent ou languiffent dès que l’eau vient à leur manquer.
Nous verrons de plus que les plantes, même
les plus fèches en apparence, telles que celies qui
croiffent dans des terrains arides, fur les pierres,
les rochers , n'y exiftent qu’à l’aide de l’ humidité.
Ces pouflîères noires, ces filamens capillaires, ces
plaques minces & colorées, enfin ces byffes antiques
, n’attaquent nos marbres les plus polis qu’au-
tant que ceux-ci relient long-tems expofés à un air
humide, & que le foleil ne les frappe pas trop fortement
de fes rayons. Les parties les plus expofées
à l'ombre, les creux , lesfinuofités, font les premières
attaquées. Dans les climats chauds & fecs
ces marbres font à l'abri de cette dégradation.
Ces moififfures nombreufes, fi fouvent incommodes,
ne fe portent furies fubftances alimentaires
& autres que lorfque celles-ci font placées
dans des beux obfcurs & humides. Jamais les champignons
ne croiffent en plus grande quantité que
dans les tems pluvieux de l’automne , & la plupart
fur des corps en fermentation à deroi-putréfiés. Les
lichens & les moufles, pendant les jours brulans
de l'é té , font dans un état de féchereffe & d’inertie
: ils ne fe raniment que dans la fâifon des brouillards&
des.pluies. Celles de ces plantes que la
nature, a.deftinées à çpuvrir les rochers, ne fe rencontrent
que fur ceux.qui font le moins expofés à
la féchereffe & à la cjialeur, & tous les botaniftes
Cavent que les pays froids, pluvieux & humides
produifent le plus grand.nombre de plantes cryptogames.
.
Si nous quittons les rochers pour paffer dans les
plaipes ou fur les montagnes couvertes de gazon,
nous obferverons également que la végétation n’eft
nuile part.plus belle & plus riche que dans les ter-
E e e