condenfée par ie froid, reprend plus de volume & fe fixe
de même. Car la glace eft une fubftance folide, plus
légère que l’eau & qui confèrveroit fa folidité fi le froid
étoit toujours le même. Et je fuis porté à croire qu’on
viendroit à bout de fixer le mercure à un moindre degré
de froid en le Eiblimant en vapeurs dans un air très-froid.
Je friis de même très-porté à croire que l ’eau qui ne
doit là liquidité qu’à fa chaleur & qui la perd avec elle,
deviendroit une fubftance d’autant plus folide & d’autant
moins fufible, qu’elle éprouverait plus fort & plus longtemps
la rigueur du froid. On n’a pas fait affez d’expériences
fur ce fri jet important.
Mais fins nous arrêter à cette idée, c ’eft-à-dire, fins
admettre ni fins exclure la poiïïbilité de la converfion de
la glace en matière infufible ou terre fixe & folide , paflons
à des vues plus étendues fir les moyens que la Nature
emploie pour la transformation de l ’eau. Le plus puiflant
de tous & le plus évident eft le filtre animal ; le corps des
animaux à coquilles en fè nourriflànt des particules de l’eau
en travaille en même temps la fubftance au point de la
dénaturer; la coquille eft certainement une fubftance ter-
reftre, une vraie pierre, dont toutes les pierres que les
Chimiftes appellent calcaires & plufieurs autres matières,
tirent leur origine ; cette coquille paroît à la vérité faire
partie conftitutive de l’animal qu’elle couvre, puifqu’elle
fe perpétue par la génération, & qu’on la voit dans les
petits coquillages qui viennent de naître, comme dans
ceux qui ont pris tout leur accroifTement; mais ce n’en
eft
D E S M l N é r a u x , I L * Partie. i o 5
eft pas moins une fubftance terreftre, formée par la fe-
crétion ou l’exudation du corps d» l’animal ; on la voit
s’agrandir, s’épaiffir par anneaux & par couches à mefiire
qu’il prend de la croiflance; & fbuvent cette matière
pierreufè excède cinquante ou foixante fois la mafle ou
matière réelle du corps de l ’animal qui la produit. Q u ’on
fè repréfente pour un inftant le nombre des efpèces de
ces animaux à coquille, ou pour les tous comprendre,
de ces animaux à tranfùdation pierreufe, elles font peut-
être en plus grand nombre dans fa mer, que ne l’eft fur
la terre le nombre des efpèces d’infèéles; qu’on fè repré-
fènte enfitite leur prompt accroifTement, leur prodigieufè
multiplication, le peu de durée de leur vie, dont nous
Eippoferons néanmoins le terme moyen à dix ans (g ) ,
qu’enfùite on confidère qu’il faut multiplier par cinquante
ou foixante le nombre prefque immenfe de tous les individus
de ce genre, pour fe faire une idée de toute la matière
pierreufe produite en dix ans ; qu’enfin on confidère que
ce bloc déjà fi gros de matière pierreufè doit être augmenté
d’autant de pareils blocs qu’il y a de fois dix dans tous les
fiècles qui fe font écoulés depuis le commencement du
monde , & l’on fè fàmiliarifèra avec cette idée ou plutôt
(g ) La plus longue vie des
efcargots ou gros limaçons terref
très , s’étend jufqu’à quatorze ans ;
on peut préfumer que les gros
coquillages de mer vivent plus
long-temps, mais auffi les petits
Supplément. Tome I.
& les très-petits, tels que ceux
qui forment le corail , & tous
les madrépores, vivent beaucoup
moins de temps ; & c’eft par cette
raifon que j’ai pris le terme moyen
à dix ans.
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