qui exigent qu’on leur donne la raifon d’un effet général,
ne connoiffent ni l ’étendue de la Nature ni les limites
de l’elprit humain : demander pourquoi la matière eft
étendue,pelante, impénétrable, font moins des queltions
que des propos mal conçus, & auxquels on ne doit aucune
réponfe. Il en eft de même#de toute propriété particulière
lorfqu’elle eft effentielie à la chofo : demander,
par exemple, pourquoi le rouge eft rouge, lèroit une
interrogation puérile, à laquelle on ne doit pas répondre.
L e Philofophe eft tout près de l ’enfant lorfqu’il fait de
femblables demandes, Si autant on peut les pardonner à
la curiofité non réfléchie du dernier, autant le premier
doit les rejeter & les exclure de fes idées.
Puis donc que la force d’attraélion. & la force d’ex-
panfion font deux effets généraux, on ne doit pas nous
en demander les caufes ; il ftiffit qu’ils foient généraux &
tous deux réels, tous deux bien conftatés, pour que nous
devions les prendre eux-mêmes pour caufes des effets
particuliers; & l ’impulfion eft un de ces effets qu’on ne
doit pas regarder comme une caufe générale connue
ou démontrée par le rapport de nos fens, puifque nous
ayons prouvé que cette force d’impulfion ne peut exifter
ni agir, qu’au moyen de l ’attraélion qui ne tombe point
fous nos fons. Rien n’eft plus évident, dilènt certains
Philofophes, que la communication du mouvement par
l ’impulfion, il lùfftt qu’un corps en choque un autre pour
que cet effet ftiive ; mais dans ce fens même la caufe de
l ’attr^dion n ’eft-elle pas encore plus évidente & bien
plus générale, puifqu’il fufht d’abandonner un corps pour
qu’il tombe &. prenne du mouvement iàns choc ! le
mouvement appartient donc, dans tous les cas, encore
plus à l’attraélion qu’à l ’impulfion.
Cette première réduélion étant faite, il ferait peut-
être poflible d’en faire une féconde, & cle ramener la
puiffance même de l ’expanfion à celle de J’attraélion,
en forte que toutes les forces de la matière dépendroient
d ’une feule force primitive : du moins cette idée me pa-
roîtroit bien digne de la fublime fimplicité du plan fer
lequel opère la Nature. Or ne pouvons-nous pas concevoir
que cette attraélion fe changé en répulfion toutes
les fois que les corps s’approchent d’affez près pour
éprouver un frottement ou un choc des uns contre
les autres ! L ’impénétrabilité qu’on ne doit pas regarder
comme une force, mais comme une réfiftance effentielie
à la matière, ne permettant pas que deux corps puiffent
occuper le mêmeefpace, que doit-il arriver lorfque deux
molécules qui s’attirent d’autant plus puiffamment qu’elles
s’approchent de plus près, viennent tout-à-coup à fe
heurter î cette réfiftançe invincible de l’impénétrabilité ne
devient-elle pas alors une force aétive, ou plutôt réaélive,
qui, dans le contaél, repouffe les corps avec autant de
vîteffe qu’ils en avoient acquis au moment de fe toucher î
& dès-lors la force expanftve ne fera point une force particulière
oppofée à la force attraélive, mais un effet qui
en dérive , & qui fe manifefte toutes les fois que les corps
fe choquent où frottent les uns contre les autres.