5 3 2 I n t r o d u c t i o n à l’H i s to i r e
d’application fixe de l’oeil fur les couleurs ; ces images
colorées du Soleil que l’oeil ébloui & trop fortement
ébranlé porte par-tout, font des couleurs du même genre
que celles que nous venons de décrire, & l’explication
de leurs apparences dépend de la même théorie.
Je n’entreprendrai pas de donner ici les idées qui me
font venues fur ce fojet ; quelqu’affuré que je fois de
mes expériences, je ne fuis pas affez certain des confé-
quences qu’on en doit tirer, pour ofor rien hafàrder
encore for la théorie de ces couleurs, & je me contenterai
de rapporter d’autres obfervâtîùns qui confirment
les expériences précédentes, & q u i fe r v i r o n t fans doute
à éclairer cette matière.
En regardant fixement & fort longtemps un quarré
d’un rouge vif for un fond blanc , on voit d’abord naître
la petite couronne de vert tendre, dont j’ai parlé; enfoite
en continuant à regarder fixement le quarré rouge, on
voit le milieu du quarré fe décolorer, & les côtés fe
charger de couleur, & former comme un cadre d’un
rouge plus fort & beaucoup plus foncé que le milieu ;
enfoite en s’éloignant un peu & continuant à regarder
toujours fixement, on voit le cadre de rouge foncé fe
partager en deux dans les quatre côtés, & former une
croix d’un rouge auffi foncé; le quarré rouge paroît alors
comme une fenêtre traverfée dans fan milieu par une
groffe Croifée & quatre panneaux blancs, car le cadre de
cette efpèce de fenêtre eft d’un rouge auffi fort que la
croifée; continuant toujours à regarder avec opiniâtreté,
cette
D E S M IN É R A U X , Partie Expérimentale. 533
cette apparence change encore, & tout fo réduit à un
reétangle d’un rouge fi foncé, fi fort & fi vif, qu’il offufque
entièrement les yeux ; ce reétangle eft de la même hauteur
que fe quarré, mais il n’a pas la fixième partie de fa.
largeur : ce point eft le dernier degré de fatigue que l’oeil
peut fupporter; & lorfqu’enfin on détourne l’oeil de cet
objet, & qu’on le porte for un autre endroit du fond
blanc, on voit au lieu du quarré rouge réel, l’image du
reétangle rouge imaginaire, exaétement deffinée & d’une
couleur verte brillante ; cette impreffion fobfifte fort longtemps
, ne fe décolore que peu-à-peu, elle relie dans
l ’oeil même après l ’avoir fermé. C e que je viens de dire
du quarré rouge, arrive auffi lorfqu’on regarde très-
fong-temps un quarré jaune ou noir, ou de toute autre
couleur, on voit de même le cadre jaune ou noir, la
croix & le reétangle; & J’impreffion qui relie, eft un
reétangle bleu, fi on a regardé du jaune; un reétangle
blanc brillant, fi on a regardé un quarré noir, &c.
J ’ai fait faire les expériences que je viens de rapporter
à plufieurs perfonnes, elles ont vu comme moi les mêmes
couleurs & les mêmes apparences. Un de mes amis m’a
affuré à cette occafion, qu’ayant regardé un jour une
éclipfe de Soleil par un petit trou, il avoit porté pendant
plus de trois fontaines l ’image colorée de cet aftre fur
tous les objets; que quand il fixoit fos yeux for du jaune
brillant, comme for une bordure dorée, il voyoit une
tache pourpre, & for du bleu comme for un toit d’ar-
doifos, une tache verte. J’ai moi-même fouvent regardé
Supplément. Tome I. . X x x