L ’effet que les Chimiftes appellent défaillance, & même
celui des efflorefcences démontrent non - feulement qu’il
y a une très-grande quantité d’eau contenue dans l ’air,
mais encore que cette eau n’y efl attachée que par une
fimple affinité qui cède aifément à une affinité plus grande,
& qui même ceffe d’agir fins être combattue ou balancée
par aucune autre affinité, mais par la feule raréfiélion de
l ’air, puifqu’il fe dégage de l’eau dès qu’elle ceffie d’être
preffée par le poids de i’atmofphère, fous le récipient de
la machine pneumatique:
Dans l’ordre de la converfion des élémens, il me
fèmble que l’eau efl pour l’air ce que l’air efl pour le feu,
& que toutes les transformations de la Nature dépendent
de celles-ci. L ’air, comme aliment du feu, s’affimile avec
lui, & fe transforme en ce premier élément; l’eau raréfiée
par la chaleur fè transforme en une efpèce d’air capable
d’alimenter le feu comme l’air ordinaire ; ainfi le feu a un
double fonds de fùbfiftance affurée ; s’il confomme beaucoup
d’air, il peut auffi en produire beaucoup par la
raréfaction de l’eau, & réparer ainfi dans la maffe de
J’atmofphère toute la quantité qu’il en détruit, tandis
qu’ultérieurement il fè convertit lui-même avec l’air en
matière fixe dans les fùbflances terreflres qu’il pénètre
par fi chaleur ou par fi lumière.
Et de même que d’une part l ’eau fè convertit en air
ou en vapeurs auffi volatiles que l’air par fi raréfaétion,
elle fe convertit en une fùbflance folide par une efpèce
de condenfition différente des condenfitions ordinaires.
D E S M i n é R A U X , IL 1' Partie. 103
Tout fluide fe raréfie par la chaleur & fe condenfè par
le froid; l’eau fuit elle-même cette loi commune, & fè
condenfè à mefùre qu’elle refroidit ; qu’on en rempliffe
un tube de verre jufqu’aux trois quarts, on la verra def-
cendre à mefùre que le froid augmente, & fè condenfèr
comme font tous les autres fluides; mais quelque temps
avant l’inflant de la congélation on la verra remonter au-
deffus du point des trois quarts de la hauteur du tube,
& s’y renfler encore confidérablement en fe convertiffant
en glace. Mais fi le tube efl bien bouché & parfaitement
en repos, l’eau continuera de baiffer, & ne fe gèlera pas,
quoique le degré de froid foit de 6, 8 ou 10 degrés au-
deffous du terme de la glace, & 'l’eau ne gèlera que quand
on ouvrira le tube ou qu’on le remuera. Il femble donc
que la congélation nous préfente d’une manière inverfe
les mêmes phénomènes que l’inflammation. Quelque
intenfè, quelque grande que foit une chaleur renfermée
dans un vaiffeau bien clos, elle ne produira l’inflammation
que quand elle touchera quelque matière enflammée ; &
de même à quelque degré qu’un fluide foit refroidi, il
ne gèlera pas fins toucher quelque fùbflance déjà gelée;
& c ’efl ce qui arrive lorfqu’on remue ou débouche le
tube , les particules de l’eau qui font gelées dans l’air
extérieur ou dans l’air contenu dans le tube, viennent,
lorfqu’on le débouche ou le remue, frapper la fùrfice de
l ’eau & lui communiquent leur glace. Dans l’inflammation,
l’air d’abord très-raréfié par la. chaleur, perd fon volume
& fe fixe tout-à-coup ; dans la congélation l’eau d’abord