480 I n t r o d u c t io n à l’H i s t o ir e
lointaine & des vaiffeaux qui pourraient s’y trouver; cette
galerie n’eft qu’un puits horizontal qui feroit le même
effet pour la vue des vaiffeaux, que le puits vertical pour
la vue des étoiles, & cela me paraît fi fimple, que je
fuis étonné qu’on n’y ait pas fongé. Il me femble qu’en
prenant, pour faire l’obfèrvation, les heures du jour où
le Soleil feroit derrière la galerie, c ’efl-à-dire le temps où
les vaiffeaux feraient bien éclairés, on les verrait du fond
de cette galerie obfcure, dix fois au moins mieux qu’on ne
peut les voir en pleine lumière. O r , comme nous levons
dit, on diftingue aifément un homme ou un cheval à
une lieue de difîance lorfqu’îls font éclairés des rayons du
Soleil; & en fopprimant la lumière intermédiaire qui nous
environne & offufque nos yeux, nous le? verrions au
moins dix fois plus loin, c ’elt-à-dire, à dix lieues : donc
on verrait les vaiffeaux qui font beaucoup plus gros,
d’auffi loin que la courbure de la Terre le permettrait (n),
fans autre infiniment que nos yeux.
Mais un miroir concave d’un affez grand diamètre, &
(n) La courbure de la Terre
pour un degré ou î ; lieues de
2283 toifes, eft de 2988 pieds;
elle croît comme le quarré des
diftances , ainfi pour 5 lieues elle
elt vingt- cinq fois moindre, c’eft-
à-dire, d’environ 120 pieds. Un
vaiflêau qui a plus de 12 o pieds
de mâture, peut donc être vu de
cinq lieues étant même au niveau
de la mer ; mais li l’on s’élevoit
de 120 pieds au-deflus du niveau
de la mer, on verroit de cinq lieues
le corps entier du vaideau jufqu’à
la ligne de l’eau , & en s’élevant
encore davantage, on pourrait
apercevoir le haut des mats de
plus de tüx lieues,
d’un
DES M lN É R A l b c , Partie Expérimentale. 481
d’un foyer quelconque, placé au fond d’un long tuyau
noirci, feroit, pendant le jour, à peu-près le même effet
que nos grands objeétifs de même diamètre & de même
foyer feraient pendant la nuit, & c ’étoit probablement un
de ces miroirs concaves d’acier poli (eferro Jînico<) qu’on
avoit établi au port d’Alexandrie ( o ) , pour voir de loin
arriver les vaiffeaux Grecs. Au refie, fi ce miroir d’acier
ou de fer poli a réellement exiflé, comme il y a toute
apparence, on ne peut refufèr aux Anciens la gloire de
la première invention des télefcopes, car ce miroir de
métal poli ne pouvoit avoir d’effet qu’autant que la lumière
réfléchie par fà fùrface, étoit recueillie par un autre
miroir concave placé à fbn foyer, & c’efl en cela que
confifle l’eflence du télefcope & la facilité de fà conf-
truélion. Néanmoins cela n’ôte rien à la gloire du grand
Newton, qui, le premier, a reflùfcité cette invention
entièrement oubliée. Il paraît même que ce font fes belles
découvertes for la différente réfrangibilité des rayons de
la lumière qui l’ont conduit à celle du télefcope. Comme
les rayons de la lumière font par leur nature différemment
réfrangibles, il étoit fondé à croire qu’il n’y avoit nul
moyen de corriger cet effet; ou s’il a entrevu ces moyens,
il les a jugés fi difficiles, qu’il a mieux aimé tourner les
vues d’un autre côté, & produire par le moyen de la
(o) De temps immémorial les
Chinois & fur-tout les Japonois,
favent travailler & polir l’acier en
grand & en petit vplumç , & c’eft
Supplément. Terne J,
ce qui m’a fait penfêr qu’on doit
interpréter e ferro fmico par acier
poli.
, P p p