ce trait de lumière ne fe réfléchit pas tout entier fous le
même angle, il s’en difperfe une partie qui produit des
couleurs dont les phénomènes, auffi-bien que ceux des
plaques minces, n’ont pas encore été affez obfèrvés.
Toutes les couleurs dont je viens de parler font naturelles
& dépendent uniquement des propriétés de la
lumière ; mais il en efl d’autres qui me paroiflent accidentelles
& qui dépendent autant de notre organe que de
l’aétion de la lumière. Lorfque l’oeil efl frappé ou preffé,
oh voit des couleurs dans l’obfourité, lorfque cet organe
efl mal difpofé ou fatigué, on voit encore des couleurs ;
c ’eft ce genre de couleurs q u e j’ai c ru devoir appeler
couleurs accidentelles, pour les diftinguer des couleurs
naturelles, & parce qu’en effet elles ne paroiflent jamais
que lorfque l’organe efl: forcé ou qu’il a été trop fortement
ébranlé.
Perfonne n’a fait avant le D .r Jurin (b J la moindre
obfervation for ce genre de couleurs, cependant elles
tiennent aiix couleurs naturelles par plufieurs rapports,
& j ’ai découvert une foite de phénomènes finguiiers for
cette matière, que je vais rapporter le plus foccinélement
qu’il me fera poffibie.
Lorfqu’on regarde fixement & long-temps une tache
ou une figure rouge for un fond blanc, comme un petit
quarré de papier rouge fur un papier blanc, on voit naître
(b) Eflai, Upon diflinft and indijiinâ vifion, pag. 1 1 J , des notes iur
i’ Optique de Smith, tomeII, imprimé à Cambridge en 1738.
d e s M i n é r a u x , Partie Expérimentale. 529
autour du petit quarré rouge une efpèce de couronne
d’un vert foible ; en ceffant de regarder le quarré rouge
fi on porte l’oeil for le papier blanc , on voit très-diftinc-
tement un quarré d’un vert tendre, tirant un peu for le
bleu; cette apparence fobfifte plus ou moins long-temps,
félon que l’impreffron de la couleur rouge a été plus ou
moins forte. La grandeur du quarré vert imaginaire, efl
la même que celle du quarré réel rouge, & ce vert ne
s’évanouit qu’après que l’oeil s’eft raffuré & s’eft porté
fucceflivement fur plufieurs autres objets dont les images
détruifent l’impreflion trop forte caufée par le rouge.
En r e g a rd a n t fixement & long-temps une tache jaune
fur un fond blanc, on voit naître autour de la tache une
couronne d’un bleu-pâle, & en ceffant de regarder la
tache jaune & portant fon oeil for un autre endroit du
fond blanc, on voit diftinélement une tache bleue de la
même figure & de la même grandeur que la tache jaune,
& cette apparence dure au moins aulfi long-temps que
l ’apparence du vert produit par le rouge. Il m’a même
paru, après avoir frit moi-même, & après avoir frit répéter
cette expérience à d’autres dont les yeux étoient meilleurs
& plus forts que les miens, que cette impreffion du jaune
étoit plus forte que celle du rouge, & que la couleur
bleue qu’elle produit s’effrçoit plus difficilement & fob-
fiftoit plus long-temps que la couleur verte produite par
le rouge ; ce qui fèmble prouver ce qu’a foupçonné
Newton, que le jaune efl de toutes les couleurs celle
qui fatigue le plus nos yeux.