54-0 I n t r o d u c t i o n à l’H i s t o i r e
donner à la couleur noire de l’ombre une nuance aufli
forte de bleu; fi cela étoit, on verroit à midi & dans
tous les autres temps du jour, les ombres bleues comme
on les voit au lever & au coucher du Soleil. Ainfi cette
apparence ne dépend pas uniquement, ni même prefque
point du tout de l’épaiffeur de l’air entre l’objet & l’ombre.
Mais il faut confidérer qu’au lever & au coucher du Soleil,
la lumière de cet aftre étant affoiblie à la furface de la
T e r re , autant qu’elle peut l’être par la plus grande obliquité
de cet aftre, les ombres font moins denfes, c ’eft-
à-dire, m o in s n o i r e s dans la même proportion, & qu’en
même temps la Terre n’étant plus éclairée que par cette
foible lumière du Soleil qui ne fait qu’en rafer la fuperftcie,
la maffe de l’air qui eft plus élevée, & qui par conféquent
reçoit encore la lumière du Soleil bien moins obliquement,
nous renvoie cette lumière, & nous éclairé alors autant
& peut-être plus que le Soleil. Or cet air pur & bleu ne
peut nous éclairer qu’en nous renvoyant une grande quantité
de rayons de fa même couleur bleue, & lorfque ces
rayons bleus que l’air réfléchit, tomberont fur des objets
privés de toute autre couleur comme les ombres, ils les
teindront d’une plus ou moins forte nuance de bleu,
félon qu’il y aura moins de lumière direéte du Soleil,
& plus de lumière réfléchie de l’atmofphère. Je pourrois
ajouter plufieurs autres chofes qui viendraient à l’appui
de cette explication, mais je penfè que ce que je viens
de dire, eft fùffîfant pour que les bons efprits_ l’entendent
& en foient fatisfaits.
Je crois
D E S M i n é r a u x , Partie Expérimentale. 54.1
Je crois devoir citer ici quelques faits obfervés par
M. l’Abbé Miilot, ancien grand Vicaire de Lyon, qui a
eu la bonté de me les communiquer par fes lettres des 18
août 1754 & 10 février 1755, dont voici l’extrait. « C e
n’eft pas feulement au lever & au coucher du Soleil, que «
les ombres fe colorent. A midi, le ciel éjant couvert de «
nuages, excepté en quelques endroits, vis-à-vis d’une de «
ces ouvertures que laifloient entr’eux les nuages, j’ai fait «
tomber des ombres d’un fort beau bleu fur du papier blanc, «
à quelques pas d’une fenêtre. Les nuages s’étant joints, le «
bleu difparut. J ’ajouterai en paflant, q u e p lu s d’une fois «
j ’ai vu l’azur du ciel fe peindre, comme dans un miroir, «
fur une muraille où la lumière tomboit obliquement. Mais «
voici d’autres obfervations plus importantes à mon avis; «
avant que d’en faire le détail, je fuis obligé de tracer la «
topographie de ma chambre : elle eft à un troifième étage; «
la fenêtre près d’un angle au couchant, la porte prefque «
vis-à-vis. Cette porte donne dans une galerie, au bout «
de laquelle, à deux pas de diftance, eft une fenêtre fituée «
au midi. Les jours des deux fenêtres fe réunifient, la «
porte étant ouverte contre une des murailles; & c ’eft-là que «
j ’ai vu des ombres colorées prefque à toute heure, mais «
principalement fur les dix heures du matin. Les rayons du «
Soleil que la fenêtre de la galerie reçoit encore oblique- «
ment, ne tombent point par celle de la chambre , fur la *
muraille dont je viens de parler. Jeplace à quelques pouces «
de cette muraille des chaifès de bois à dofiier percé. Les «
ombres en font alors de couleurs quelquefois très-vives. «
Supplément. Tome I. . Y y y