N a n atm Cædis Ducis Aurelianenfes,
„ Beau Cou fi il, qu’avons nous à faire fur ce que
„ voyez ? Et L e Comte luÿ répondit : ,, Mon-
,, feigneur, vous avez à vous retraire en votre
,, Holtel, puifqu’ il ne plaid à nos Seigneurs que
„ foyez au Confeil avec eux. „ Et le dit Duc
luy dit, en telle maniéré : „ Beau Coulin retournez
avec Nous , pour Nous accompagne."
nicre qui s’enfuit : ,, Monfeigneur , pardonnes
„ moy, j’iray vers nos Seigneurs au Confeil, qui
,, m’ont mandé. ,, E t après ces paroles, le dit
Duc de Bourgongne, en grande doutance, s’en retourna
enfon Hoitel d’Artois,afin qu il ne fut ne
arrefté, ny pris : fans delay, monta à cheval, fix
de fes hommes étant feulement en la compagnie,
8c par la porte de Saint Denys le partit, 8c très
haltivement chevaucha, en prenant aucuns chevaux
nouveaux, fans s’arrêter à nulle place, jufque
à fon Chatel de Bapaulme : 6c quand il y eut un
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fait de l’homicide du Duc d’Orléans > au fortir de
Paris, s’en alla à filles en Flandres, où il fit aflèm-
bler tous les Nobles 6c Clercs de fon Confeil,
pour avoir avis fur le fait de la mort du Duc.
De-là, il alla à Gand,où il manda tous les trois Efi-
tats de Flandres, 6c leur fit remontrer par Maiftre
Jean de Sanefon, comme, 6c pôurquoy il avoit
E t le Comte Valleran luy fit reponfe en la ma-A fait tuer le D u c , & leur demanda affiftance, qui
luy fut promife par eux , comme aufly par ceux
de Doiiay, 6c d’Artois.
En fuitte de là il le trouva à la conférence d’Amiens
, avec Louis Roy de Sicile, 6c le Duc de
Berry, pour y traitter quelque accommodement :
6c là affilié de Maiftre Jean P e t it , 6c deux autres
Doéteurs en Théologie , foutint que choie
licite étoit ce qu’il avoit tait au Duc d’Orléans ,
6c que s’il ne’ l’eut fa it , très grandement il eut
péché , 6c en devoit être rémunéré j 6c fut ain-
îÿ la Conférence finie 6c rompue fans fruit ; feulement
il luy fut fait deffenfes de par le Roy, de
venir à Paris , s’il n’y étoit mandé par la Ma-
jefté.
Cette affaire fitdiverfesimprefiionsdans fefprit
des François, félon la diverfitédes affeétions que
chacun avoit, ou à la Maifon d’Orléans, ou à la
les Parifiéns favorifans
fort le Bourguignon, par la haine qu’ils fembloient
porter au Duc d’Orléans, à càufe de la creance
qu’on avoit de luy, qu’il etoit caufe des tailles 6c
fubfides que l’on impofoit fur le peuple. •
Quoy qu’il en foit, le Duc de Bourgongne,
nonobftant les deffences qui luy avoient été faites,
vint à Paris, bien accompagné j à l’entree de la
quelle fut demené grande joyc par les Parifiéns ,
6c mémement,les petits enfans, en plufieurs carrefours,
à haute voix crioient, No'elt 6c alla loger à
l’Hoftel d’Artois.
Depuis ayant demandé audiance au R o y , pour
etre ouy en fes faits juftificatifs , jour luy fut at-
figné, au huitième de Mars de la meme Année
1407. au quel jour, en l’Hoftel de St. Paul, pre-
fent en état Royal le Duc de Guienne, Dauphin
de Viennois, Fils aifné du R o y 3 le R o y de Sipetit
dormy ,s’en alla, fans delay,a f ille en l ' landres,
6c fes gens qu’il avoit laiflfé au dit lieu de Paris, au
pluftot qu’ils purent, ayant très grande honte
V erre arreftés 6c pris, le lùivirent, 6c pareillement^
Rollet d’Autonville 6c fes complices, leurs vefte-
mens changés , 6c deguiles, le partirent de Paris,
par divers lieux, 5c tous enl'emble, s’en allèrent B“Maifon^de Bourgongne
loger dans le Chatel de Lens en Artois, par 1 ordonnance
de Jean Duc de Bourgongne leur Seigneur
6c Maiftre. Ainfy , 6c par telle maniéré fe
départit iceluy Duc, apres la mort du dit Duc d’Or-
leans, de la ville de Paris, en petite compagnie : 6c
laiffa en icelle ville la Seigneurie de France en
o-rande trifteflé 6c deplailance. Toutefois ceux
de l’Hoftel du dit Duc d’Orléans mort, quand ils
oiiirent le departement fecret du dit Duc de Bourgongne
, s’armèrent jufques au nombre de fix vingt
hommes d’armes, defquels etoit l’un des principaux,
Meffire Clugnet de Brabant, 6c eux montés
à cheval iflirent de Paris, pour fuivir le dit Duc
de Bourgongne, à intention de le mettre à mort
s’ils l’euffentpû atteindre : mais à ce faire leur fut
par le R o y deffendu, 6c pour icelle caufe,s’enretournerent
grandement courroucez en leurs Hof- , . , p - I
tels Si fut alors par toute Ja ville dénoncé, 6c Ce l l e , le Cardinal de Ba r3 les Ducs de B erry, de
tout commun, que le dit Duc de Bourgongne a- Bretagne,_6c_de Loraine, avec quantité d yNovoit
fait faire le dit homicide. Et adonc le peuple
de la ville de Paris , qui n’etoit pas bien content
du dit Duc d’Orléans, pource qu’ ils entera
doient que par fon moyen les tailles , 6c tous les
a u t r e s fubfides s’entretenoient, commencèrent à
dire l’un à l’autre, en fecret: le Bafron TSJamilleux
ejl plané. Cette douloureufe mort fut f Année du
grand hyver, fan 1407. 6c dura la gelée foixante
6c fix jours en un tenant très terrible , 6c tant
qu’ au defgeler, le Neuf-pont de Paris fut abbattu
en Seine , 6c moult firent icelles eaiies 6c gelées
de grands dommages, en plufieurs 6c diverfes
contrées.
Narré particulier de ce qui fe pajja, Qp
fut dit au Confeil ,par leDoBeur Jean
Petit ; lorfquil y fut ouy t'eceu à dire
, é f p rop°fer Wt W B m t tm f l Duc
de Bourgongne, fur le Jujet de la mort
du Duc d’Orléans.
E x t r a i t du premier vo lume des C h ro n iq
u e d ’Enguerrant de M o n ft re le t ,
C h a p . x x x i x .
8 T E Duc de Bourgongne ayant jugé à propos de
\-t fe Retirer de France, après l’adveu qu’il avoit
bleffe, le Reéleurde l ’Univerfité, 6c nombre de
Doéleurs, 6c Bourgeois.
Jean Petit, pour luy, dit 6c remontra les obligations
, que le Bourguignon avoit au R o y , de proche
parent, devaflal, de fujet, qu’il etoit Baron,
Comte, D u c , Pair 6c Doyen des Pairs, 6c allié
par deux Mariages 'avec fa Majefté 3 6c que pour
c e , il etoit obligé de l’aimer, fervir, obéir, éc le
deffendre de fes ennemis 3 qu’il en avoit receu le
commandement de fon Pere, avec fa benediélion,
lors de fon deceds , 6c qu’auflÿ feroit bien fâché
de defobéir, 6c déplaire en quoy que ce fut à 1-à
Majefté, 6c que ce qu’il avoit entrepris contre le
Frere du R o y , ç ’avoit été pour le très-grand bien
de la Perfonne du R o y 6c de fes enfans, 6c de tout
D ie Royaume.
Puis, avec une multiplicité de langage, dit que
con voitifo 6c avarice etoit la racine de tous les maux.
Les crimes de leze M ajefté, divine 6c humaine, e-
toient les plus grands 3 que le crime de leze Majefté
divine etoit double, 6c party en premier , 6c
fécond chef: que le premier chef et o it , lorfque
l’on fait injure à Dieu, comme fondes heretiques
8r idolâtres 3 que le fécond chef e ft , lorfque l’on
fait injure à l’Eglife fon Epoufe, comme font les
fehifmatiques.
Item, que le crime de leze Majefté humaine
etoit aufly party 6c divifé en quatre chefs.
Que le premier chef e to it , quand le crime
- eft
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eft direélement
R o y .
& eorum quoe ïnfecuta funt. 1 o
fait contre la perfonne du par un Comte que par un Baron , 6c par un Baron
que par un fimple Chevallier, 6c par un Ample
Chevallier que par un fimplc homme.
La Cinquième Vérité.
"W N cas d’Alliances, fermens, promefles 8c de
- Confédérations faites de Chevallier à autre, en
L e fécond, quand il eft direélement fait contre
la perfonne de la Reyne.
Letroifiéme, quand il eft direélement fait contre
la perfonne de fes enfans.
Lelquatriéme,quand il eft direétemens fait contre
le bien de la cholè publique. - ___„_____ „„ _________
Que ces crimes etoient fi horribles 6c fi abo- A quelque maniéré que ce foit, ou puiflê eftrv., «
minables, qu’ils ne periffoient point par la mort, advient que icelles tenir, 8c garder, tourne au pre-
comme les autres, 6c qu’un homme pouvoit eftre judice de fon Prince, 6c de fes enfans , ou de la
accufé 6c jugé après fon deceds 3 6c s il etoit con- chofe publique , n’eft tenu nul de les garder 3
Vaincu, il devoit eftre defenterre , 6c fes os mis ains les tenir 6c garder, en tel cas, féroit fait contre
dans un facq, apportés à la Jullicc, 6cars en unfeu. les Lo ix moralle, naturelle 6c divine.
E t outre c e , en fait de crime de leze- Majefte
humaine , que tous les biens meubles 8c immeu- S ix ièm e V é r ité .
blés du coupable dévoient eftre confifqués , 8c
acquis au Prince, H enfens déclarés inhabiles y cas deflI]s djt des M AlliaDCes ad.
a toute fucceffion , & que la convoitife etoit caufe 1p, Hi, r„0 M § j | £g l M |
de tous ces maux. Ce qu’il prouva pour le regai a vient que les dittes Alliances, ou Confederations
tournent au prejudice de l’un des promet-
tans, ou concedans3 de fon epoufe, ou de fes enfans,
il n’eft tenu en rien de les garder.
La Septième Vérité.
du crime de leze-Majefté divine, par les exemples
de Julien l’Apollat 3 du Moine Sergius compagnon
de Mahomet3 6c du Prince Zambri, de la T r ibu
de Simeon 3 qui tous par convoitife, avoient ou
apoftafié, ou idolâtré. ^ B
E t pour le regard du crime de leze-Majefté . „ . . . ,
humaine, il vérifia par le fàit de Lucifer, 6c parles T L eft licite a un chacun fujet, honnorable, 6c
exemples d’Abfalon, 6c d’Athalia Reyne de Jeru- meritable, occire le tyran, trahiftre deflus nqmfàlem,
dont celuy la fit party contre fon Pere , 6c
cette cy fit mourir les enfans, pour tenir feule l’E tat
6c jouir de leur Domaine.
EnTuitte, pour entrer en juftificationdu Duc de
Bourgogne, il fit huit Propofitions véritables, ou
pour mieux dire, il propofa huit vérités.
La Première Vérité.
r v U e tout fujet 6c vaffal, qui par convoitife, ba-
v ^ j - a t , fortilege 6c malengin, machine contre le'
fàlut corporel de fon R o y , 6c Souverain Seigneur,
pour luy tollir , 6c diftraire fa très noble Seigneurie
, il peche fi griefvement, 6c commet fi
horrible crime, comme crime de leze-Majefté R o-
ÿalle au premier degré , 6c par confèquent il eft
digne de double mort, première, 6c. fécondé.
La Seconde Vérité.
JAçoit que au cas deflus d it , foit tout fujet 6c
vaflàl digne dédoublé mort, 6cqu’il commette
fi horrible mal qu’on ne le pourroit trop punir }
toutefois eft plus à punir un Chevalier qu’un Ample
fujet, en ce cas 3 un Baron qu’un fimple Chevallier
3 un Comte qu’un Baron 3 6c un Duc
qu’un Comte 3 le Coufin du R o y qu’ün etranger
3 le Frere du R o y qu'un Coufin 3 6c le Fils
du Roy que le Frere.
La Lroifïéme Vérité.
AU cas deflus dit en la première vérité , il eft
licite à chacun fujet, fans quelque Mandement,
félon les Loix moralle , naturelle 6c divine, d’occire
, ou faire occire iceluy trahiftre defloyal, 6c
tyran 3 6c non pas feulement licite , mais honnorable,
8c méritoire , mémement quand il eft de
fi grande puiflànce, que juftice n’en peut bonnement
eftre faite par le Souverain.
La Quatrième Vérité.
IL eft plus meritoir, honnorable, 8c licite, qu’i-
celùy tyran foit occis parundesparensduRoy,
que pâr un effranger, qui ne feroit point du fàng
R o y a l, 8c par un Duc que par un Comte , 6c
mè, 6c desloyal à fon R o y , 6c Souverain Seigneur,
par aguet, cautelle 6c epiémentj 6c fi eft
licite de taire , 8c diflimuler la fienne volonté
d’ainfy faire.
La Huitième Vérité.
aU e tout fujet, ou vaflal, qui penféementmachinent
contre la fanté de leur R o y , 6c Souverain
Seigneur, de le faire mourir en langueur, par
convoitife d’avoir fà Couronne 6c Seigneurie, fait
confàcrer , ou (à plus proprement parler) fait
exercer efpées, dagues, badelaires, ou coufte-
C a u x , verges d’o r , ou anneaux, ôededier au nom
des diables, par necromance, faifant invocation de
charaéleres, forcelleries, charmes , fuperftitions,
6c maléfices, 6c après les bouter, 8c ficher parmy
le corps d’un homme mort, 6c dépendu du gibet j
6c après les laifl'er en la bouche du dit mort, par
l’efpace de plufieurs jours, eft grande abomination
6c horreur, pour parfaire les dits maléfices , 6c
avec ce porter fur foy un drapel coufù, ou lié de
poil deshonnefte, 8c plain de la poudre d’aucuns
des os d’iceluy mort dépendu 3 celuy, ou ceux qui
le font, ne commettent point feulement crime de
leze Majefté humaine au premier degré , mais
font trahiftres à Dieu leur Créateur , 6c à leur
R o y 3 6c comme idolâtres corrompus ', 6c fauflài-
^•es de la Foy Catholique, font dignes de double
mort, c’eft à-dire, première6c féconde, mémement
quand les dittes forcelleries , ou fuperftitions.,
ou maléfices fortifient leurs effets en la perfonne
du Roy, par le moyen, 6c malle foy des dits
machinans.
D Apres quoy, le même Jean Petit propofa encore
neuf corollaires, de même nature 6c matière, que
les huit vérités.
Enfin, defeendant au fait particulier du Duc
d’Orléans, il dit qu’il avoit elle tant embrafé de
convoitife, 6c d’honneurs vains, 6c richeflés mondaines
, c’eft à fçavoir d’obtenir pour foy , 6c fa
génération, 6cde tollir, 8cfouftraire pour foy, la
très noble, 6c très haute Seigneurie de la Couronne
de France du Roy noftre Sire 3 qu’il avoit machiné,
6c eftudié par convoitife, b a ra t, fortileg
e , 6c malengin, à détruire la perfonne du Roy
A y noftre