« dérangées, et par la vente de ses livres aux foires de Francfort, soit enfin par les suites du
« massacre de la Saint-Bárthélemi, arrivé l’année même de la publication du Thésaurus (e t l ’on
« sait que Henri Estienne était de la religion réformée), il ne s’en livra pas moins à d immenses
« travaux ; et comme son Thésaurus groecoe linguoe, ce principal titre de. sa. gloire littéraire, devait
« le préoccuper surtout, il n’est pas étonnant que, songeant peut-être à une autre édition de son
« vivant même, ou qui serait faite après sa mort, il se soit occupé de perfectionner son prodigieux
« ouvrage. Mais notre admiration redouble encore en voyant qu’au milieu de tant de travaux dont
« nous n’avons plus d’idée, il ait pu trouver le temps nécessaire pour se livrer à cette nouvelle
« occupation. Peut-être que Henri Estienne peu de temps avant sa mort fit remettre ce précieux
« exemplaire, que possède la Bibliothèque Impériale de Vienne, à quelque ami généreux, comme
« un témoignage de sa reconnaissance pour les bienfaits qu’il en aurait reçus; et, en effet, ce fut
« surtout en ce pays (1 ) qu’il trouva protection, estime et secours, principalement auprès de la
« puissante famille des Fugger d’Augsbourg.
■ « On sait qu’en témoignage des bienfaits qu’il en avait reçus, particulièrement dHuldrich
« Fugger, plusieurs de ses ouvrages portent ces mots : « Henricus Stephanus Fuggeri typogra-
« p h u s . !» Il avoue, dit Maittaire, page 382, qu’il serait un ingrat s’il ne témoignait pas sa recon-
« naissance aux Allemands, puisqu’il eut tant à se lquer de leur bienveillance et de la générosité
« de beaucoup d’entre eux. Il se plaît même à en citer un fait qu’il croit sans pareil. Leur
« générosité à son égard, dit-il, fut transmise comme un héritage de famille (2). »
Il eût été inutile de reproduire ici la longue dissertation ou j ai constate la realité
de deux éditions du Thésaurus groecoe linguoe, toutes deux portant la marque
des Estienne avec la devise Noli altum sapere, mais avec cette différence,
que sur le titre de celle qui est datée de MDLXXII, on lit les mots : Excudebat
Henricus Stephanus, et sur l’autre, sans date, ces mots seulement: H EN R .
S T E P H A N I O L I V A (3). Je me bornerai donc à dire que le résultat d’une
minutieuse confrontation des deux textes, sur sept exemplaires, m a prouve que
la réimpression s’est faite successivement par parties et à fur et mesure que
quelques-unes d’entre elles venaient à manquer. Il en est resuite que dans beaucoup
d’exemplaires des feuilles de la première édition et de la seconde reimpression
se trouvent mélangées, circonstance qui? en rendant cette confrontation
« ( i) Après la publication de son Thésaurus linguoe groecoe, Henri Estienne se rendit souvent aux
« foires de Francfort, célèbres dès cette époque pour la vente des livres, afin d’y chercher le débit
« de cet important ouvrage. On voit par les lettres de Henri Estienne à Laurent Rhodoman, qu il s y
« trouvait en 1092, 94, 96. 11 y était aussi en 16 9 1 . »
« (2) Les héritiers de Thomas Redinger, qui connaissaient à peine le nom d’Henri Estienne, ayant
« su que leur parent lui avait fait des dons et qu’il avait l ’intention de les lui continuer, lui en-
« voyèrent de Breslau un magnifique présent tanquam Redinger 1 manibusgratificantes, dit Mait-
« taire, p. 382.
« Les lettres inédites de Henri Estienne, adressées à Crato de Craftheim, récemment publiées
« sur les autographes par M. Passow (Breslau, i8 3 o ), contiennent des renseignements à ce sujet,
« lettre IX , mais on voit par la même lettre et par les suivantes que malheureusement la bienveil-
« lance des Fugger se démentit sur la fin, aussi dit-il à Crato de Craftheim : Utinam vero mihi
« Moecenatem aliquem ( q ui me a d proeclarorum operum editionem adjuvaret ) nancisci posses.
•if, La publication de ces lettres, qui nous donnent plusieurs détails inconnus de la vie de ce grand
« homme, augmente encore l ’intérêt que l’on doit porter.à son sprt infortuné. »■ '
(3) C’est à Genève que cette réimpression fut faite. Les caractères sont identiquement les mêmes
que ceux que Robert Estienne apporta dans cette ville en i 552, lorsqu’il dut y chercher un asile
contre les persécutions de la Sorbonne, dont la mort de François Ier, son protecteur, ne pouvait
plus le défendre.
très-pénible, m’avait forcé de multiplier les exemples. Cette réimpression
successive pour compléter des exemplaires explique pourquoi, soit du
vivant de Henri Estienne, soit après sa mort, on n’a pas inséré à leur place
le grand nombre de mots qu’il avait omis dans le cours de sa première édition,
et qu’il avait rejetés soit à la fin des deux premiers volumes, soit dans
l’Index final.
Il ne me reste plus qu’à prier tous ceux qui, depuis qu’ils se servent de
notre édition du Thésaurus groecoe linguoe, ont pu y remarquer quelques lacunes,
de vouloir bien nous communiquer ce qui pourrait servir à enrichir le
Complément que nous préparons. — « Il est, en effet, dans la nature d’un travail
« de ce genre, que plusieurs articlès soient destinés à recevoir des suppléments,
« qui devront paraître postérieurement. »H-Voilà ce que disait, il y a trente
ans, M. Passow en rendant compte de nos premières livraisons. Les soins
apportes par MM. Dindorf frères ont rendu ces additions de moins en moins
nécessaires ; mais tout ce que le temps a déjà dévoilé et dévoilera dans l’avenir,
doit, en se réunissant dans ce vaste Répertoire, l’empêcher de jamais vieillir.
A cette source perpétuelle chacun pourra donc toujours puiser et tous les Lexiques
se compléter. Quiconque voudra bien nous venir en aide est assuré de notre
reconnaissance, et, comme nous l’avons déjà fait, tout en indiquant par l’initiale
du nom de chacun les notes communiquées, ce sera pour nous un plaisir
et un devoir de signaler les noms de ceux qui nous auront secondés dans
la tâche qu’il nous reste à remplir.
Ambroise F irmin Didot.
16 mars 1865.