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haut & contournée de derrière en-devant, en
forte que la nature a pris tous les moyens pour
que des corps d’un certain volume ne puiflent
arriver dans des.inteflins très-fins, très-étroits,
& très-entortillés, dans iefquels ils auroient fuf-
pendu la marche des alimens & donné lieu à.,
des coliques'mortelles. 35
. et Tous les corps étrangers que l’animal peur’
avaler, font de deux fortes: les uns font diffo-
lubles & les autres indiffolubles-, les premiers
parvenus dans la panfe, étant diffous par la-chaleur
& l’humidité du vifeère , y féjournent très-
peu , à moins qu’ils ne foient d’une nature très
eprrofive| alors ils attaquent les parois, ils les
irritent, les corrodent & les brûlent; l ’animal
réfifle peu à leur aélion , & leurs effets deflruc-
teurs, fur la partie qui en a éprouvé l’impref-
fion, font fi fortement prononcé squ’il eft bien
difficile qu’ils échappeht à l’oeil même le moins
exercé. Il n’en efl pas de même des féconds :
ceux-ci font ou fins ou déliés, comme les poils,
la laine , les matières fablonneufes, terreftres,.
&c. ou font d’un volume plus confidérable, tels
que des morceaux de cuir, de bois» dé fer, des
clous, des épinglés., des' aiguilles , &c. J3
« Ces derniers corps d’un certain volume &
d’une nature indiflolube, rçftent dans la panfe
où ils ont été déglutis, ou défeendent dans le
bonnet & y féjournent conftament, à m o in s que
les épingles & les aiguilles, ne fe faffent jour
à travers de cette poche, & n e _ p e n e t r e n t dans
la poitrine, ainfi qu’on le voit très-fréquemment
dans les vaches, qui y font bien plus e x -
p o f é e s que les moutons. Mais en ce qui concerne
les poils, la laine & autres corps de cette nature,
ilspaffetit d e la panfe dansle bonnet, de ce vifeère
dans le feuillet, & arrivent enfin dans la caillette,
ou quatrième eftoniac. La , ils y relient, & lorf-
que quelque caufes facilitent leur accumulation,
ils s’y raffemblent peu-à-peu, comme nous
l ’avons expliqué .» & forment une maffe plus ou
moins ‘voluniineufe, que les artiftes & les nafu-
ralifles c o n n o i f l ê n t fous le nom d’Egagropile &
les gens de la campagne; fous celui de Gobbe,
parce qu’ils s’imaginent que l’animal l’a avalée
ou Gobbée; auffi lé mouton qui la renferme
eft-il réputé Gobbe, ou animal Gobbé. w
jt(~ Quand à la caufe des Egagropiles > prifes
ici pour-des Gobbes, elle dépend de l’aétion
des animaux qui fe lèchent & qui avalent peu-
à-peu les poils ou la laine qui les recouvrent.
Auffi les troupeaux qui ont été. affeètés de là
galle ou d’une aemangeaifon quelconque, ÿ font-
ils infiniment plus expofés que les autres. Quant
à leurs-- e f f e t s , dans les-animaux qui les renferment,
ils font nuis ou à peu de chofe p r è s 'n u is ,
à moins quelles ne foient d’un très-gros volume,
ce qui eft, à l’egard du mouton, infiniment rare;
d’où nous concluons que celles qu’on a trouvées
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à l’ouverture dés cadavres du troupeau de
Laurent, n’étoient point la caufe de la mort
de ces animaux, mais feulement le corps matériel
qui a frappé le plus éminemment le fens de
la Vue des perfonnes qui ont rédigé les procès-
verbaux & dont le jugement a été fufeité par
des bruits populaires., ou par le nom feul de
Gobbe qui lignifie que la chofe 3 été donnée
à lleffein ; en forte que fi l’ouverture de ces
cadavres eût été faite par des perfonnes de l’Art,
elles auroient indubitablement, abftraèlion- des
Gobbes, dirigé leurs recherches fur toutes les
parties des fujets, & elles auroient trouvé des
caufes très-légitimes de la mort de ces animaux.
˧
cc Quoi qu’il-en foit, nous n’en concluons pas
moins que les corps de délit du procès qui, nous
occupe, font de véritables Egagropiles& qu’ils
n’ont été nullement fabriqués par la main des
hommes.
Délibéré à l’Ecole Vétérinaire d’Alfort, le 4
Décembre 1791. Signé Chabert. 33
Extrait des regiflres de la Société d’Agri-
culture, du 19 Décembre 1791.
« A ladernière- féance de là Société d’Agri-
culture, M. Chabert a lu une confultation qu’il
a été prié de faire par M. Branley , juge au
Tribunal du diftriél d’Evrèux , Département de
l’Eure. L ’objet de cette confultation étant d’éclairer
fur une procédure criminelle, dont il
réfulte qu’un laboureur eft condamné, par un
premier Tribunal en 1500 livres de dommages &
intérêt. & à fix ans de galères, M. Chabert a
cru devoir faire appuyer fon avis dé celui de
la Société d’Agriculture. La compagnie en con-
féquence nous a chargés,. M. Dubois & moi
d’examiner les pièces qui ont motivé la conful-,
tation & de lui en rendre compte.
M. Branley, dans une première lettre,.deman-
r> de à M. Chabèrt. « Si les habitans des cam-
» pagnes ont raifon de: croire que l’on empoi-
» fonne leurs moutons, avec ce qu’ils appellent
37 des Gobbes. » félon eux, ce font d^s pelot-
tes formées de bourre, de friture, de miel de
beurre, ou poix. On les jette dans les champs où
paffe le troupeau. Les animaux alléchés par le
miel , avalent les pelottes.& en meurent. Dans
le procès criminel dont il efl queftion/, plulîeurs
procès-verbaux d’ouverture de moutons, crus
empoifonnés, attellent qu’on leur a trouvé dans
les eftomacs des pelottes de bourre, couvertes de
brai oudepoix, de la longeur de plus d’un pouce,
& d’environ un pouce de largeur. M. Branley, rapporteur
de l’affaire au Tribunal d’Appel, ayant lu
dans quelques écrits que cette opinion des gens
de la campagne eft un préjugé, témoigne un
grand defir d’en être inflruit.
E G A
M. Chabert a répondu provifoirement à ce
juge, que, d’après le (impie extrait des procès-
verbaux, il n’y avoit pas matière à accufation,
& qu’afin de donner un avis circonflancié, il le
prioit de lui envoyer la copie des procès-verbaux
entiers & les Gobbes trouvées dans les animaux.
Les Gobbes étant dépofées par le dénonciateur,
partie civile, comme pièces de conviction, M.
Branley n’a pu les faire paffer à M. Chabert;
( * ) mais il les décrit de manière à ne laiffer
aucun doute fur leur nature; ce font de véritables
Egagropiles/ M. Branley fe foupçonnoit
fi bien qu’il a cherché à s’en affürer en lifant le
mot Egagropile dans l’Encyclopédie, dans Tin-
ftruCtion de M. Daubenton pour les bergers &
dans M. de Buffon ; il s’eft convaincu que les
Gobbes du procès, ne font autre chofe que ces
corps, dont l’exiftence efl très-commune dans les
ruminans.
Les procès-verbaux d’ouverture de corps font
au nombre de trois. Ils indiquent en peu de mots,
qu’on a trouvé dans le bonnet ou la caillette
des moutons des plotons compojés de bourre menue,
couverts de poix ou de brai; ce qui a paru contribuer
à la mort des animaux. A la fuite eft une.
lettre du maître de pofte de Nonnancourt à un
des jugés du diftriCl d’Evreux; ce maître de pofte
ayant perdu quarante moutons les fit ouvrir &
les trouva tous Gobbes, c ’eft-à-dire, que dans
leurs eftomacs il y avoit des Gobbes. Pour s af-
furer fi la malice des hommes entrort pour quelque
chofe dans la mortalité qu’il épiouvoit fur
fes moutons, il compofa lui-même p lu f i e ù r s
fois des Gobbes, qu’il plaça fur leur paffage;
aucun animal n’y toucha; il en conclut q u e les^,
moutons Ce Gobbent eux mêmes, où ce qui eft la
même chofe, qu’il ramaffent la matière dont fe
forment les Gobbes. Il obferve en outre qu’on
en voit quelquefois dans leurs eftomacs de fi
groffes qu’ils n'auroient pu les avaler. Le maître
de pofte de Nonnancourt a auffi entendu dire
que les Gobbes étoient un effet naturel.
D’après ces pièces, plus que fu f f ifa n ù e s p o u r
former un avis, M. Chabert afait fa confpltation.
Elle confient des expériences bien c o n ç u e s pour
faire voir combien il eft difficile d’empoifonner les
herbivores &c.
M. Chabert, après quelques explications fur
la manière dont fe forment les Egagropiles, conclut
que les Gobbes, trouvées dans le corps des
moutons du fieur Laurent, ne-font pas la caufe
de leur mort.
Si dans une matière auffi importante il ne toit
pas utile de réunir le plus d’autorités poffibies,
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nous nous contenterions d’applaudir au zèle
éclairé de M. Branley, qui, en juge intègre, cherche,
à s’affermir dans une Opinion précieufe à
Tinnocence, à louer l'intelligence & la juffeffe
d’efprit du maître de pofte de Nonnancourt,
& à remercier M. Chaberr, qui, pour détruire
un préjugé funefte, a fait le premier des expériences
pofitives & décifives. Mais nous devons
fir la caufe qu’il s’agit de défendre,- & au defir
même de M. Chabert, l’expofé de quelques réflexions
& des obfervaiions que l’un de nous ( M.
Teffier ) a été à portée de faire.
Les Egagropiles font des corps arrondis, formés
intérieurement de poils, ou de filamens de
laine réunis & recouverts extérieurement d’un enduit
plus ou moins épais. Les animaux ruminans,
ou à plufiears eftomacs * tels que les bêtes à cornes
& les bêtes à laine, y font très-fu jets; ©nies trouve
le plus fouvent dans le quatrième, e’eft - à -
dire, dans celui d’où partent immédiatement les
inteftins, & que -nous connoiffons fous le nom
de Caillette \\e féjour de ces corps dans les efto-
màcsaltère la couleur des poils & de la laine, de
manière qu’on les prend pour delà vieille bourre ;
l’enduit qui les'recouvre eft formé par lesfucs toujours
contenus dans les eftomacs, pour fervir à
la digeftion ; ces fucs s’attachent ou fe collent aux,
poils, ou aux filamens de la laine par leur vifeofité
naturelle. Expliquer comment fe fait dans les
eftomacs, la réunion de ces matières, n’eft pas
une chofe facile, parce que les hommes ne con-
npiffent pas les opérations fecrettes de-la nature.
On n’explique pas plus aifément comment les
oifeaux de proie qui, en mangeant d’autres oi-
feaux, avalent des plumes, raffemblent en, Boule
arrondie cesplumesdans leurs, eftomacs, pour les
vomir & s’en débaraffer,, ces animaux, qui n’ont
qu’un feul eftomac, ayant la facilité de vomir.
Mais cette explication n’eft pas néçeffaire. II
fuffit qu’on fâche de quoi font compofés les
Egagropiles, & comment les animaux ruminans
avalent des poils ou de la laine. Or, tous les
hommes qui ont obfervé avec'attention les,
habitudes de ces animaux » ont remarqué que
c’était particulièrement en léchant leurs petits
& en fè léchant èux-mêmes, que leur langue
ramaffoit des poils ou de la laine qui paffoic
• ainfi dans l’oefophage, & de là dans les eftomacs..
Pour ne pas nous écarter des moutons, nous
ajouterons qu’ils avalent encore de la laine en
mangeant foit. aux râteliers, en hiver, foit dans
les brouffailles y en été; Les plus avides s’enfçn-
*cent dans lés râteliers & couvrent leurs toifons,
i ou de.bourre, de foin, où de fleurs de trèfles
: ou luzerne, ou d’épis de bled que les autres
s’empreffent de ramaffer, en arrachant des filamens
de laine qu’ils avalent eh même-temps.
En été, lorfque les troupeaux paflent dans les
fi! brouffailles,. quelques flocons de laine s’accro- i chent aux branches, les bêtes qui veulent en
( * ) I^cpuis cette époque lès prétendues Gobbes ont
étc envoyées à l’école vétérinaire, où on les a'examinées»
■' ainfi qu’il a été dit plus haut,