
demie de la même farine feulement. L ’un &
l’autre fut fabriqué par une femme de campagne,
dont je me fervois pour donner à manger aux
animaux, parce qu’elle étoit dans l’ufage d’en-
• graiffer des volailles. Ayant bien de la peine à
introduire peu-à-peu du.pain dans le bec des
poules, elle prit le parti d’en laiffer chaque
jour tremper une certaine dofe dans l’eau; par
ce moyen il glifïbit mieux dans le jabot. Chaque
pain dura fix jours entiers; enforte que la poule
qui vécut de pain d’E rgot, mangea chaque jour
trois gros de cette graine., Le troifième jou r ,
fa crête me parut en partie' fenverfée. & moins
vermeille: celle de l’autre n’avoit pas changé;
elles étoient toutes les deux toujours très-vives. Ce
qui me refioit d’Ergot n’étant pas allez confi-
dérable pour en faire du pain, je le fis donner
en fubftance, à la poule qui en avoir mangé
fous forme de pain; elle en prit graduellement
de cette manière , en cinq jours treize gros,
avec douze onces & demie de farine. "Sa crête
me parut plus brune encore, & la poule moins
vive. L’ayant fait tuer, je ne trouvai que quelques
taches livides au deux cæcum, & la crête
violette.
On a fieu d’être étonné, fi on compare
ces derniers effets .de l’Ergot avec ceux qu’il a
^produits dans toutes les expériences précédentes.
La poule dont il s’agit étoit-elle moins fufeep-
tible que les autres d'en être affectée ? La longueur
du temps qu’elle en a mangé, a-t-elle
rendu l’effet du virus moins a&if? En feroit-
elie morte fi on eût continué-de lui en fàjre
avaler, même fous forme de pain ? La fermen- )
tation que l’Ergot dans cette préparation a fubi I
à l’aide du levain , ou la coélion ou la macé- j
ration dans l’eau en ont-ils émouffé Ip force? î
enfin .l'Ergot étoit-il moins malfai fan r , parce
que l ’ayant réduit en poudre, je le tenois depuis
plus d’un mois expofé à l’air ? Voilà ce que je
ne puis dire : il eft certain au moins que la
poule, qui en a mangé ainfi, quoiqu’en bon état
d’ailleurs, avoit la crête & les deux cæcum altérés
; tandis que celle qui dans le même lieu
a vécu d’un pain de pure farine, avoit la crête
très-vermeille & très-droite.
Septième expérience > 9 O Sobre 2782.
Qoiqu’on ne pût concluré abfblument de
l ’expérience précédente, que l’Ergot donné fciis i
forme de pain n’étoit pas malfaifant puifque •
la poule qui en a mangé de cette manière, a i
eu la crête violette, & des taches violettes au
Cæcum, néanmoins il y . avoit lieu de penfer
que la cochon en détruifoit ou en émoufioit
le virus. Il étoit à craindre qu’on en tirât des [
conséquences capables de trop raffurer les
hommes, qui ne mangent de l’Ergot que ]•
quand il a paffé au feu. Croyant donc devoir |
ï répéter cette expérience , je me fuis procuré de
l’Ergot de la nouvelle récolte & de la farine
de feigle, telle que les habitans de Sologne (1)
l’emploient pour leur nourriture.
J ’ai fait faire un pain avec dix gros de farine,
& dix gros d’Ergot en- poudre ; on l’a cuit fous
la cendre comme un tourteau , & on l’a fait
avaler dans la journée en trois fois;-à une poule
de quatre afî's bien portante. Le lendemain
matin il n’y avoit plus rien dans fon jabot.
On lui a donné d’un autre pain frais, dans
lequel la farine & l’Ergot étoient en mêmes
proportions. Le foir fa poche a paru gonflée,
&, fa crête moins vermeille.
Chacun des deux jours fuivans, la poule a
mangé un pain pareil aux précédens, : fa poche
eft reftéé gonflée, & fa crête ainfi que les appendices
de deffous le bec ont noirci; fes plumes
n’éroient plus liftes, & elle avoit l’air d’être
enivrée.
Elle eft morte dans la nuit du quatrième au
cinquième jour, ayant mangé, fous forme de
pain, cinq onces de feigle & cinq onces d’Ergot ;
dofe dont on pourroit retrancher une once au
moins, parce que la poule avoit toute la nourr
riture de la veille dans fon jabot.
Indépendamment de la couleur noirâtre
la.crête & des appendices, il y avoit fous lé
ventre une radie violette; tout le corps étoit
livide, & les inteftins & fur-tout les cæcum ,
ternes; ou voyoit des parties de çes vifeères
enflammées & d’autres gangrènées. .
Cette expérience eft entièrement contraire à
celle qui a été faite dans le Maine & que j’ai
raportée précédemment : expérience dans laquelle
on n’avoit pas donné affez d’Ergot à un coq qui
en étoit le fujet, ainfi que l’a préfumé le bureau
dAgriculture du Mans.
Huitième expérience-, 14 Octobre. 1782.
Celle-ci n’eft que confirmative de la précédente,
que j ’ai cru devoir répéter, parce qu’elle
eft une des plus décifives, & parce qu’on ne
fauroit trop multiplier les faits en matière importante.
On a donné à une poule un pain cuit fous k
la cendre, & cotnpofé de dix gros de farine
de feigle, & de dix gros'd’Ergot en poudre.
Le premier jour elle l’a digéré tout entier ; le
foir du fécond jour, elie-avoit encore dans fon
jabot une partie d’un nouveau pain qu’on lui
avoit fait avaler depuis le matin. Le troifième
jour je défendis qu’on lui donnât à manger
(0 Cette farine où le fon étoit compris, a été foiir*
nie par un habitant de, Sologne ; qui la deftinoit à en
faire du pain fans la bluter.
:aj$
afin qu’elle eût le temps de digérer la nourriture
de la veille. Le quatrième jour, ce qui
réduit dans- fon jabot étant plus am o li,on
lui fit avaler la même dofe de pain. Elle
eft morte dans la' nuit du cinquième, après
avoir mangé de cette manière, cinq onces de
farine de feigle, & cinq onces d’Ergot récent.
Son corps étoit maigre & livide ; la crête &
les appendices de deffous le bec étoient dun
violet foncé ainfi que le deffous du ventre ; on
voyoit le jabot diftendu, plein d’alimens en partie
fermes & en partie amolis & parfemés de quelques
taches gangrèneufes. Les inteftins & le gêner
comenoient auflï desmatières alimentaires dMsun
degré de digeftion. On y remsrquoit aulü des
taches de gangrène. ■
En comparant cette expérience avec celle qui
la précède; il eft aifé de s’appercevoir que les
réfultats en font les mêmes.
Neuvième expérience, 10 Oâobre 178a.
Dans la fixième & la feptième expériences,
l’Ergot avoit été donné fous forme de pain ou
plutôt fous forme de tourteau; -c’eft-Ji-dire, que
le mélange compofé de farine & d’Ergot n avoit
éprouvé que l’aélion du feu, fans éprouver celle
de la fermentation qu’on pouvoit regarder comme
capable d’anéantir le virus d’une graine julquici
fi funefie. Pour éclaircir ce doute & ne 'ailler
rien à délirer fur les effets véritables de 1 Ergot,
j’ai fait l’expérience fuivante avec toute 1 attention
poffible.
J ’ai réuni cinq gros de poudre d’Ergot, huit
gros de farine & fuffifante quantité d’eau, je les
ai laiffé pendant la nuit dans un appartement
chaud ; le mélange qui le lendemain matin pe-
foit feize gros, parce qu’il avoit abforbé trois gros
d’eau, ne paroiffoit pas avoir levé ; on en a fait
un pain qu’on a tais cuire fous la cendre & qu on
a fait manger dans,la journée à une poule dun
an & demi, une des mieux conftiruées que J aie
pu trouver. Elle l’a très-bien digéré.
Le fécond jour, un nouveau pain a été formé
de quatre gros d’Ergot, de huit onces de farine
& d’eau afin de l’exciter à fermenter; j y ai joint
un gros de levain pris chez une femme oe la
campagne. Ce mélange expofé pendant cinq heures
auprès du feu , a bien levé à caufe de la
farine & du levain qui entroient dans la com-
poiïtioR (1). On l’a cuit, comme le précédent;
la poule l’a mangé & l’a digéré.
Le troifième & le quatrième jour, j’ai pro-
***£ h même manière, avec cette différence que
( i ) I.a poudre d’Ergot feule ne lève pas»
Agr icultu re. Tqjne Z K*
qui a été en parties égales avec la farine ; il avoir
bien levé.. Je ne m’étois encore apperçu d’aucun
effer.
Le cinquième) même dofe; la poule le (bip
fut languiffante, fa crête étoit devenue terne ;
fon jabot confervoit une partie du pain qu’on
lui avoit fait avaler.
Le fixième au matin, je la trouvai comme enivrée,
ayant les plumes traînantes, la crête vio-:
lette & ne pouvant fe foutenir ; elle mourut quelques
heures après. En cinq jours elle avoit mangé
cinq onces &. un gros de farine & quatre on-,
ces & un gros d’Ergot, fous forme de pain, qui,
à -l’exception du premier jou r, avoit fuffilam-
ment fermenté.
Son corps n’étoit pas auffi maigre que celui
des deux poules précédentes, parce qu’elle étoit
en meilleur état lorfqu’elle a été fouroife a l’ex-,
périence;il y avoit auffi fous le ventre une tache
violette, mais moins grande & moins foncée;
la Docne ne contenoit que peu d’aïimens; auffi,
cette partie n’étoit-elle pas altérée, fi ce nreft
vers fon origine du côté du bec ; on voyoit même
du fan g extravafé dans les environs ; la tête
paroiffoit gonflée & d’un violet noir dans toute
fa furface; la véftcule du fiel étoit groffe & gorgée
de bile; quelques parties des inteftins, voifins
des cæcum, avoient des taches de gangrène.
Les réfultats des trois dernières expériences,
réfultats conformes entr’eux, ne font pas les mêmes
que ceux de la cinquième qui les précède. La
poule qui a été le fujet de celle-ci, ne s’eft trouvée
que faiblement incommodée d’avoir mangé
du pain ergoté, tandis que les trois autres font
mortes gangrènées. Cette différence fans doute
dépend de la quantité d’Ergot que ces poules
ont mangé; car la première en fix jours en a
pris deux onces & demie : chacune des trois
autres en quatre jours en a pris quatre onces.
Il paroît que fous forme de pain l’Ergot doit
être donné à plus forte dofe qu’en fubftance,
pour qu’il produite le même effet;’ ce qui fait
penfer que la coélion & la fermentation emouf-
fent un peu fon aéliviré, mais ne la détruifent
pas.
Obferrations relatives aux aîifnens dent les ani*
maux ont été nourris.
J’ai nourri fouvent les animaux de farine de
feigle avec de l’Ergot pour aftimiler, comme il
a déjà été d it, leurs alimens à ceux des habitons
de la Sologne.
Quelques perfonnes fur ta préférence que pa-
roiffent donner certain? animaux au froment, à
l’orge & à d’autres grains ont penfé que ta répugnance,
dont j’ai fait mention, étoit plutôt
pour le feigle que pour l’Ergot. Voici des faits
qui doivent détruire cette opinion.M
ï'A