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penfer que c’éfoif une
mence éroutfiv
Preuves que tErgot efi une graine emuljîve.
Pour m’en convaincre davantage,“ je broyai
exaékment quelques graines d’Èrgot dans un
mortier de marbre, en ajoutant peu-à-peu, environ
trois onces d’eau diftillée. Il en réfulta
une liqueur de couleur de gris de lin pâle,
laquelle, paffée par un linge, avoit tous les
caractères d’une véritable émnllion *, fa faveur
étoit défagréable, & ne peut être comparée
qu’à celle.des haricots cruds. Elle a confervé
fa qualité laiteufe pendant plus de trente heures,
elle n’a laiffé dépofer que quelques portions
du parenchyme des grains qui n’étoient
pas allez divifés, & fa furfacé' s’elt couverte
d’une pellicule d’un blanc de lait, comme il
arm e aux émulfions abandonnées à elles-mêmes.
Enfin, dix onces d’E rgot, réduites en poudres
groffières, ont. été renfermées dans une
toile forte, & ont été.fourni,fes à la preffe -,
elles ont donné deux gros d’une huile jaunâtre,
limpide & très-cornbuflihle. Je crois pouvoir
affiner que cette quantité d’Ergot eût
dû m’en fournir,davantage. Mais je n’avois à
ma portée qu’une prefl'e de bois très-foible, &
d’ailleurs la poudre d’Ergot étoit renfermée
dans une toile neuve qui a abforbé une partie
de l ’huile.
Quoique je fuffe convaincu, d’après tous les
faits précédens, du ç.araélère emulfif de l Ergot
.& de la différence qu’il y avoit entre lui &
l e feigle, pour m’affurer davantage de cette
différence, j’ai employé les moyens fuiyans :
J ’ai mis séparément en rnacérariori dans l’eau
froide, des quantités égales d’Ergot & de féigle
fain- aufli-rôt le feigle s’ell prc. ipité au fond
de l’eau*, l’Ergot a furnagé& ne s’eft précipité
que quelques temps après avoir été imprégné
-d’eau , dont il n’abforbe qu’une très-petite quantité,
tandis que le feigle en- abforbé au point
de fe gonfler confidérablement & même de
crever. Ces deux mélanges ayant été abandonnés
à eux-mêmes pendant quarante-huit heures,
le feigle -exMÎoit une odeur piquante &
vineufe-, il s’étoit formé au-deffus de l’eau,
dans laquelle étoit l’E rgot, une couche grade
au toucher, & d’une odeur fétide. Le quatrième
jour le piquant du feigle étoit augmenté
, & la fétidité de l’Ergot étoit relie, que fe
ne pus le garder plus long-temps dans le lieu
où fe faifoir l’expérience.
M. Model, dans fon analyfe de l’Ergot, dit
què cette graine, macérée dans l’eau, a une
odeur acide, & qu’il s’élève à la furfaee une
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poudre blanche farîneufe. Il dit aufli que la
décoèrion d’Ergot réduit en poudre, pàffe prom—
tement à l’acidité. Il .ajoute dans fon fupplé-
ment à 1 analyfe de l’Ergot, qu’il n’eft pas
poffible de retirer de l’alkali volatil de cette
graine, ni par la macération, ni par la diftil-
lation. Dans tous ..ces cas j’ai vu absolument le
contraire.
. ^ pris fix onces d’Ergot en poudre -, je les
ai humedé pour en former une pâte qui a
abforbé quatre o n c e s d emi e d’eau. 1 Cette
pâte- n’avoit aucun liant, & n’a pu me don-
ner .. le riioindre indice de l’exiflence d’une
partie glutineiife. On lit dans l’extrait d’un mémoire
de M. Schleger, Médecin du Landgrave
de Heffe-Caffel, que, « l’Ergot, conçaffé grof-
y> fièrement & infufé dans l’eaii pure, eft entré
» en fermentation, fans qu’il ait été. néceflai-
»re d’y ajouter un ferment, qu’on l’a diflillé,
” & qu’il a fourni une eau verdâtre' d’un goût
” aigrelet. Ces effets font entièrement oppofés
à- ceux que j’ai obfervés. »
Nature de la partie colorante de l’Ergot.
Afin de determiner la natufé de la partie
colorante de l’Ergot qui me refteit à examiner,
j en ai fait macérer dans de i’efprit. de
vifi t r è s - p u r i l n’a pris aucune couleur, quoique
M. Mode! ait affuré que cens graine
donne fa couleur à l’efprit de vin. Les alkalis
fixes . & volatils cauftiques décolorent l’Ergot
promptement, & forment ; avec . lui des tein-
î,ur?s .rr^s—chargées. Celle qui ëft faite par
1 alkali fixe cauftique eft d’ un brun fo n c é ’
c r celle qui eft faire par l’alkali volatil cau-
ftique eft d’un brun rougeâtre: toutes les deux
font précipitées par les acides. La teinture d’Er-
gor, obtenue par 1 alkali fixe cauflique ,fa four—
m^lorfque je l ’ai précipitée avec de l’huile
de vitriol, une fécule d’un très-beau rouge.
La liqueur qui furnageoit étoit très-claire &
fans couleur.
■ - — ioiiv.es que x urgor ,
comme le fafran , le carthamé & beaucoup
d’autres fubflances végétales colorées, contient
dent; fortes de matières colorantes, dont l’une
ed extractive 8é diflolublê dans l’eau ■, l’autre
efl une . réfine d’une nature particulière, cràe
! e‘P7,t “ e ™ n’attaque point, mais à laquelle
les alkalis fe combinent facilement, & dont ils
peuvent être féparés par les acides
J ' ‘ (.'ëar^ de J amidon & du mucilage que
M. Parmentier admet dans l’Ergot ; mais dans
un état de combmaifon particulière, & pour
amfi dire . defféché , je n'ai rien obfervé qui
put tendre à démontrer l’exiflence de ces fub-
fiances.
Les
Les grains d’Ergot m’ont paru ne contenir,
indépendamment de la partie colorante dont
il vient d’être queftion, qu’un principe odorant
très-fétide, de l’air fixe, de l ’air inflammable,
une grande quantité d’huile douce,
une petite portion de matière extfaéUve gom-
meufe, très-fuceptible de s’altérer & de donner
de l’alkali volatil & très-peu de terre,
ainfi qu’on en retire par l’analyfe des femen-
ces émuifives.
Les grains de feigle fourniffent, dans l’ana-
ly fe , un mucilage abondant, peu de matière
buileufe, un efprit acide, & , fur la fin de la
difiillation à feu nu, une petite quantité d’ al-
kali volatil, mais bien plus d’alkali fixe, qu’on
retrouve dans les cendres j produits ordinaires
des femences farineufes.
Ce tabkau comparé, offre des différences
fenfibles entre les principes conflitutifs de
l’Ergot ceux du feigle. Il eft difficile de.
comprendre comment une graine, qui prend
naiffance dans des bâles pareilles à celles ou
fe forment liés grains de feigle, étant portée
fur la même tige, fur le même épi, & nourrie
de la même sève , eft tellement altérée,
quelle n’a ni fô forme, ni la couleur,, ni
les principes du feigle. Mais ce n’eft pas le
feul myftère que nous offre le règne végétal ^
11 eft inutile de chercher à ie pénétrer.
Des caufes de l’Ergot.
Je fens parfaitement toute l’importance de
cet article, toujours très-difficile à traiter , par-
ce que c’eft celui où l ’efprit de Jyftême fe gliffe
le plus àifément ; aufii ne m’attacherai-je qu’à
expofer les diverfes opinions & les fondements
fur lefquels elles font appuyées, & à-rendre
compte des expériences que j’ai tentées, pour
ïavoir ce qu’on doit penfer de tout ce qui
a été écrit fur cet objet.
Selon l’opinion la plus généralement répandue
„parmi les habitans des campagnes, l’Ergot j
eft occalionné par la pluie & les brouillards
qui tombent fur les épis du feigle. (1) Langius,
Médecin & Naturalifte, admet outre ces deux
caufes, les rofées& l’exceflive humidité de l’air.
Voici l ’explication qu’il en tire : « L ’air humide,,
imprégné de nître, de foufre volatil &
d autres particules fubtiles, eft extrêmement
pénétrant. Il environne l’épi, amollit la bâle,
gl’étend, preffe' l’écorce du grain, le difpofe à
la corruption, excite un mouvement, de fermentation.
& ainlî augmente fa croiffance.»
( 1) Defcrîptio morborum ex efi clavprum fecalinoivm
cum pane. Lucernee. 1717. A c t. Lepf. Année X7I8,
page 30p.
■ Agriculture. Tome IV .
On lit dans l’hiftoire de l’Académie des Sciences,
année 1710, d’après M. Fagon, (r) « qu’il
» y a des brouillards qui gâtent les froments,
»& dont la plupart des épis de feigle fe dé-
» fendent par leurs barbes. Dans ceux qu^ cette
» humidité maligne peut atteindre & pénétrer,
» elle pourrit la peau qui couvre le grain, la
» noircit & altère la fubftance du grain même.
» La sève qui s’y porte, n’étant plus refferrée
» par la peau dans les bornes ordinaires, s’y
» porte en plus grande abondance, & s’ammaffant
» irrégulièrement, forme une efpèce de monftre,
» parce qu’il eft çompo'fé d’un mélange de cette
» fève fuperflue avec une humidité maligne. Ce
» n’eft que dans le feigle que fe trouve l’Er-
» got. »'
Et plus loin : « Cette mauvaife efpèce de
» grain vient en plus grande abondance dans
» les terres humides & froides, & dans les
» annéespluvieufes. Un certain feigle particulier
» qu’on ferae en mars, y eft plus fujet que
»ceux qu’on feme en automne.»
M. Lemonnier, favant Botaniftë, a avancé-,
dans le volume de la méridienne de Paris, (2)
que les récoltes dans quelques endroits du
B erry, font fouvent endommagées par des
vents humides & chauds qui régnent pendant
les mois de Juin & de Juillet, & qu’on
voyoit alors beaucoup de froment niellés &
Ergotés.
Ces autorités fuffifent pour indiquer une
opinion fondée en apparen ce fur de bonnes observations,
faites depuis long-temps. En effet, il
^fe forme en Sologne, comme je l’ai dit, plus
aErgots dans les années pluvieufes & humides,
que dans les années feches. Les terrains fitués
fur le bord des marais & auprès des bois, &
par conféquent le plus expofés aux brouillards,
en produifent une . grande quantité. On voit
les fromens fe gâter quand il s’élève certains
brouillards qui les couvrent dans la force de
leur végétation. Pourquoi, dira-t-on, le feigle
ne feroit—il pasfufceptible comme le froment
de la mauvaife influence de l’air ?
A ces' raifons, propres à appuyer la première
opinion, il eft aifë d’en oppofer d’autres
qui pourront au moins les‘ balancer.
J ’obferverai d’abord que l’explication que
donne Langius eft hafardée, & qu’il fuppofe
dans l’air des corpufcules de diverfe nature, 1
(1 ) Le Mémoire de M. Fagon n’a pas été imprimé.
On n’en connoît que l’ex tra it, donné dans l’Hiiioire de
P Académie des Sciences.
(2) Suite des Mémoires de l’Académie des Sciences 3
Ï7 4 0 , troilième partie j pjg e 114.