Les mois de Juillet & d’ Août fe font paffés, à
élever & fortifier, tant le batardeau que toute-la •
digue dif côté de l’Eft , pout n avoir plus à redouter,
ni les grandes marées des Equinoxes , ni les :
tempêtes de l’hiver ; & l’on a occupé les ouvriers
pendant 4 e mois de Septembre, à fortifier les
endroits des dunes du côté du Nord, .pour les
empêcher d’être rompues par les marées de
tempête. * > r$i . ' ( ;
Pendant qu’on étoit occupé à fortifier les
digues, le fieur Mouron, dès le 16 Août a fait
mettre les charrues fur une partie de ce terrein.
11 a commencé par faire labourer le endroits voifins
du grand Çriq qui ont été les plus difficiles à
rompre -parce que ce terrein qui étoit'compofé
de vafè.de Mer confolidéç, à d^une profondeur
de fix à fept pieds , étoit aufîï dur qu’une/
argille defféchée & tenue par un gazon très-
ferré. La charrue n’a fait que retourner ce
gazon, les herfes de bois & de fer ont .eu .de',
la peine à le divifer. On rfa pu faire ferner avant
l’hiver qu’env'iron cent mefures, dont .vingt-
cinq en cqlzats, vingt-cinq en froment ein- j
quanre en foucrion, efpè.ce d’orge d’hiver, qui
fert à faire la bierre.
Ôn a eu la précaution de ne faire ferner que
Ja moitié du grain qu’en efi 'dans l’ufnge de fe-‘
mer dans les bonnes, terres, ordinäres. Par le
peu de divïiîon dé la terre il n’a germes &
levé qu’environ le dixième de cette femence.
Au mois, de. Mars & Avril , vu-le peu, de
plantes qui 'paroiffoient., l’on croyoit avoir une
récolte bien médiocre -, mais les pluies & ro'fées
du mois de Mai, ont fait troncherc’eft-à-dire
tôlier les plantes au point, qu’au commencement
de Juin, lorfque tout étoit prêt_ d’épier, il y
avoir-à craindre, que les grains, né verfâffent.
L.e fieur Mouron a fait auffi labourer en Mars ,
Avril & Mai, environ trois cents mefures de
ee terrein qu’il a fair ferner* en avoine & én
orge, en pois & en fèves. 'Ces grains n’ont pas
tardé à germer & lever. Le mois de Juin ayant
été chaud & fans pluie, les avoines & orges fes-
mées dans les meilleures terres du pays ont, dépéri
& jauni, au lieu que ces mêmes grains
font venus de toute beauté dans le terrein noiï-
- vehement defféché. Les Tels dev la Mer & le
nouveau terrein ont procuré a^rx plantes une
hiiihidué que les autres terres., n’avoknt pas.
L-s avoines.avp,ie.ti|;plus detix pieds de haut-,
les tiges a voit le double■ .en : -greffeur des. tiges-
©ndiruiues. 11 en étoit de même de celles du froment’.
Pendant trois-ans qu’a duré cette .forte
' végétation, les chevaux n’ont pu manger la paille
du froment parce qu’elle étoit .trop groffe. &
trop dure. La paille n’a fervi. alors qu’à faire
des .couvertures en chaume.
. Le fond de ce marais eft un fable marin que.
l ’on trouve, à 2 , 5 , 4 , 5 &fix pieds. La fü-
perfieie efi une terre vaieuferemplie de fe 1
marin qui neparoiipas chaude ; car ia végétation
efi lente jufqu’à la lin de Mai. Mais lorfqû’au
mois de Juin la chaleur a pénétré & échauffé
le fable, la végétation efi prompte & les grains
mùriffent en peu de tems.: dans les pays de
montagnes à une lieue de ce marais , les froments
épient quinze jours plutôt &. mùriffent quinze
jours plus tard, & par'conféquent la récolte
efi plus tardive. On a commencé à couper les
colzats à la fin de Juin, au 15 Juillet l ôn a
coupé les foucrions. Au commencement d’Août
les froments -, vers le 16 Août les pois ~ enfïute.
les avoines & lés orges ou Baillard, à la nue-
Septembré lçm a fini par couper les fèves.
De tous lés grains & graines qui ont été ré-
coltés^-ee^qui a donné un plus grand produit
^eft là graine de colsats. Chaque mefure de terre
a produit 12 à 15 -feptiers, & cette graine fe
vendok 24 à |j§’ livres le feptier -, mais le col-
sat n’a donné avantageufement que pendant
les deux premières années.
Chaque -mefure enfemencée en froment a
produit cinq à fix feptiers, & le feptier qui efi
de 16 boiffeaux pefe 180 livres poids de marc.
La mefure de terre efi d’un dixième .plus étendue
que l’arpent de Paris.
La même portion de terre enfemencée en
foucrion ou orge d’hiver, produifoit 14 à 15
feptiers même mefure , & celle enfemencée en
avoine, produifoit 1S à 20 feptiers. Ideni. Lorfque
le froment ' fe- vend'oit 20 à 22 livres le
feptier , le foucrion étoit vendu 11 à 12. livres
tic l’avoine 8 livres, d’où l’on peut v o ir qui!
étoit plus avantageux de femer du foucrion &
de l’ayoine, qué du froment. -
Pendant les fix premières années le fort delà
récolte corffifloit en foucrions & avoines. Le
foucrion demande une terre forte ; • on croit
: qu’il dégraiffe ou épuife la. te ire.-' Cependant les
terres fortes en -vàlë ont été enfemencèes pendant
trois ans de faite.en foucrion & ont continué
de donner une abondante récolte. La
quatrième'année ces mêmes terres ont été en-
femencées en pois & fèves;' chaque açpent de
ces pois & fèves produifoit cinq- à fix feptiers
même mefure. Ces légumes qui- fervoient en
partie à la nourriture de la garnifon de Calais,
cuifoient en beaucoup moins de tems que
pareils légumes récolté.' dons Tes autres terres. A
peine ces légumes étôient récoltés; qu on dôn-
noit à la te/re un feul labour pour y femer
du froment. Après le froment l’on y femoir de
favoine ; de forte que la majeure partie des
terres ont produit dix années fans fie^ repofer
& fans être aiYïendées, & n’ayant qu un feul
labouT chaque année.. -
- La végétation 'étoit fi forte dans les premières-
années, qu’à la; -fécondé année'on abandonna
1 à lui-même un morceau de terre qui-£ tannée
I précédente,, avpit été feiné en froment,. ;
grains qui , avant la récolte , avoient été/ecoués
par le vent,- germerent fans qu’on retournât ;
fans qu’on le herfât fans qu’on le -conciliât,
le froment vint aurli beau que danse les terres , :
ordinaires.; &. la récolte de.ee morceau de terre, j
qui étoit d’environ ttois mefures, produifit douze j
feptiers de froment. On fit le. même effai fur
une partie enfemencée en avoine. La- fécondé
récolte donna un tiers moins que la première.
D e p c r f e s .
Les dépenfes. des deux digues, y comprîfe.
une éclulè en maçonnerie que l’on a été obligé
de faire fur ie batardeau, en 1 7 7 1 tant pour
l’écoulement des eaux pl,uv-iales,, que pour
introduire dans le terrein l’eau de la Mer , fi
la défenfe de la vilie de Calais
l’exigeoit, ont monté à la fommè
de quarante mille iiv .. c i- . . . . 400^9 liv.:*
L’étabii.ffement d une ferme
confidérable pour l’exploitation
de tout le terrein ,1 ’achapt des "• 40000 liv.
Chevaux, Vaches , Moutons,
Porcs, 8 chariots, 15 charrues
-& autres uftenfiles de labour,
ont formé une. dépenfe cl®
cent mille liv. c i- ...................... ioccoo liv.
L'açquifition du marais n’é- .
toit qu’un objet de fept mille
cinq cents, livres ; mais les dépensés
qu’il a fallu faire pour
obtenir les Arrêts du Confeil &
Lettres Patentes, tous les pro-
cès qu’on a été obligé dé fou-
v tenir conti#” les Ufagers &
d’autres particuliers:, procès
, excités par les envieux, & dont
. la durée, tant en Parlement;
j qu’au Confeil du R o i, a été
de fixais ; les frais & faux frais
qu’ils ont Açcpfionnès ; quoique
le fieur ^mouron & Compagnie
ayant gàgné tous ces procès
avec dépens, tous ces objets
réunis, ont formé, une dépenfe
de quarante mille liv .. c i - . . . 4.600© liv.
I
. Ain fi, l’acquifitiondu terrein 180Ô00 liv.
les f <,ais de defféchèment jufqu’Nà
ce qu’i l ait été en bon état de '
culture, en y'-ajoutant la conf-
tmélion.d’une très-belle Ferme,.
tout a coûté cent quatre-vingt
mille livres.
Toutes'ces dépenfes ont été rembourfëes au f
fieur Mouton 8l à fes Affociers dans Une ex - ;
ploitation commune de -dix années. - v i
Dans ces dix années il a-été vendu, tant en
grains du ' produit' de ce terrein qu’en befiiaux,.
nés, nourris & engraiffés avec les -graines médiocres
, pour la fomn.è de tiois '
cents foixante-dix mille liv.ci- . 3700CC 1.
en prélevant fur cetteTomme,
celle de. . .. , . . . . . . iS çoco. 1.
avancée par le fieur Mouron & ' *
fes Aflbciés-, refié. . .• . , . ipoocoT. -
qui ont été dépênfé-es en dix
années pour les gages des Do-
mefliques, d’un Econome , les • -
journées des moiffonneurs, des
batteurs, ^’entretient de tous
les ufiebfiles de labour , entretient
de la Ferme, de i ’éclufe &c..
Cette dépenfe qui revient, année commune,
à dix-neuf mille livres , paroîtra confidérable.
Elle auroit pu être ^Beaucoup moindre fi on
avoir voulu économifer ; maïs le fieur Mouron
& fes Affociers , voyant le ‘grand produit de la
terre, ont voulu en faire part aux hafcirails de
Sàngâtte, qu’on avôit cherché à indiipofer contre
cette entreprife^ ,
Pour les engager à devenir moiffonneurs, batteurs,
il a fallu leur payer leur journées à un
prix plus haut que.de coutume.'Les appointe-
me'ns d’un garçon de clïarruè ëtoient plus con-
fidérables qn’ailleurs. A la troifième & quatrième
année , ces places!étaient follicitées &. briguées,
comme dans la claffe des-gens riches on l'olli—
citoit une placé de Fer'mier-génc'ral.
L ’on femoit alors routés les -terres fans en
laiffer en jachère', comme il falloir profiter du
tems propre pour les labourer & les enfemen-
c e r le q u e l , é.t bit très-court, on a été obligé
d’avoir j ufqu’à quinze charrues & par çonfèquent
quinze garçons ; au lieu qu’aujourd’hui lés terres
étant plus meubles, & les Fermiers en laifi’ant
un cinquième- chaque"'année en jachère, la
culture s’en fait avec huit charrues.
Sur les dix-neuf mille livres de dépenfe les
hâbitans de Sangatte annuellement en tou choient
dix mille, ce qui lès à mis dans un étatd’aifançeeti
leur donnant l’habitude du.travail. Avant le defië-
chement les hàbitans de Sangatte végétoient:dans
la plus grande unisère , parce que ne trouvant
' point dans leur Pàroiffe de travail, le produit
de deux oïi - trois Vaches mal nourries fur le
marais, rie fuffiioit pas à la qübfifiance d’un ménage.
Ilsattendoientavec impatience qu’une Tempête
eût jetté 8l-brifé fur jours côtes tin vaifféau ,
afin de profiter de fes ♦ débris. Depuis quiils ont
du travail ils font dëvenul meilleurs , plus humains.,
& lorfqu’ii arrive des nauffrages, ils
; s’empréffent dé fecourir lés malheureux.
On doit encore obferver que les grains, que Tes-
pauvTesglanent & ont glané tous les ans, forment
un objet plus confidérable que la valeur & ïè
produit total du marais lors de fon inondation.
En 1773: ÿ trois années après le deffé'ehement^
. les. habitant dé Sanggtte- ont efi . une: maladie