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difficultés, on voit que les plus grandes font
venues de Ja part de la Compagnie des Indes, à
laqu elle cependant il importoit le plus qu'il
fut éxecuté, puifqu’il rendoit à augmenter fes
profits, aux dépens de la Compagnie holiàndoiie.
Tout homme , qui aurait eu moins de caraélère,
que M. Poivre y auroit renoncé*, mais les avantages,
qui devoit en refulter pour la .France ,
ëtqient fortement imprimés dans fa tête & il ne
lcsperdoit pas de vue. -
Pendant fon féjour à Paris il donna à la Compagnie,
fur divers objets de commerce, des confeils.
ii fages, qu’ils fui méritèrent toute fa confiance.
Ede le pria d’aller à Pille de france, en qualité
d’intendant de la Colonie. Dabord ileütdela psipe
à rentrer dans, ia carrière des dangers & des contradictions.
Cependant il-accepta, dans l’intention
-de le rendre utile & de reprendre fon projet.
Il débarqua à l’ille de France en 1767.
Par une lettre qu’il écrivait au mini lire de la
marine, il paroît qu’en 1768 il avoit envoyé, pour
fonder le terrain, M. M. de Tremigon, lieute-
nanr de v ai fléau & Provoft, écrivain. Mais lési
indiferétions de M. Dumas, ayant découragé M.
de Tremigon, des opérations, commencées à
tQueda, n’eurent aucun fuccès.
Une fécondé expédition fui vit de près la première,
& , une troifième fe fit bientôt après. Je
rendrai compte de l’une & de l’autre, ayant eu
dans les mains les pièces originales, tirées des
bureaux de la marine.
M. de Tremigon partit de l’Ifle-de-France
avec M. Provoft le 17 Mai 1769 fur la corvette
le vigilant. Il fût joint à Achem par lé bateau
l 'étoile „1* fnatin, commandé par M. d'Etchevri.
lis fe rendirent à Queda, d’où la Mouflon , qui
s’avancoit les força de s’éloigner fans attendre
l ’arrivée des Bonguis, qui avoient promis des
plants d’Epicerie; M. Provoft n’en trouva pas
davantage à Sambuangan. Il prit dans ces deux
endroits des mefures, pour une autre expédition,
en cas que celle-ci manquât. Des Philippines il
pafiâaux Molucqnes, fe rendit à Y o lo , dont le
Sultan, qui aimoit M. Poivre, lui fit à caufe de
lui, un scceuil favorable. D’Yolo il alla à Miaô ,
Ifle voifine de Teruate. Après trois jours de recherche;
infruéhieufes, il continua fa route à
Ceram & à Timor, fuivmt fes inftru&ions. Le
confeil ayant décidé qu’il étoit impofkbie d’aller
à Ceram "& à Timor, pour s’y arrêter, la faifon
étant très-avancée, les deux bâtiments fe fépa-
rerent. M. de Tremigon gagna Timor & de—là
lTfte~de-France, où il apporta quelques plants
de mufeadiers du pays, d’une efpéce longue.
M. Poivre en avoit auffi rapporté.
M. Provoft éizm alors far le bateau Y étoile du
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matin y alla à Ceram, où il y avoit plus d’èfpé-
rance de rénflir. Il y trouva un vieux foldat
françois, établi depuis 5.0 ans, qui lui donna à
emmener fon fils, né fous le girofle & ia muf-
cade', c’éroit une préeieufe acquifition. On con-
( feilla à M. Provoft d’aller à G eb y , pour y être
à portée de Patany, de Maba & de Weda, lieux
tout remplis d’Epiceries. Les habitans avoient
! leçoué le joug des'Hollandois. L ’horreur qu’ils
: ont. pour ces.derniers, qu’ils regardent comme
des tyrans, leur en infpire pour tous les Européens.
Avec de la douceur M. Provoft les. gagna,
; au point qu’ils rifquèrent leur v ie , pour aller
: chercher à Patany, limé dans l’Ifle de G ilolo,
1 des plants de mufçade & de girofle, dont ils
chargeront leurs pirogues.
Le Toi de Patapy, indigné de cet enlèvement,
. fait fans la permîiiian, envoya une petite flotte,,
pour punir les habitans de Geby. M. Provoft
parvint à appaifer l’Ambalfacleur ; il vit leFrince,
que des carrefîes & des préfens fati.sfirenr complet
cernent. Il accorda le pardon des habitans
;■ de Geby & donna l’efpérancé de pouvoir ÿ faire
une autre expédition. Il voulut avoir un pavillon
François & partit fâché du départ de M. Provoft,
qui eût lieu le 2.4. Avril.
Pour éviter toute rencontre, M. Provoft avoit
fait un projet de route que le mauvais rems ne
lui permit pas d’exécuter. Etant encore dans ,1e
détroit de Bouton, il trouva 5 bâtiments Hol-
landois, armés en guerre, qu’il ne put éviter.
Deux Officiers qui le vifirèrent, ne s’apperçevant
pas qu’il avoit des plants d’Epicerie, retournèrent
leurs vaifleaux. Le danger qu’il avoit
couru, détermina M. Provoft, à palier par le
détroit de Cambàvë. Il en fortit heureufement
& arriva à l’J Ile-de-France le -25 Juin 1770,
avec une grande quantité de plants & de graines
des deux Epiceries fines. , -
M. Commerfon, botanifte & naturalifte très-
connu, qui avoit fait avec M. de Bougainville,
) le voyage autour du monde, étoit alors â l ’Ifle-
■ de-Frahce, où M. Poivre l’avoit retenu. Il fut
^ prié de vérifier les plains & les graines , apportés
de l’-expedition.
‘Il y avoit, i.° 4^0 jéunes plants de mufeadiers,
hauts depuis 6 pouces, jufqùâ un pied
.&• demi, tous très-verts-& bien bourgeomiés.
2,,.0. Dix mille noix mufeades, dépofées dans
de la terre fablonneufe., immédiatement après
avoir été cueillies fur les mufeadiers, au moment
de leur maturité. Toutes étoient bien germées
& propres à être mifes en terre. Il y- en avoit
plufieurs, encore couvertes de leur macis, qui
| avoit fori aromat.
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i.° Deux ceints noix mufeades altérées & incapables
de geimer. Elles avoient fermenté dans
la caillé du vaifl'eau.
4.0 Quelques pieds du mnfeadier, à feuilles grande;
larges,, épaiftes & à fruit long, faiblement
Epicé, afin de lervir d’objet de. comparaifun.
Soixante-dix plan s de girofliers, la plupart
bien verds & bien frais.
6.* Une très-grande quantité de baies ou fruits
de girofliers, dépofées dans du fable, la plupart
germées, quelques-unes même ayant pouffé leurs
feuilles féminales.
M. Poivre, dont la jouiflance eft facile à concevoir,
informa le Miniftre de la Marine dè' éetre
riche cargaifon.Tl rendit juftice à MM. de Tremigon
& d'Etchevry. Le premier, dé poli rat re du
lècrct, dans routes les efcales où fes opérations
l’a voient forcé de relâcher, s’éroit montré avec
route la capacité & toute la diitihèlion -poffibies.
L ’autre, qui avoir affronté rouis les dangers de l’expédition,
étoit un hardi navigateur , puifque pour
aller de France à Tille de, France ,11 avoit doublé
le Cap-de-bonrte-efpérance dans un bateau
de moins de 80 tonneaux, y ayant embarqué ia
femme & tous fes enlan;. ,
Les plants de mufeadiers pouffaient avec vigueur
-, quelques- noix mufeades avoiént germé
dans différens quartiers de L’Ifle. Aucun des plants
de girofliers importés ne donnoir ligne de vie,
une vingtaine de graines avoient levé & avoient
8 ou 10 feuilles, qui promettoient une belle végétation',
mais la marche des giroflier s- étoit trop
lente, au g!A de l’impatience^de M. Poivre. Il
falloir 7 à 8 ans avant qu’il rapponaflent des fruits,
dont on pût faire de s fi mi s.. Il fe propofa de
renvoyer M. Provoft aux molucquts pour rapporter
une quantité fuftifanre de plants & de
graines dé girofliers. Il vouloir tranfpiamer queU
ques-uns des plants de cette dernière expédition
- aux Ifks de l’amirauté ou des trois frères-, , fi tuées
à quatre degrés Sud de la ligne, même diftance
que Banda. L ’auteur d’une noie, mile fur la lettre
de M. Poivre au miniftre, obferve que les IfLs
de l’Amiraii'é étant déferres, y introduire les Epiceries,
eût été les livrer aux étrangers & les mettre
à portée de partager avec nous cette rie ne fie. C’eût
été. au moins enlever i’cxdufif aux Hollandois.
Pour tenter un nouveau voyagé, il faIIoit l’attache
de M. le Chevalier Defrovhes, Gouverneur
fle i’Ifle de France & de Bourbon. M Poivre,
alors Intendant, l’obtint avec peine ,011 du moins
le Couver rien: dans une lettie au miniftre, in
date du 15 Ju n 17 7 1, fait entendre que cVft un
aéle de • a mplàïfmce de fa part, H cun émit à
ce que AL Provoft retournât aux Moiucques fur
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la flûte dû roi, Yljle de France, commandée par
M. de Coetivi, enfeigne de vaifteau , accompag» ée
de la corvette le l'JéceJJalre, que commandoit
M. Cordé, Officier de vaifteau de la compagnie*
L ’expédition fût faite principalement pour aller
■ à Manille chercher des vivres & des agrèts de
marine chez les Espagnols. Celui qui la condui—
foit, avoit ordre de revenir par les Moiucques,
pour en rapporter des plants de girofliers & de
mufeadiers.
On ne fait pourquoi m. Defroches avoit cherché
à rrâverfer ce fécond voyage. M. Poivre s’en-
eft plaint avec amertume. La crainte de déplaire
aux Hollandois fans doute y avoit bsaucouo dé
part. On lui reprochoit d avoir fait d ie au Gouverneur
Espagnol des Philippines, que M. Piovcft
étoit un homme fans aveu, d’avoir infirme les
chefs du Cap— de - bon ne - efp éran ce du but de
l’expédition, afin qu’on le fût à Batavia, enfin-,
d’avoir gardé que'qfie tems les inftruélions lignées
& données p.;r l’Intendant à MM. dé Coetivi
Sr Provoft, & de ne les avoir rendit qu’après. les-
avoir copiés. Parmi ces griefs, les premiers, s’ils
étoient vrais, fuppoferOienr de 11 méchanceté.
On ne voit d'auf le de nier que la 1'Conduite d’un
homme timide & qui n’eft pas pprliiadé de l’importance
de fexpé'dition.
Quoiqu’il en foit, AIM. de Coetivi,& Provoft:
partirent de l’jlie-de-France le 25 Juin 1 7 7 1 ,
pour fe rendre à Mahil'fë.Tls quittèrent cette
dernière lfle le 20 Décembre (uivarît, paflerenf
au travers des- Philippines & des Moiucques, &
' r e l i e h e r e m à Geby.' I l s y p r i r e n t u n e q u a n t
i t é c o n f id é r a b l e d e p la n t s & d e g r a in e s d e g i r o f
l i e r s , S I d e m u fe a d ie r s - , n e n é g li g e a n t a u c u n e
p r é c a u t io n , p o u r e n a f lu r e r la c o n f e r v a t i o n . P a r i i s
d e G e b y l e 8 A v r i l 1772, i l s f u r e n t d e r e t o u r
à I T f l e - d ë - F r a n c e , A I . d e C o e t i v i l e 4 , & M .
C o r d é l e 6 J u in .
M. Provoft pria lè Gouverneur général & Pin--
tendant de faire coriftater par un procès-verbal,,
i’état de fa cargaifon.
Cette fois, comme la première, M. Commerfo»’
examina ce que les deux bâtiincns avoient apportés.
Il trouva 1 | | dans 5^ caiftes, ouverte? r ar °n
haut, mais défendues par des tre'iihs 'k g filages
bien faits, 500 plants de giroflu ;s & 28 de
mufeadiers, dont 50 de deux a deux pied &
d* mi de hauteur,, tous de la pl}u> b.-lle^vog tation,
IOO d’un pied & demi aulii très-beaux- & les-
autres, d’ns pied & au-defto.ts. i.®’ D ms 8 c ai de s
fermées $ enveloppées de'toi-e gaud; o-'. ée. \OÔ‘
J plants tant de girofliers que déan> icadiers, p
1 entre deux, lits de terre, Preique tous avoir péri*>