-plus fàlubre. Pour peu qu’on diffère à lui donner
de nouvelle eau 8c faire dégorger l’ancienne,
il périt par milliers.
Lorfque le grand Etang commence à être
rempli, on met à.fec le réfervoir cfùi renferme
les carpillons•& l’alevin de cinq à lept pouces,
ainfi que les petites tanches, & on les jette dans
le grand Etang après les avoir comptés, c’eft-
à-dire, avoir fixé à peu de chofe près, de
quinze cens à deux milliers par arpe'ftt ; la force
de l’alevin décide du nombre.
La crainte que cet alevin ne multiplié trop
jufqu’au moment que l’Etang fera pêché, engage
d’y mettre des brochets. Mais cette méthode ne
peut être approuvée que jufqu’à un certain
point, & dans le cas feulement, qu’on n’y mettra
que de la feuille de brochet & en petit
nombre. Si le brocheton eft auffî gros que l’alevin
, celui-ci ne produifant pas dans la première
année & très-peu dans la fécondé, laiffera
manquer de nourriture aux brochets, & ceux-
ci attaqueront l’alevin, ils en diminueront pro-
digieufement le nombre; au lieu que le petit
brocheton fe contentera de la feuille jettée pour
■ fon entretien, & la carpe, trop groffe pour lui,
fe fouffraira à fa voracité. On prétend que les
carpes d’un Etang, où il y a quelques brochets,
font plus délicates, que celles qui vivent paisiblement,
parce que la chaffe continuelle dir-
o n , les force à un très-grand exercice , cela peut-
être; mais il eft démontré, que la crainte &
la frayeur de la mort fans ceffe devanr les yeux,
n’engraiffent pas; cette prétendue déHcateflè de
la carpe ne tourne certainement pas au profit
du propriétaire de l’Etang.
La pêche générale d’un Etang a lieu communément
tous les trois ans , en comptant depuis
l’alevinage jufqu’au moment'de la pêche.
Si l'on ménage un Etang pour les brochets,
féparation que je çonfeiile très-fort, c’eft le
cas d’y multiplier la menuifaille, & même tous
les autres petits polffons blancs dont il faut fe-
vrer les Étangs à carpes & à tanches. Sans cette
précaution indifpenfable, les gros brochets ne
trouvant pas une nourriture abondante, mangeront
leurs petits.
L ’ordonnance des eaux & forêts a établi cette
règle pour le i empoisonnement des Etangs qui
appartenoient au R o i, on aux églifes, ou aux
communautés, que fe carpeau aura fix pouces
au moins, la tanche cinq, la perche quatre ,
& le brocheton de quelle mefure que l’on voudra
; mais qu’on ne pourra le jetter qu’un an
après l’empoiffonnement au plutôt.
11 éft impôflible d’établir une règle générale
pour l’empoiffonnement & la pêche des Etangs,
ni fixer d’une manière exactement déterminée
k quantité d’alevin ou de pièces. Ces objets
varient; i .# fut l’étendue de l’Etang; un milie
n’eft pas trop, fi elle eft confidérable, & cinq
cens alevin luffifent, & au-delà , fi l’Etang n’eft
que d’un arpent. i.° La température du climat
mérite d’être prife en confidération. Pins l’eau
s’échauffe , plus elle perd de cet air qu’elle contient,
& plutôt elle eft, viciée , & par elle-même
& par l’infpiration & |la refpiration continuelle
des poiffons. Si le nombre de poiffons' eft confidérable
, celte eau fera bientôt complettemcnt
viciée. 3.0 La nature du f o l , ainfi que celle de
l’eau, prononcent encore fur la quantité des
poiftons; les fonds gras, limoneux & bourbeux,
ainfi que les bords de l’Etang', fervent bien mieux
d’afyle à une multitude prodigieufe d’infeCles,
qu’un fond & des bords fabionneux ; mais,comme
entre le fond fabionneux 8c bourbeux il y a
beaucoup de nuances, c’eft au propriétaire à
étudier la nature du fol de fon Etang, & à le
peupler après l’avoir bien obfervé. Ce que je
dis du terrein s’applique également à la qualité
de l’eau. Celle qui coule entre des rochers
fecs & arides., ou celle qui fort d’une ou de
plufieurs fources voifines, entraîne avec elle
très-peu, ou point de nourriture; celle au
contraire qui après avoir reçu' les immondices
d’un village, d’une ville , fe jette dans un Etang,
ÿ amené l’abondance; dès-lors la multiplication
& la nourriture des poiftons font allurés.
Du frai. Ce mot a deux lignifications ; la première
défigne l’amour des poiffons, on dit le
poiffon fraye ; la fécondé indique une matière
gélatineufe, plus ou moins épaifle dans laquelle
font parfemés les oeufs: s’ils nont pas été fécondés
par le mâle, à mefure que la femelle les
pond, ces oeufs n’éclofent pas. Les mois de Mars,
Avril &>Mai, font les époques de l'apparition
du frai fuivant le degré de chaleur de la faifon
ou du climat.
Le poiffon ne s’accouple pas comme lés quadrupèdes
, les oifeaux & les infeétes. Lorfque le
tems des amours eft venu , les femelles fe portent
en foule vers les bords de.l’Etang, & chacune eft
fuivie d’un ou de plufieurs mâles y elles traînent,
leur-ventre fur la terre ayant quelquefois une
grande partie de leur corps hors de l’eau, afin
d’augmenter la foFce de cette preflion qui les
aide à fe débarraffer du frai. Les mâles fe tiennent
près des femelles & fur les côtés; ils preffent'
également leur ventre contre la terre & il en
fort un peu de liqueur légèrement-, blanchâtre
qpi vivifié tout le frai. .
Le but de la nature dans cette opération;,
eft de contraindre le poiffon à dépofer fes oeufs-
dans un endroit ou il y air peu d’eau, afin que
la chaleur des rayons du folèil la pénétre , l’ér
chauffe ainfi que la terre qu’elle recouvie ; cette
chaleur fuffit pour faire éclore ces oeufs douze
ou quinze jours après la ponte. La- multitude
aFoenfs eft fi confiérable, que lorfque les petits
.poiffons font éclos, l’eau des bords paroît pref-
<fue noire. Jufqu’à ce qu'ils aient acquis une
certaine force , ils folâtrent fur ces bords, ani-
.més par les .rayons du fole.il> peu-à-peu ils.
j’en éloignent, enfin ils les abandonnent. Si la
chaleur diminue le volume d’eau de l’Etang,
enfin fi l’eau ne reqpuvre pas toujours le frai,
il eft perdu, fe putréfie fur le bord, & corrompt
pair; j’ofe même avancer, d’après mes obfer-
vations, que ce frai defféché, eft la principale
caufe de l’odeur fétide des Etangs, & de la
corruption de l’air : tous les frais quelconques
produisent cet effet. Si le frai refte couvert d’eau,
il eft plus iong-tems à fe corrompre, fon odeur
eft moins forte, & fes émanations moins dan-
gereufes ; l’une & l’autre le font toujours.
J ’ai dit en pariant du local d’un Etang, que
fes bords dévoient être coupés à pic, afin de
maintenir toujours une certaine profondeur à
l’eau, de l’empêcher de fe putréfier ; enfin d’em-
pefter l’air & de porter le méphitifme dans le,
voifinage; cette propofition exige des modifications,
Si tout l’Etang étoit ainfi circonfcrit ,
8a fes bords par-rtout à un pied de profondeur ,
il n’y auroit jamais de frai, ou du moins, il
périroit en grande partie : cette raifon néceflite :
donc à laiffer en plan légèrement incliné & fur
une affez grande étendue,, Je côté par lequel
l’eau fe rend dans l’Etang, Il y aura donc au
moins les bords des trois quarts de l’Etang qui
ne feront pas nuifibles. Rien de fi naturel que
de pourvoir à la multiplication du poiffon, mais
il eft plus naturel encore de fonger à la con-
fervation dé la famé des hommes.
Les bords coupés à pic eft un grand avantage,
celui d’empêcher les beftiaux à venir piétiner
le fol couvert de frai. Dès que l’agrégation de
ce frai eft rompue, la maffe totale eft détruite ;
il eft donc bien plus aifé de circonferire, avec
des ronces sèches ou des paliffades, la partie
de l’Etang où le frai fe, trouvera dépofé.
D’ailleurs, fi la 'féchereffe commence par fe
faire fentir , fi on prévoit que cette partie du
bord de l’Etang ne fera pas recouverte d’eau
jufqù’à ce que le poiffon ptliffe fortir de l’oeuf,
il fera facile de lever dans fa 'longueur quel-
ques. pellées de terre . en manière de petite
digue-, afin d'empêcher le poiffon de paffer
? outre & d'affurer fon frai.
Plufieurs perfonnes afiurent que le frai de
carpe ne profpère réellement bien, que Jorfque
fa carpe a fept ou huit ans, & le mâle quatre
ou cinq; cette affertion paroît cependant paradoxale
& contraire à l’expérience. On; ferait
heureux fi elle étoit vraie, parce que les Etangs
feraient, moins garnis de menuifaille qui affame
le gros poiffon. Il eft prpuvé par l’expérience,
que l'alevin de fept pouces, c’eft-à-'dire, de
deux ans, & confervé pendant trois ans dans Iet
Etangs, peuple à merveille.
Des accidens qui arrivent aux Etangs b ait*:
poiffons.
L'affec. Rien de plus fâcheux pour l ’entretien
d’un Etang que la grande féchereffe, & l’affec
qui en eft la fuite ; ainfi que les larrons ou fuites
d’eau qui peuvent fe former danrla chauffée.
Les Etangs dont le fol e ft'à furface trop plane
& trop étendue, font dans le cas d'éprouver,
plus que tout autre, les rigüeurs de la féchereffe :
outre la ceffarion de$ fources ou ruifl'éaux .qui
y affluoient, il s’évapore une prodigieufe quantité
d'eau chaude, parce que l’évaporation eft
toujours en raifon de la furface, de la chaleur
que l’eau reçoit, & du courant d’air auquel elle eft
expofée, ainfi plus l’Etang aura de profondeur
dans fa poêle dans fes foftés, plus fes bords feront
Coupés à pics droits, moins il y aura d’évaporation.
Cependant fi l’on voit que la féchereffe continue,
que les eaux diminuent trop promtement, il
vaut mieux facrifier une partie des poiffons que
la maffe totale. Comme on fait la maffe des gros
poiffons dont l’Etang eft peuplé , on en tirera
la moitié ou plus ou moins fuivant la circonf-
tance en le pêchant avec la feine, & ce poiffon
étant vendu, dédommagera un peu le propriétaire.
Moins il reftera de poiffons dans l’Etang, moins
l’eau reliante fe corrompera.
Si la féchereffe eft extrême,,fi l’Etang refte
à fec, ou bien avec une trop petite quantité
d’eau, le mal eft fans remède, le poiffon y périra,
pourrira, & la contagion eft à craindre. Etablir
des grands feux autour & fur le fol de l’Etang
même., eft palliatif le plus affuré; & le'remède
fera coniplet, fi le nombre & le volume dut
feux, égalé le foyer de putréfaélion.
Si l’eau fe perd par des larrons, il faudra faire
les recherches les plus exaéles, afin de con-
nohré leur rentrés & leur fortie. On voit com-
, munemenhl’eau tourbillonner, & le tourbillon
eft toujours en raifon du diamètre du larron;
lorfque la furface de l’eau eft agitée par les vagues,
il ri'eft pas poffible de diflinguer ces tourbillons.
Les plus dangereux larrons font ceux placés à la
bafe de la chauffée ou ^tns la poêle, ou dans
telle autre partie de la cavité de l’Etang. Lorfque
l ’on eft affez heureux pour les découvrir,
; on cherche avec des inftrumens à élargir leuc
entrée, afin d’augmenter le courant ; alors on
; adapte fur cette ouverture un tuyau fait avec
Ides planches,-& proportionné à fa grandeur,
L& dans ce tuyau ou encaiffement .qui correfpond
au-deffus de la furface de l’eau , on jette du
béton clair & fait avec des petits cailloux. Un
homme armé d’une longue perche de bois,
I faffe ce béton, le fait entrer autant qu’il peu*